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Sans-papiers

Relogement de 200 exilés suite à une occupation : quand la mairie de Paris cache la misère

Suite à l’occupation d’une école désaffectée dans le XVIème arrondissement de Paris par le Collectif Réquisition le 24 janvier, 200 personnes exilées ont été temporairement relogées. Vendredi dernier, nous avons rencontré deux d’entre elles, ainsi qu’Oriane et Annaëlle, membres du collectif.

Lili Krib

3 février 2021

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Dimanche 24 janvier, plusieurs centaines de personnes, principalement des sans-abri, des bénévoles d’associations et militants, ont occupé une école maternelle désaffectée dans le XVIème arrondissement de Paris. Cette action coup de poing à l’initiative du Collectif Réquisition - qui regroupe un ensemble d’associations venant en aide aux personnes mal logées, sans-abri et exilées, comme le DAL, Utopia 56, Solidarité Migrants Wilson, Paris d’Exil ou encore la Marche des Solidarités - avait pour but de mettre en lumière la situation dramatique des demandeurs d’asile sans logis. Le collectif demandait alors la « mise à l’abri immédiate » d’environ 200 personnes demandeuses d’asile, présentes sur les lieux et « la mise en place d’une politique d’accueil digne et respectueuse des droits fondamentaux ». Quelques heures après le début de l’occupation, l’adjoint au logement de la Ville de Paris et membre du PCF Ian Brossat s’est rendu sur place pour annoncer la mise à disposition de deux gymnases pour l’hébergement d’urgence.

Une réponse insuffisante de la Mairie de Paris en réaction à la mobilisation

L’action du Collectif Réquisiton a d’une certaine façon porté ses fruits, la mise sous pression et la médiatisation ayant forcé la Mairie de Paris à apporter au plus vite une réponse à la situation, mais le dispositif d’aide mis en place est loin d’être suffisant. En effet, si les exilés sont relogés aujourd’hui (dans des centres d’hébergement d’urgence, une halle d’exposition et des hôtels pour certaines familles, mineurs et femmes seules), ce n’est que pour une courte durée et la question d’un relogement futur reste toujours aussi incertaine et leur situation est vouée à l’extrême précarité.

Nous avons rencontré vendredi dernier des demandeurs d’asile relogés dans la halle d’exposition. L’un d’eux, après avoir affirmé que l’accès au lieu leur était limité à deux mois, nous a fait a part de son désarroi. À l’issue de cette période, il sera vraisemblablement à nouveau à la rue, et à l’horizon c’est à nouveau l’incertitude et la détresse qui guettent, quand les demandes de régularisation reçoivent dans l’immense majorité des cas des fins de non-recevoir

D’autre part, comme le souligne Oriane de l’association Paris d’Exil : « deux gymnases ce n’est clairement pas suffisant par rapport à toutes les personnes qui sont à la rue ». La jeune femme note, cette fois, la réactivité « inédite » du gouvernement à fournir des places d’hébergement d’urgence en une après-midi face à la pression d’une mobilisation, alors que les 412 demandes de réquisition de logements vides en Ile-de-France, déposées par le Collectif Réquisition le 11 décembre dernier, sont toujours laissées sans réponse par la préfecture.

Annaëlle du collectif Solidarité Migrants Wilson explique également : « Le Collectif [Réquisition] dénonce d’une part une inaction de l’État mais aussi une politique de dissuasion vis-à-vis des personnes migrantes : tout est fait pour ne pas les accueillir dans la politique migratoire française […] cette dimension du non accueil passe par des places d’hébergement insuffisantes, [et] des moyens insuffisants dans le suivi social et administratif des personnes ». La mise à disposition temporaire de ces lieux d’hébergement n’est donc qu’une mesure pansement s’inscrivant dans la droite lignée de la politique migratoire nauséabonde du gouvernement. Face à cette dernière, une des principales revendications du collectif est « l’application de la loi de réquisition, qui permet à la préfecture […] de se saisir de locaux vides pour héberger les gens qui sont à la rue […] : en période de pandémie c’est d’autant plus important de mettre à l’abri des personnes qui se confrontes aux conditions de vie extrêmement rudes de la rue. [Il faut] dire à l’État qu’il est temps d’agir pour ces personnes-là » continue Annaëlle, et ce d’autant plus que « la crise sanitaire […] a considérablement empiré les conditions de vie [des personnes exilées et à la rue] ».

Opacité sur le relogement et restriction de l’aide humanitaire

Outre son inaction face à la détresse et la précarité des migrants et sans-abris, l’État a instauré un contrôle des associations et de leurs bénévoles, en empêchant leur accès, ainsi que celui des médias, aux centres d’hébergement où ont été relogés les exilés. Nous avons pu le constater vendredi dernier avec Oriane et Annaëlle que nous avons suivi sur place. L’absence de transparence et de communication quant aux conditions dans lesquelles les exilé.e.s sont pris charge, et le fait que, comme le rappelle Annaëlle « d’une manière générale on a une très faible visibilité de la suite une fois que les personnes sont mises à l’abri c’est toujours très difficile de savoir où, comment, quand et par qui », démontre à quel point « il y a des tensions autour de cette question : on peut supposer des moyens insuffisants ». Restreindre l’aide des associations humanitaires aux personnes exilées et empêcher la couverture médiatique à leur sujet est aussi un moyen de maintenir une opacité pour contenir au mieux l’indignation que pourrait susciter la médiatisation de leurs conditions de vie, et le traitement inhumain réservé aux migrants et exilés.

Une situation qui n’est pas nouvelle, mais exacerbée par la crise sanitaire

Par ailleurs, comme le précise Oriane, l’occupation de l’école maternelle du XVIème arrondissement le 24 janvier répondait à la « grosse urgence à mettre les personnes à l’abri à la fois du froid et des violences policières » . Car « Les personnes exilées sont pourchassées par les flics depuis bien longtemps, avec les mêmes pratiques qu’on retrouve à Calais et à Grande-Synthe ; elles sont obligées de se diviser en petit groupe, de se cacher sous des ponts. » développe-t-elle. Les violences policières perpétrées sur les exilé.e.s se déroulent quotidiennement et en toute impunité. On en a encore vu récemment l’illustration, lors de l’expulsion du camp de migrants à Saint-Denis puis à l’occasion de la nuit de la honte Place de la République qui a suivi - « une trentaine [de personnes exilées occupant l’école maternelle du XVIème arrondissement le 24 janvier] étaient déjà [d’ailleurs] présentes place de la République il y a 2 mois afin de demander leur prise en charge en tant que demandeuse d’asile » selon Utopia 56 - ou encore à Grande-Synthe dans le Nord-Pas-de-Calais, où dès le petit matin des équipes de nettoyages, cagoulées et accompagnées de policiers, lacèrent au couteau les tentes de réfugiés.

Le harcèlement permanent des migrants par les préfectures de police, et plus largement le traitement inhumain qui est réservé à ces derniers est inacceptable. Comme le demandent depuis de nombreuses années les associations venant en aide aux personnes exilées et sans-abri, il faut réquisitionner les logements vides pour permettre, à tous et sans condition, l’accès à un logement digne et durable, régulariser tous les sans-papiers, et exiger la fermeture immédiate des centres de rétention administrative, où les étrangers en situation irrégulière, lorsqu’ils ne sont pas à la rue, sont incarcérés.


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