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Élections régionales

Régionales. LREM gratte sur le terrain de la droite pour s’implanter localement

Les élections régionales dessinent les alliances possibles et les différents rapports de force qui se joueront en mai 2022. LREM compte bien tirer son épingle du jeu et occuper l'espace des Républicains en crise en opérant un tournant toujours plus à droite.

Anna Ky

17 mai 2021

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Crédit photo : AFP

Pour LREM, les élections régionales qui se tiendront à la fin du mois de juin représentent un double enjeu : il s’agit tout à la fois d’éviter la débâcle pour entamer en bonne posture la campagne présidentielle, en palliant le manque criant de structuration du parti à l’échelle locale, mais également de forger des cadres du parti, souvent issus de la « société civile » pour qu’ils se confrontent à l’arène électorale. La faiblesse structurelle du parti de Macron depuis sa fondation est une conséquence de la stratégie d’outsider, s’appuyant sur une base sociale très étroite et profitant de l’effondrement du bipartisme LR-PS pour émerger sans s’appuyer sur les corps intermédiaires.
Dans les élections plus locales, le PS et les Républicains semblent donc bénéficier d’un avantage, étant beaucoup plus implantés dans les villes etles régions, mais ces deux formations font face à des crises profondes. LR en particulier se retrouve pris en étau entre le Rassemblement National et LREM. 

L’effritement des Républicains pris en étau

Dans une interview accordée àFranceinfo,Brice Teinturier, directeur général d’Ipsos France, explique que« les partisans LR il y a cette espèce de fracture interne puisque 58 % estiment qu’ils sont proches d’En Marche et un tiers, proches du FN. Au point que le parti des Républicains n’a plus d’utilité ou de spécificités, eh bien c’est l’avis de 64 %de nos concitoyens. Seul un gros tiers, soit 35 % considèrent qu’il a bien une utilité. »
Il nuance cependant les analyses mécaniques qui prévoient l’effondrement total des Républicains, : « C’est un parti qui a une spécificité et une implantation au niveau local, qui a des positions, qu’il va puiser dans certains cas, du côté du Rassemblement national et aussi de LREM. Chaque parti a différentes sensibilités. La difficulté, là, c’est que les Républicains ont de plus en plus de
mal à les affirmer de manière forte. »

Cette configuration semble profiter en premier lieu au RN, qui trouve même des alliés de circonstances dans certaines régions pour la première fois,comme symptôme de son profil de plus en plus présidentiable et de moins en moins « anti-système » comme ils cherchent àle faire croire. Ils affichent ainsi le nom de Frédéric Frêche,ancien chef de cabinet PS, sur la liste RN de l’Hérault, ou encore Cédric Delapierre, passé de secrétaire du groupe UDI et LR au conseil régional de l’Occitanie à fervent soutien de la liste du Rassemblement national et Hervé Fabre-Aubrespy, ancien conseiller de François Fillon en PACA.
Le directeur de campagne du Rassemblement National en Occitanie se vante de ces prises deguerre :« L’étiquette ne choque plus. Des cadres et responsables LR voient bien les exemples de Béziers ou Beaucaire, où les maires ont été réélus avec des meilleurs scores qu’en 2014. C’est quand même un signal. » Avant d’insister sur le fait qu’il reçoit « beaucoup de marques de soutien et d’encouragements » de la part d’élus de droite déçus par l’effondrement de leur formation et qui dénoncent le « 18Brumaire centriste entrepris par Macron sur la droite ».

Le grand écart entre les Hauts-de-France et la PACA

Mais Macron compte bien tirer son épingle du jeu, profitant de dissensions qui traversent notamment les Républicains. Si l’enjeu pour ces derniers est de survivre, l’objectif pour LREM est de s’affirmer comme seul rempart face au Rassemblement National, tentant de préparer les régionales comme le premier round des présidentielles,où ils privilégient un scénario similaire à celui de 2017, avec un duel Macron-Le Pen.

C’est pourquoi Macron a envoyé plusieurs de ses ministres et des chefs de file LREM à la conquête des régions et des départements, pour se confronter à l’arène des élections. Mais cette stratégie électorale n’est pas sans contradictions. L’alliance opportuniste en PACA a fait grand bruit, tant dans les rangs des Républicains qu’à LREM.« C’est un joli coup politique qui ne prendra son sens qu’à deux conditions : Renaud Muselier doit l’emporter, ce qui prouvera que c’est un barrage efficace contre le RN, et nous devons être capables de faire des alliances sur l’ensemble du spectre politique. Je suis convaincu qu’Emmanuel Macron reste sur le dépassement politique, mais j’attends des preuves »,avoue Gilles LeGendre,député de Paris LREM. Mais en PACA, c’est encore une fois l’argument du RN qui est brandi pour justifier cette alliance :« J’aurais préféré qu’on présente une liste LREM au premier tour, mais, au vu des sondages, le principe de réalité s’est imposé », justifie Saïd Ahamada, député LREM des Bouches-du-Rhône.

Une tactique électorale qui s’explique par la défaveur de LREM dans les sondages, mais qui est en totale contradiction avec l’offensive macroniste dans les Hauts-de-France, au travers de la liste menée par Laurent Pietraszewski, secrétaire d’Etat aux Retraites. Cette liste contient les noms de quatre ministres : Eric Dupont-Moretti, Alain Griset, Gérald Darmanin et Agnès Pannier-Runacher. L’objectif affiché dans cette région est,selon les mots dePietraszewskide « tout faire pour être en tête au premier tour et tout au moins le premier des mouvements républicains », afin d’inverser la tendance en PACA et mettre prendre la tête de la liste d’opposition au RN au deuxième tour. Une offensive qui tente de déjouer les sondages dans les Hauts-de-France qui annonçaient début mai plus de 30 % de votes pour le RN et 35 % pour les Républicains, tandis que la liste LREM n’était créditée que de 10 %, derrière le PS.

Faire barrage au RN en reprenant son programme ?

Mais la campagne de LREM pour les régionales ne se fait pas sans accroches et sans contradictions, y compris en interne. Le symptôme de cette difficulté à homogénéiser les rangs de la Macronie s’est cristallisé récemment autour de la polémique lancée par le RN,par la voix de Jordan Bardella, qui a épinglé une candidate LREM de Montpellier qui porte le voile sur la photo de campagne. Le numéro deux du RN a notamment accusé LREM d’intégrer une « militante islamiste » à leur liste.

Et loin de refuser d’entrer dans une polémique islamophobe nauséabonde, certains membres de LREM se sont engouffrés dedans. « Les valeurs portées par LREM ne sont pas compatibles avec le port ostentatoire de signes religieux sur un document de campagne électorale. Soit ces candidats changent leur photo, soit LREM leur retirera leur soutien » a twitté Stanislas Guerini en réponse. D’autres membres de LREM dénoncent les propos de Guerini comme une discrimination. Pourtant, en dernière instance, c’est la ligne islamophobe du parti de Macron, aligné sur le RN sur cette question,qui a fini par l’emporter puisque la candidate en question a été écartée de la liste.
Cette énième polémique autour des élections régionales et départementales prouve une fois de plus que la République en marche est loin de pouvoir incarner une véritable alternative à l’extrême-droite,en reprenant à son compte une partie toujours croissante de son programme sécuritaire et réactionnaire.


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