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Rien ne va plus au pays d’Hugo Chávez

Retour en force de la droite au Venezuela

Les résultats ne sont pas encore complets et il manque quelques circonscriptions où le dépouillement n’a pas encore été complètement achevé. À l’heure actuelle, néanmoins [au cours de la nuit de dimanche à lundi, NdT], l’opposition de droite, la MUD [Table d’Unité Démocratique] remporterait quasiment 60% des voix et le chavisme 27,5. Le président Nicolás Maduro en personne a reconnu la défaite en invoquant des « résultats adverses ». Milton D’León, correspondance de Caracas

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Ce résultat, cependant, n’a rien de surprenant. Au beau milieu d’une crise économique qui secoue fortement le pays, la droite a fini par capitaliser l’usure dont souffre le gouvernement, accentuée par l’absence du principal symbole du chavisme, à savoir Hugo Chávez lui-même, décédé en mars 2013. Le gouvernement s’est essayé, par tous les moyens et vainement, à réduire au possible le différentiel de vote avec l’opposition, mais la défaite pourrait contribuer à accentuer plus encore la crise politique, y compris au sein des sphères dirigeantes du chavisme.

Après 17 ans de gouvernement chaviste, l’usure du pouvoir, la chute des prix du brut s’est combiné avec une crise économique d’ampleur qui couvait, déjà, sous Chávez, et qui a explosé sous Maduro, son successeur, qui n’a pas pu compter sur les mêmes marges de manœuvres. La droite a su jouer sur cette situation. Elle a su invoquer, avec cynisme, les problèmes auxquels est confronté le monde du travail, soulignant les échecs du chavisme pour mieux défendre sa propagande néolibérale. Maduro, jusqu’au bout, a soutenu que son gouvernement n’était pas un gouvernement austéritaire. Néanmoins, avec la chute du pouvoir d’achat, la hausse du coût de la vie, le désapprovisionnement des produits de première nécessité et des médicaments, sans même parler des dizaines de milliers de licenciements ces derniers mois dans le secteur public et privé, il en avait les apparences… Inutile, par la suite, de prétendre que les « vrais austéritaires » sont à droite et qu’il faut voter utile.

Cette droite a pu reprendre des forces en dépit des coups que le mouvement des masses lui avait infligé au cours de ses tentatives de sédition contre Chávez, comme entre 2002 et en 2005, lors de la tentative de coup d’État et la grève pétrolière patronale. Mais le retour en force de cette droite est la responsabilité du chavisme lui-même, car Chavez aspirait à collaborer avec une bourgeoisie « productive » et « patriote » et a toujours cherché à concilier les intérêts des classes et non à abattre la société bourgeoise. Même dans les moments d’offensive la plus impitoyable orchestrés par la bourgeoisie nationale, où les travailleurs et le peuple ont déployé une énorme énergie et ont démontré une véritable disposition à lutter, Chavez s’est proposé comme candidat à qui la bourgeoisie pouvait remettre son pouvoir. Chávez l’avouait d’ailleurs lui-même : « si ce n’était pas pour ce processus de révolution démocratique et pacifique, je ne sais pas ce qui se passerait au Venezuela, je ne sais pas combien de Caracazos nous aurions (…) Les bourgeois ne seraient pas en train de vivre paisiblement comme aujourd’hui. » Ainsi, il a préservé cette même bourgeoisie nationale qui aujourd’hui fait du chantage aux classes ouvrière et populaires, alors que ses représentants politiques les plus authentiques – l’opposition de droite – récoltent les fruits du mécontentement populaire et se préparent à revenir au pouvoir.

La droite a parié sur l’usure politique du gouvernement et le mécontentement suscité par la crise qui touche le peuple de plein fouet. Et le chavisme, voyant bien que la situation ne lui était pas favorable, a regroupé toutes ses forces et son appareil au sein d’un soi-disant Grand pôle patriotique (GPP), placé sous la figure tutélaire de Chavez. Cette « chavezisation » de la campagne visait à réduire l’écart afin de sauver les meubles, mais elle n’a pas réussi à renverser la situation, permettant à la droite d’obtenir une majorité qualifiée.

Il faut noter également que la droite gagne cette fois-ci non pas par la force, mais plutôt par l’importante usure du gouvernement. Comme un analyste l’a effectivement affirmé, le plus grand ennemi du gouvernement était le gouvernement lui-même et non la force de la droite qui vient de capitaliser sur la crise du gouvernement. Même s’il est clair que l’électorat s’est déplacé à droite sur l’échiquier politique.

L’opposition avait le soutien de toute la droite internationale, et surtout du continent sud-américain. L’élan de l’opposition de droite au Venezuela a particulièrement bénéficié de l’élan de la droite et la victoire récente de Macri à la présidentielle en Argentine. En ce sens, les résultats de ces élections confirment une tendance plus globale à l’échelle de l’Amérique latine.

De toute évidence, ce résultat ouvre une crise au sein du chavisme. Il s’agit d’un dur coup pour lui qui était au pouvoir pendant 17 ans, toujours avec une majorité parlementaire. La défaite est grande et le gouvernement franchit un pas dans son propre affaiblissement politique, ce qui ouvre la possibilité d’une situation politique de plus en plus instable. Le rythme auquel cette instabilité se développera n’est pas encore défini. Mais nous verrons quelles mesures la droite prendra dans le pays.

Trad. IM et CT


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