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Réforme des retraites

Retraites. Le gouvernement va baisser les pensions de réversion à leur minimum.

Ce 14 novembre, Jean-Paul Delevoye (haut commissaire de la Réforme des Retraites) a été auditionné à l'Assemblée nationale. Il expose alors les « futurs calculs » prévus pour la pension de réversion. Il confirme par là que les retraités n'ont pas fini d'être victimes du gouvernement, qui ne cesse de grappiller du pouvoir d'achat aux plus modestes.

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C’est un sujet sensible dans le contexte actuel de la baisse du pouvoir d’achat et de la mobilisation des gilets jaunes. Après plusieurs frayeurs et faux espoirs, on sait maintenant que le gouvernement prévoit bel et bien d’amputer les pensions de réversion. Cette pension consiste à verser une partie (54%) de la retraite, en cas de décès, au veuf ou à la veuve du défunt.

Les « futurs calculs » et modifications de la pension de réversion

Rappelons que cette pension de réversion est perçue par 4,4 millions de retraités, dont 89 % sont des femmes. Selon ces chiffres impressionnants de la Drees (Direction de recherche , des études, de l’éducation et des statistiques), cette pension représente une ressource vitale pour de nombreuses femmes dont le conjoint est décédé. Malgré une amélioration depuis une dizaine d’années, les pensions de retraite des femmes restent en moyenne 25 % inférieures à celles des hommes. Sans les pensions de réversion, cet écart se creusera et mettra de nombreuses femmes en situation de précarité.

Ce 14 novembre, lors d’une audition à l’Assemblée Nationale, Jean-Paul Delevoye a lâché une bombe en parlant de réduire les pensions de réversion à leur minimum. Il propose alors une révision du système de calcul actuel. Aujourd’hui, peu importe le salaire de l’individu, le veuf ou la veuve touche 50 à 60 % de la retraite du défunt. Le nouveau calcul ne serait plus en fonction de la pension du défunt, mais fera en sorte de ne donner que le strict minimum au conjoint vivant. Ce système de calcul nommé « splitting » est utilisé dans de nombreux pays. Delevoye, pour imager son propos, donne une simulation de ces potentiels nouveaux calculs « si monsieur gagne 2000 euros et que madame gagne 4000 euros, ce qui fait 6000 euros, est-ce que l’on maintient, prenons un pourcentage de 50%, c’est-à-dire 3000 euros ? Est-ce que si monsieur meurt, madame n’a rien parce qu’elle touche plus que ces 50%, et si madame meurt, le monsieur touche 1000 euros pour l’amener à 50% ? ».

Ces chiffres sont inquiétants puisqu’ils tronquent une partie du pouvoir d’achat des retraités, afin de ne leur laisser que le minimum, et de faire en sorte « d’assurer le maintien de niveau de vie ». En bref, si la veuve gagne plus d’argent avec la pension de réversion que ce qu’elle avait avant, il faut raboter la pension pour ne pas augmenter son niveau de vie. Pour lui, il s’agit « d’harmoniser les règles par le juste », et de « chercher la solution la plus juste ». Comment parler de justice, quand le gouvernement cherche à économiser sur le dos des plus modestes et à prétendre lutter pour l’égalité quand celle-ci se fait toujours en nivelant par le bas ? L’exemple de Delevoye rappelle également que nous ne vivons pas dans le même monde. La réalité c’est que la pension médiane des Français s’élève à 1300 euros, que les retraités ont perdu 4 % de leur revenu net cette année.

Selon le journal Libération, l’entourage du commissaire a été contacté par Check News, et a tenu à préciser qu’« absolument rien n’est décidé », et qu’il s’agissait « seulement d’un exemple donné de ce qu’il se passe à l’étranger », avant d’assurer : « en aucun cas le gouvernement ne va supprimer les pensions de réversion ni même les raboter ». Malgré ces mots doux, il y a comme un air de déjà-vu, et si on s’en tient à la première année de mandat de Macron, il ne vaut mieux pas s’accrocher aux promesses. Ceci dit, rien n’est effectivement tranché pour le moment : les concertations avec les partenaires sociaux ont repris sur les points les plus explosifs de la future réforme. Le sujet de la pension de réversion ne devrait être abordé qu’en février ou mars.

