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Carnet de guerre

Retour de Palestine (3). Check-points et prison

Lamia Mhia « Il existe deux aspects au phénomène d’occupation, souligne Lamia Mhia, militante de Génération Palestine et de BDS, dans ce troisième volet du reportage que nous publions. Il y a, d’une part, l’occupation qui se traduit par la présence physique du soldat au bout de la rue. De l’autre, il y a cette occupation bien plus cruelle encore : l’occupation psychologique, celle des esprits. Jamais il n’est possible d’être tranquille ».

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En Palestine, tout le monde sait que Tsahal peut pénétrer violemment en pleine nuit dans n’importe quelle maison et arrêter n’importe qui. L’une des pratiques des soldats israéliens pour entretenir ce sentiment d’insécurité est de procéder à des arrestations aléatoires d’hommes. Dans les villages, ils leur font faire le tour du bourg, attachés dans un char de l’armée, puis les ramènent chez eux. J’ai passé quelques jours dans la campagne palestinienne, à Jayyus. Le soir de mon arrivée une famille voisine célébrait un mariage. Nous avons appris le lendemain que les soldats avaient arrêté le marié le soir de la fête. Un moyen de montrer qu’ils sont là, qu’ils contrôlent tout, et qu’ils ont tous les droits.

Au checkpoint de Qalandia, pour rentrer à Jérusalem, j’ai vu des familles palestiniennes se faire traiter avec mépris par des soldats israéliens d’une vingtaine d’années. Étonnant de voir à quel point les soldats sont jeunes. La plupart font leur service militaire obligatoire et se retrouvent, à peine sortis de l’adolescence, à devoir contrôler, comme bon leur semble, des civils palestiniens. Contrôler et diviser. À Bethléem, j’ai rencontré un jeune Palestinien chrétien et sa famille. Ils m’ont raconté à quel point les autorités israéliennes tentaient de diviser la lutte palestinienne en « favorisant » les Palestiniens chrétiens par rapport aux musulmans. Néanmoins, dans la plupart des cas, elles n’y arrivaient pas, car la résistance pour la libération de la Palestine est aussi forte chez les chrétiens que chez les musulmans, qui combattent ensemble l’occupation dont ils sont victimes.

Un autre point qui m’a frappée, c’est le rapport des jeunes Palestiniens à la prison, sorte de passage obligé. C’est d’ailleurs l’expression qu’utilise Franck Salomé dans son documentaire, Palestine : la case prison. La question des prisonniers palestiniens structure la société palestinienne. C’est une manière de tenir sous pression l’ensemble d’une société qui sait pertinemment qu’à tout moment ses jeunes peuvent être mis en prison. D’ailleurs, Israël peut (et le fait souvent) ne pas se donner la peine de fournir un motif d’arrestation car Tel-Aviv s’est octroyé le droit de détenir administrativement n’importe qui, et ce durant une période de six mois renouvelables indéfiniment, sans chef d’inculpation et donc sans procès. Tous les jeunes ont soit déjà fait, eux-mêmes, de la prison, soit y ont un membre de leur famille, un proche ; et tous, en tout cas, ont déjà assisté à une arrestation. Mais j’ai été également surprise de la façon dont certains arrivaient à tourner en dérision leur condition et à garder le sourire malgré leur situation difficile au quotidien. Un jeune Palestinien m’a d’ailleurs dit en plaisantant qu’il voulait retourner en prison pour revoir ses amis.

Ce n’est qu’une fois hors de Palestine que j’ai eu l’impression que je pouvais « respirer » de nouveau. Je me suis rendu compte à quel point l’ambiance là-bas était pesante. Mais également qu’il faut faire ce voyage, aller voir et revenir pour raconter ce qu’il s’y passe réellement, cette dialectique du conflit, du colon et du colonisé, de l’occupant et de l’occupé.


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