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Rencontre avec Pierre Granet, militant révolutionnaire du NPA à Toulouse

Présidentielles : "Le système de parrainages est anti-démocratique et vise à écarter les partis non-institutionnels"

Alors que la date limite du dépôt des 500 parrainages nécessaires pour participer aux élections présidentielles approche à grands pas, le Nouveau Parti Anticapitaliste n’est toujours pas sûr de pouvoir présenter son candidat, Philippe Poutou, ouvrier combattif de l’usine de Ford Blanquefort. Ayant obtenu à ce jour quelques 200 promesses de parrainages, la mise en ordre de bataille des militants et des sympathisants est nécessaire si le NPA veut pouvoir imposer une voix révolutionnaire aux élections, à rebours de toutes les candidatures institutionnelles qui occupent le champ médiatique. Je rencontre aujourd’hui Pierre Granet, retraité et militant de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) puis du NPA. Porteur d’une expérience riche et d’une tradition certaine dans le militantisme révolutionnaire, Pierre a récolté plus d’une vingtaine de promesses de parrainages pour la présidentielle de 2017. C’est en partie à ce titre qu’il a accepté de répondre à quelques-unes de mes questions… Propos recueillis par Marina, étudiante au Mirail et militante de l’organisation de jeunesse du NPA à Toulouse

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Marina : Pierre, tu milites depuis de nombreuses années et ce n’est certainement pas ta première campagne pour porter les idées révolutionnaires lors d’élections présidentielles. À quand remonte ta première signature obtenue ? Comment t’es-tu forgé cette expérience dans la recherche de parrainages ?

Pierre : J’ai obtenu ma première signature lorsqu’on s’est présentés pour la première fois avec la candidature d’Alain Krivine, dans l’année 1969. C’était dans le village de Bonnieux dans le Lubéron, on avait rencontré un maire qui avait été résistant pendant la guerre, et qui était totalement en adéquation avec les idées que l’on portait avec notre candidature. À l’époque, c’était juste après mai 68, Alain Krivine faisait campagne pour la révolution socialiste, les milices ouvrières, le combat et la généralisation des grèves ouvrières, bref pour le renversement du capitalisme !

Marina : Pourquoi c’est aussi difficile pour la NPA cette année ?

Pierre : Il faut dater cette difficulté. Ça a commencé à devenir plus difficile à partir de septembre 2016. Au printemps, on était dans une situation différente puisque l’actualité politique se menait autour de la mobilisation contre la Loi Travail : c’était particulièrement facile d’aller rencontrer les maires. Il était beaucoup plus facile d’expliquer aux maires pourquoi on pensait que Philippe devait pouvoir se présenter pour porter la voix de la mobilisation sociale et des forces syndicales et sociales en confrontation avec la politique de casse de nos acquis, et c’était un sujet de préoccupation important. À partir de septembre et avec la primaire de la droite, on est entrés dans la logique de la campagne institutionnelle, et en ce moment même avec la primaire du PS, la pression est forte : un certain nombre de maires sont en attente des résultats de la primaire de la gauche avant de choisir qui parrainer.

Marina : Qu’est-ce que tu penses de la règle des 500 signatures et quelle est son histoire ?

Pierre : Cette loi est très clairement anti-démocratique, et vise à écarter tous les partis non-institutionnels. Avant la réforme de 1976 portée par Giscard d’Estaing, qui a imposé le passage de 100 à 500 parrains, c’était plus facile d’avoir une centaine de maires qui acceptaient de nous parrainer. Les maires faisaient alors non seulement le geste démocratique de parrainer notre candidature, à l’époque celle de Krivine, pour faire vivre le pluralisme politique, mais c’était aussi, pour beaucoup, des maires qui s’identifiaient aux idées politiques qu’on défendait, sans adhérer intégralement au programme, mais un parrainage de conviction quand même !
À partir de 1976, il a fallu être en capacité de passer à un stade supérieur. Il faut réussir à convaincre les maires qu’ils ont le pouvoir et le devoir de permettre à un parti politique comme le nôtre, qui n’a pas cinq cents élus dans ses rangs, de pouvoir présenter ses idées et son profil à la présidentielle.

Marina : J’ai été frappée de voir que tous les maires que je rencontre commencent par exprimer un refus catégorique de parrainer qui que ce soit, s’estimant trompés par les politiciens, et ne voulant pas cautionner ce système. Est-ce que c’est comme ça à chaque campagne ? Quels sont tes conseils pour s’adresser aux maires ?