Historique de l’ascenseur émotionnel des retraités en Macronie

Ces polémiques autour de la réforme des retraites ont commencé au début de l’été 2018. Il y a d’abord eu un avant-goût avec la hausse de la CSG de 1,7 %, qui s’est appliquée brutalement. Dans la foulée, les premiers doutes concernant la pension de réversion ont été rendus publics. Le 21 juin, Agnès Buzyn (Ministre des Solidarités et de la Santé) annonce au Sénat que « les règles d’attribution et des calculs créent des injustices et doivent être harmonisées. » Le mot « harmonisation » étant vague avait alors provoqué beaucoup d’inquiétudes quant à la suppression totale de cette pension, qui n’était au début pas exclue. Après ces déclarations explosives, Philippe, Macron et Buzyn, se sont vu obligés de préserver un climat stable en affirmant qu’ils ne remettraient pas en cause la pension de réversion. Le gouvernement Macron ne cesse d’utiliser un sauve-qui-peut électoral face à une côte de popularité qui baisse considérablement.

Griveau (porte parole du gouvernement) et Castaner ont vite mis fin aux espoirs en confirmant pendant l’été qu’effectivement cette pension faisait l’objet de discussion et « sera modifiée selon un système plus juste et plus égalitaire pour les futurs retraités ». Fin août, les députés En Marche avaient encore joué avec les espoirs des retraités : une hausse de la revalorisation des pensions retraites, bien vite démentie.

Entre les belles promesses, et les concepts de justice et d’égalité brandis à tout-va, on y croirait presque. Pourtant la réalité est indéniable : les retraités sont directement visés par le gouvernement et leur argent est injustement ponctionné. Ces réformes s’inscrivent totalement dans la logique d’une réduction du pouvoir d’achat et une attaque contre nos acquis sociaux et particulièrement le système d’assurance retraite par socialisation qui empêche les capitalistes de faire du profit sur nos retraites. Ces attaques ne peuvent que faire écho au mouvement des gilets-jaune, qui exprime la colère de la population face à la baisse du pouvoir d’achat.

Les perspectives pour 2019

La promesse électorale de Macron d’augmenter le pouvoir d’achat des ouvriers et salariés semble lointaine, à l’heure où les gilets jaunes revendiquent un meilleur pouvoir d’achat et une baisse des taxes. Cette colère généralisée est le fruit d’un acharnement du gouvernement sur les classes les plus modestes.
Les retraités, en plus de la hausse de la CSG, ont maintenant peur pour leur pension de réversion, mais aussi pour leur pension de retraite ! [Les projets budgétaires→https://www.revolutionpermanente.fr/Budget-2019-Les-retraites-vont-perdre-en-moyenne-400-euros-en-2020 ] pour 2019 ne jouent pas en leur faveur. A partir de janvier, les pensions de retraite ne seront plus indexées sur l’inflation. Pour faire simple, en janvier 2019, les pensions des retraités augmenteront de 0,3 % contre 1,6 % en janvier 2018, alors que le coût de la vie augmente d’un peu plus de 2 %. Autrement dit, sur trois ans, leur pouvoir d’achat va diminuer de 6 % (selon les chiffres de l’OFCE).

Beaucoup de coups durs sur une même cible… Cela est inadmissible quand on sait que la suppression de l’Impôt sur la Fortune (ISF) a permis aux plus riches d’avoir une augmentation de 6 % de leurs revenus disponibles. Ou encore que la loi budget 2018-2019 prévoit d’accorder 20,4 milliards d’exonération d’impôts au patronat !
Encore une belle démonstration du dévouement de Macron aux plus riches et de son mépris face aux plus pauvres. Pour les retraités, l’ensemble de ces réformes est le coup de grâce, il s’agit d’une attaque historique des acquis sociaux et certains d’entre eux vont se retrouver en situation d’extrême précarité.

Ces attaques répétées sur le secteur des retraités -qui ont majoritairement voté pour Macron- fragilisent sa base sociale, comme l’indiquent déjà ses dégringolades successives dans les sondages.. Selon des chiffres de l’Institut Elabe, 35 % des retraités ne faisaient pas confiance à Macron en début de mandat, contre 72 % aujourd’hui. Récemment, le projet de loi sur les frais d’inscription universitaires pour les étrangers a aussi suscité de l’indignation.

Toutes les actions du gouvernement répondent à une logique d’amputation du pouvoir d’achat des plus pauvres, vers une élitisation de la société. Après un printemps de grève, la mobilisation des gilets jaunes soulève beaucoup de questions, mais elle est bien la preuve d’un ras-le-bol général. Macron joue au Robin des bois des riches en accumulant les réformes drastiques qui attaquent les plus faibles. A l’heure où la tension est palpable, ces discussions de réforme des retraites ne vont pas participer à apaiser la colère, ce qui risque de pousser le gouvernement à s’inventer de nouvelles berceuses pour nous endormir. C’est le pari de la crédibilité du gouvernement et de sa capacité à donner confiance qui est engagé, et la situation ne semble pas tout à fait en sa faveur.


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