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Réouvertures. Macron joue les désinvoltes pour faire oublier son bilan sanitaire tragique

La réouverture tant attendue des terrasses, des lieux culturels et des commerces a été l’occasion pour Macron de dérouler son plan comm’ de retour à la normale. Mais aucun retour à la normale n’est possible sans stratégie sanitaire à la hauteur.

Inès Rossi

21 mai 2021

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Macron au stade municipal de Pont-Sainte-Marie (Aube), le 19 mai 2021 - Ludovic MARIN © 2019 AFP

« Nous y sommes ! » annonce Macron dans un tweet triomphal, accompagné d’une vidéo de lui et du Premier ministre prenant un café en terrasse. « Terrasses, musées, cinémas, théâtres… Retrouvons ce qui fait notre art de vivre. Dans le respect des gestes barrières. » dit la suite du tweet, alors qu’à l’image, on voit le Président enlever son masque pour parler à un serveur.

Nous y sommes, en effet. La réouverture des terrasses, des lieux culturels et des commerces a pris effet le 19 mai, comme promis. Macron communique, joue la carte de la légèreté, du retour à la normale. Pour l’ensemble de la population est privée de loisirs et de vie sociale depuis des mois, c’est un grand soulagement, mais un soulagement bien vite mitigé par les fusils d’assaut des flics qui ont fait évacuer les terrasses parisiennes au forceps dès 21h sonné.

Mais attention ! « C’est pas la bamboche du jour au lendemain ! » précise quand même Emmanuel Macron, qui a pourtant fondé toute sa campagne de déconfinement sur le retour des beaux jours. Un double discours qui permet à Macron de se présenter à la fois comme le libérateur des populations confinées, et comme le donneur de leçon face à une population qui ne respecte pas les consignes sanitaires et est donc responsable de la situation sanitaire.

Car si le chef de l’État aimerait nous le faire oublier, la situation sanitaire est loin d’être au beau fixe, et c’est entièrement la faute de son gouvernement. Derrière les discours, les chiffres restent : si les contaminations sont en baisse, c’est une baisse fragile et lente, qui n’écarte pas la possibilité d’une remontée brutale, en particulier en raison des variants. À ce jour, en France, seul 14% de la population est entièrement vacciné contre le Covid. Parmi ces 14%, il reste encore une bonne partie de la population fragile et susceptible de développer des formes graves de la maladie, et une grande part de la population qui est de nouveau exposée au virus à cause de la réouverture (serveurs, employés des lieux culturels, etc.)

« Il se veut drôle alors que l’on est dans une situation dramatique, tant au niveau sanitaire que politique. explique Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique
dans l’Obs Il y a déjà eu plus de 108 000 morts, les niveaux de contamination sont encore très hauts, on est loin d’être sortis de l’épidémie. Dans un moment pareil, on n’attend pas du président qu’il fasse des blagues. Qu’il se mette en scène à une terrasse de café, sans masque. Qu’il parle de bamboche. »

Le taux d’incidence fixé par le gouvernement pour prouver que leurs mesures marchent est plus qu’élevé (il s’élève à 400 cas pour 100 000 habitants sur une semaine). En réalité, plus de 4 000 lits de soins intensifs sont encore occupés en France, et dans certains départements, comme en Île-de-France, ces services sont encore saturés.

Interrogée par Ouest France, Karine Lacombe, infectiologue à l’hôpital Saint Antoine à Paris regrette cette ouverture, prématurée selon elle : « Elle arrive probablement trop tôt. Deux, trois, quatre semaines, c’est difficile à dire. On aurait souhaité qu’il y ait beaucoup moins de personnes en réanimation, voire en hospitalisation traditionnelle avant de rouvrir. »

Après plusieurs mois de restrictions, du confinement au couvre-feu pour la population, il est légitime que la réouverture des lieux de vie suscite l’engouement. Mais contrairement à ce que s’empressent de dire le gouvernement et les personnalités politiques sur les réseaux sociaux, la suite des évènements ne dépend pas de l’attitude individuelle des jeunes qui retrouvent les terrasses après plus d’une année de pandémie, mais bien de la campagne de vaccination et des moyens pour faire face à l’épidémie dans les hôpitaux, les écoles, les universités, les lieux culturels.

Les images des policiers chassant les clients des bars fusil en mains et celles de Rennes sous les gaz lacrymogènes peu après le couvre-feu ne trompent pas : pour Macron, c’est « la bamboche » pour la comm’, mais toujours la répression pour la population et aucun moyens conséquents pour les services publics.

Les tweets et les petites phrases ne dissimulerons pas le fait qu’aucune stratégie sanitaire ambitieuse n’a pas été mise en place par le gouvernement pour garantir le bon déroulement de la réouverture. L’arrivée de variants plus virulents, plus dangereux, ne va faire qu’aggraver une situation déjà propice aux contaminations. Si ce déconfinement nous mène à une nouvelle débâcle sanitaire, le gouvernement et sa stratégie pro-patronale de sauvegarde de l’économie quoi qu’il en coûte en seront l’unique responsable, et nous en paierons les pots cassés.

Les travailleurs des secteurs accueillant à nouveau du public seront surexposés, alors que la campagne de vaccination avance à pas de fourmis. Ainsi, sur les lieux de travail, dans la culture ou l’Education Nationale où les travailleurs se sont longuement mobilisés pour des moyens à la hauteur des besoins, l’auto-organisation sera nécessaire pour élaborer des protocoles sanitaires sérieux face à l’état sanitaire actuel. Car si Macron veut nous faire payer la crise sanitaire et économique, seule une stratégie pensée par et pour les travailleurs et les usagers pourra mettre leurs intérêts avant ceux du grand patronat.


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