Pierre : Il faut bien avoir dans l’idée que dans les petites communes, les maires qui sont élus par leurs concitoyens sont bien souvent des gens de notre classe, des travailleurs en activité ou retraités, qui prennent sur leur temps libre pour pouvoir gérer au mieux leur commune et essayer d’agir localement. Eux-mêmes sont confrontés, depuis une dizaine d’années, à une politique d’austérité, puisque la baisse de la Dotation Globale de Financement (DGF) de l’État a entrainé une baisse des dotations aux collectivités territoriales, dont 3,5 milliards en moins pour les petites communes. Ce qui les empêche de pouvoir rénover les bâtiments municipaux, d’assurer la réfection des écoles, la construction d’aires de jeux pour les enfants, etc. Eux aussi vivent l’austérité, donc bien souvent le contact est immédiat, ce qui fait qu’il y a une identification avec la bataille qu’on mène. Moi je leur dit souvent : petit parti, petite commune, mais grandes idées !

L’autre contact immédiat, c’est que bien souvent ils nous disent : « oui mais moi je suis élu sans étiquette politique ». Mais justement moi je retourne l’argument : si vous êtes élus sans étiquette politique, c’est parce que vous faites vivre le pluralisme politique dans votre conseil municipal. Vous avez des gens de tous bords, et dans votre Conseil vous allez chercher des gens de bonne volonté pour améliorer les conditions d’existence et de vie de vos concitoyens. Et c’est bien un geste démocratique qu’on attend d’eux et qu’on vient chercher : qu’ils nous donnent la possibilité d’imposer la candidature de Philippe Poutou aux élections, de faire vivre le débat démocratique, et peut-être de donner la possibilité à leurs concitoyens d’exprimer leur opinion en choisissant de voter pour Philippe s’ils se sentent en adéquation avec ce qu’on défend.

Marina : Moi, c’est ma première campagne présidentielle comme militante et c’est la première fois que je me confronte à la recherche de parrainages. Ce dont je me rends compte, c’est de la difficulté pour les révolutionnaires d’imposer leur voix dans le débat. On a le sentiment de mener un bras de fer avec le système anti démocratique de la Ve république et de devoir faire preuve de beaucoup de détermination pour arriver à nos fins. Qu’est-ce que tu répondrais à celles et ceux qui sont écœurés de ce système et qui pensent qu’il vaut mieux boycotter les élections ?

Pierre : Si on a choisi de présenter Philippe, ce n’est pas simplement parce que c’est un ouvrier. Bien sûr que ça compte, mais surtout qu’il incarne ce que nous disons sur les élections : que les élections ne changent rien, et que ce qui change les choses, c’est la mobilisation sociale et l’organisation de notre camp. Il en est l’incarnation, pas lui tout seul bien sûr, mais avec l’intersyndicale qu’ils ont mise en place à l’usine de Ford, avec le collectif de soutien lancé sur Blanquefort, avec le soutien des familles des ouvriers menacés de perdre leurs emplois – pour en savoir plus, aller sur le site de la CGT Ford. Ce qu’il incarne, c’est une candidature ouvrière qui est le fruit d’une bataille politique menée avec ses camarades de travail, dans l’unité syndicale, contre la fermeture de l’usine de Blanquefort et pour la sauvegarde de centaines d’emplois.

Son expérience incarne notre programme. Sur la question du chômage par exemple : pour nous, la meilleure réponse contre le chômage, c’est la mobilisation des travailleurs pour empêcher le patronat de fermer les usines et de licencier des gens. On connait ça sur Toulouse, avec les licenciements par centaine sur Latécoère. Quand Philippe est venu pour les soutenir, la trentaine d’ouvriers qui sont sortis pour le rencontrer a très bien compris que ce n’était pas par les négociations de branche, avec les préfets ou avec les élus qu’ils pourraient s’en sortir. Le rapport de force n’existe pas autour des tapis verts. Le rapport de force, il existe dans les usines, là où on est en capacité de le faire, et ça passe par la grève et l’occupation du lieu de travail.
Ensuite, à ceux qui hésitent ou qui pensent que les élections ne servent à rien et que les révolutionnaires devraient en être absents par principe, il faut bien se rendre compte que si les candidatures révolutionnaires, celles de notre camarade Philippe, mais aussi celle de N. Artaud, obtiennent des scores au-delà des 1% confidentiels, ce sera un encouragement pour les luttes et la contestation sociale. Un bon exemple de ça, c’est 1995. À l’époque, Arlette Laguiller avait fait 5%, et ça avait créé un phénomène d’encouragement pour les équipes syndicales qui sont ensuite parties en bataille contre la réforme des retraites de novembre et décembre 1995. On se souvient même qu’en 1999, lorsque le gouvernement Jospin avait commencé à attaquer les enseignants avec la Loi Allègre, on pouvait lire sur des pancartes dans les manifestations « Lionel fais gaffe ! Arlette est pas loin derrière ! ». Je pense que c’est tout à fait illustratif : l’idée n’est pas de faire un bon score pour faire un bon score, mais c’est d’avoir un score qui soit représentatif des gens, des salariés, des travailleurs, qui se revendiquent de l’anticapitalisme et de la révolution, et ça c’est encourageant.

