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Une offensive anti ouvrière

Réforme des retraites : pour les ouvriers, la promesse de mourir au travail ou précaires

Elisabeth Borne doit présenter ce 10 janvier le projet de réforme des retraites. Sur tous les plans, cette réforme du gouvernement qui vise à reculer l’âge légal de départ est une véritable offensive anti-ouvrière.

Adèle Chotsky

4 janvier 2023

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À moins d’une semaine de l’annonce du projet de réforme des retraites prévu par le gouvernement Macron, le cœur de la réforme est déjà on ne peut plus clair : nous faire travailler toujours plus longtemps, quitte à ce que ce soit pour y laisser des plumes.

Travailler plus vieux en moins bonne santé

Malgré une certaine fébrilité du gouvernement, comme en témoignent les déclarations d’Elisabeth Borne de ce mardi à propos de l’âge de 65 ans – qui « n’est pas un totem » selon la Première ministre – et sur l’allongement de la durée de cotisation, l’exécutif est déterminé à faire passer sa réforme. Par crainte d’une mobilisation et pour s’allier les syndicats réformistes, l’exécutif affiche la souplesse, mais il est bien décidé à ne pas bouger sur le cœur de son projet : reculer l’âge légal de départ à taux plein de toute façon, que ce soit à 64 ou 65 ans.

Pour les travailleurs, c’est l’assurance de se tuer au travail. Le report de l’âge de départ à la retraite, cela signifie l’impossibilité d’avoir une retraite en bonne santé, voire de pouvoir tout simplement vivre une retraite.

Tout l’argumentaire de la macronie repose sur le fait qu’il n’y aurait pas d’autre choix, financièrement, que de travailler plus longtemps. Parce qu’on vit en moyenne plus vieux, il faudrait donc travailler plus vieux. Quitte à ne jamais voir la retraite. Car si l’espérance de vie a augmenté depuis 1946, ce n’est pas le cas pour l’espérance de vie en bonne santé, en particulier pour les ouvriers. En ce qui concerne l’espérance de vie, l’écart est déjà flagrant : celle des hommes aujourd’hui âgés de 35 ans est de 84 ans pour un cadre, contre 77 pour un ouvrier, d’après les conditions de mortalité entre 2009 et 2013 recensés par l’Insee. Selon l’INED (Institut National d’Études Démographiques), en 2016, 23% des hommes les plus pauvres étaient déjà morts à 60 ans, et 31% des plus pauvres étaient déjà morts à 65 ans.

Après des années au travail, qui usent le corps et la santé, rares sont ceux qui peuvent vivre et profiter de leur retraite. Ainsi, un tiers des ouvriers et un quart des employés sont dits en incapacité dès la première année de retraite.

Cela, beaucoup de travailleurs en sont conscients : après un certain âge, on n’y arrive plus physiquement, que ce soit face aux gestes répétitifs, aux horaires, à l’exposition à des conditions difficiles comme le froid ou le bruit, que ce soit dans l’industrie, la grande distribution ou encore la santé.

« Je ne pense déjà pas arriver à 60 ans. Je vais y arriver à quatre pattes. On ne va pas sortir de l’abattoir indemne. » témoigne ainsi une ouvrière de 52 ans dans un abattoir. D’autres, encore jeunes, constatent déjà les effets sur leur corps et leur santé, les collègues « usés » qui s’épuisent autour d’eux.

Chômage et précarisation à tout va

En augmentant le taux d’emploi, la réforme va aussi augmenter le nombre de personnes au-dessus d’un certain âge au chômage et qui ne sont pas à la retraite. Ce que le gouvernement veut imposer aux plus âgés, c’est soit de se tuer à la tâche en travaillant jusqu’à 65 ans pour pouvoir toucher une retraite à taux plein, soit risquer de se retrouver sans emploi avant l’âge de la retraite. En effet, selon les statistiques de la Dares, en 2021 moins de 80% des 55-59 ans occupaient un emploi en France et seulement 38% des 60-64 ans.

Pour les plus âgés, retrouver du travail après la perte d’un emploi relève du parcours du combattant. Et ce, dans un contexte de l’attaque supplémentaire que constitue la réforme de l’assurance-chômage, adoptée en novembre dernier, qui consiste à moduler la durée d’indemnisation du chômage en fonction de la situation économique.

Toute la rhétorique actuelle du gouvernement sur le fait de “favoriser le maintien en emploi des séniors” fait partie de ses manoeuvres pour nous faire avaler sa réforme. Borne met ainsi en avant la mise en place d’un « index » sur l’emploi des seniors pour “encourager les entreprises” à conserver les salariés les plus âgés.

En réalité, tout cela s’inscrit dans une logique de précarisation des plus âgés. Faire travailler les plus vieux dans un contexte où les taux de chômage sont élevés, c’est pousser les travailleurs à accepter les emplois les plus précaires, les plus mal payés, les plus difficiles. Autrement dit, mettre plus de travailleurs en concurrence les uns avec les autres et contraindre les travailleurs, surtout passé un certain âge, à accepter n’importe quel emploi pour ne pas se retrouver au chômage et pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein.

Enfin, le gouvernement essaie de présenter sa réforme comme un moyen de revaloriser les petites retraites, en promettant comme l’a fait hier Elisabeth Borne, 85% du SMIC, soit la somme minimum de 1200€. Un montant à peine au niveau du seuil de pauvreté (1128 euros), et dans un contexte d’inflation record ! Cette pension minimale ne concernera même pas l’ensemble des retraités, puisque pour en bénéficier il faudra avoir cotisé le nombre de trimestres nécessaires ce qui exclut les travailleurs ayant connu de fortes périodes de chômage et de précarité, avec des carrières hachées.

Cette réforme des retraites n’est même pas présentée qu’elle est déjà une véritable déclaration de guerre sociale. Contre cette attaque anti-ouvrière, l’heure ne devrait pas être aux concertations comme celles dans lesquelles se sont engagées les directions syndicales, mais à un plan de bataille à la hauteur, sans attendre l’annonce du projet le 10 janvier. Les derniers sondages montrent un niveau de sympathie et de soutien de 58% de la population à une éventuelle mobilisation, en raison de l’impopularité générale de la réforme.

Loin des bureaux feutrés des ministères où Borne reçoit depuis deux jours, il faudra une grève massive et reconductible pour faire les faire reculer sur la réforme des retraites mais aussi pour arracher des augmentations de salaires.


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