Et ces scores là, c’est très important : ce sont des travailleurs qui sont bousculés par l’austérité, par la répression, par la précarité, et qui ne vont pas se réfugier dans le vote FN. C’est un vote de classe, un vote qui dit que c’est dans le combat des travailleurs que se trouve l’issue de la crise, et pas avec la charlatanerie de Marine Le Pen, qui a repris le programme social de la gauche mais qui prend ce programme pour mieux nous diviser entre travailleurs français et travailleurs immigrés, qui n’ont pas droit de vote évidemment. En 2012, j’ai rencontré un maire qui, après deux discussions où il m’avait raconté sa galère d’ouvrier licencié à l’âge de 49 ans, avait accepté de parrainer Philippe. En me tendant sa promesse de parrainage signée, il m’avait regardé droit dans les yeux et m’avait dit : « heureusement que vous êtes venu le premier. Parce que j’en ai tellement marre du PS, des Républicains et de tous ces politiciens, que si Marine était passée, je lui aurais donné ma signature ». Conclusion : quand tu fais ta tournée, que tu tombes sur un ouvrier qui n’a pas de tradition syndicale particulière mais qui a vraiment dégusté, le type, spontanément, pour se venger il aurait voté FN. Parce que tu passes à ce moment-là, tu lui offres une autre perspective : celle d’une candidature ouvrière qui exprime le ras-le-bol de ce système, mais sur des bases révolutionnaires et progressistes. Combattre le fascisme, c’est ça aussi… rencontrer des maires tentés par la « colère » nationaliste anti-immigrés et les aider à penser par eux-mêmes.

Marina : On nous demande souvent pourquoi le NPA maintient sa candidature alors que Mélenchon est en train d’avancer dans les sondages, et qu’il apparaît pour beaucoup comme une alternative à gauche. Qu’est-ce que tu leur réponds ?

Pierre : Je pense qu’il faut répondre franchement, et dire qu’on est en désaccord avec le programme de Mélenchon. Mélenchon, c’est une politique souverainiste : il prétend défendre le monde du travail en bloquant les frontières. Sa déclaration, justifiant le Brexit, sur les ouvriers polonais qui volent le travail des ouvriers anglais, c’est nauséabond, et on est en désaccord. En réalité, Mélenchon oriente les travailleurs de France vers des politiques isolationnistes, et qui correspond à une alliance avec une fraction de la bourgeoisie dite nationale, Dassault en particulier, qui tire tous ses profits des commandes d’armement de l’Etat français. D’ailleurs, Dassault est un grand copain de Mélenchon dans l’Essonne, c’est de notoriété publique. Nous on n’a pas cette politique, on veut mener une politique de solidarité internationale, d’alliance avec les travailleurs du monde par-delà les frontières, sans rentrer dans le jeu de la concurrence imposée par les bourgeoisies.

Marina : Il nous manque près de 300 parrainages et la limite approche. Est-ce que c’est encore possible ? Quels conseils tu donnerais aux camarades ou sympathisants qui font la démarche de partir à la rencontre des maires ?

Pierre : Ce qui faut avoir en tête maintenant, c’est qu’il n’est pas trop tard. Je te remercie de faire cette interview, Marina, et je sais que vous êtes bien partis avec le comité ville jeune de Toulouse. Ce n’est pas trop tard parce que les choses vont se débloquer, c’est-à-dire que l’injustice qui va apparaitre de façon manifeste que le NPA, qui participe régulièrement aux élections, soit absent de cette campagne électorale, va sans doute créer un petit phénomène. Par ailleurs, après les primaires de la gauche, certains maires pourront accorder plus facilement leur parrainage si le candidat ne leur convient pas.
Mais la vérité des prix est la suivante et il faut être très clair : il faut qu’on ait 300 camarades qui se donnent comme objectif, dans le mois qui vient, de rencontrer vingt maires chacun. Si on part sur cet objectif, ça fait 6000 maires rencontrés, c’est beaucoup, mais c’est faisable. Soit en prenant dans ses week-ends, soit dans la semaine quand on est disponibles, soit en prenant une semaine de congés. Il fautpartir sur le terrain et labourer les cantons. Et quand je dis rencontrer vingt maires, c’est rencontrer vingt maires, pas visiter vingt communes (rires), vraiment les rencontrer. Il faut se donner un objectif d’un canton d’une trentaine de communes, en priorisant les communes de quelques centaines d’habitants (c’est notre cœur de cible !), et y retourner plusieurs fois, car c’est souvent la deuxième ou la troisième fois qu’on obtient un parrainage. Avec de la détermination et de la conviction, on peut y arriver ! D’autant plus que Philippe est crédité à 2,5% d’intentions de vote dans les derniers sondages, alors même que sa candidature ne s’est pas encore vraiment installée : ça prouve qu’il existe un espace pour les idées qu’on défend et qu’on doit s’en donner les moyens !


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