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Extrême droite

Retraites : l’opposition « respectable », raciste et impuissante du RN n’est pas une alliée

Ce lundi, Marine Le Pen est revenue sur la stratégie parlementaire de son parti vis-à-vis de la réforme des retraites. Motion référendaire, amendements « constructifs », refus de tomber dans « la guerre des riches contre les pauvres » : l’extrême-droite confirme sa volonté d’apparaître comme une opposition institutionnelle « respectable ».

Sasha Yaropolskaya

7 février 2023

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Crédits photo : AFP

Ce lundi 6 février débutaient les débats parlementaires sur la réforme des retraites. Le temps des débats étant raccourci par l’usage de l’article 47.1, les députés ont seulement 11 jours pour débattre le texte de la réforme en première lecture et le voter, avant un passage automatique à l’examen du Sénat.

Si le Rassemblement national a très peu existé dans le débat public ces dernières semaines, relégué au second plan de la situation politique par la mobilisation massive de millions de personnes dans la rue, le parti de Marine Le Pen espère profiter de la séquence parlementaire qui s’ouvre pour se présenter comme « opposition principale » au gouvernement Macron. Une ambition qui a été détaillée ce lundi lors d’une conférence de presse par la cheffe du Rassemblement national.

Une opposition institutionnelle « respectable » à la réforme des retraites ?

« Dans une démocratie mener une bataille c’est mener une bataille dans les assemblées auxquelles on est élu » avait déjà affirmé le 11 janvier dernier Marine Le Pen. C’est le même esprit qu’a défendu en conférence de presse la dirigeante d’extrême-droite. Une bataille qui doit par ailleurs ne pas trop faire de vagues. Marine Le Pen, comme le président du parti Jordan Bardella et les députés Laurent Jacobelli et Laure Lavalette l’avaient fait avant elle, a ainsi dénoncé la stratégie d’obstruction de la NUPES avec ses 13 000 amendements portés au projet de loi.

« Nous avons fait le choix de ne faire aucune obstruction. En temps normal je trouve cette technique parlementaire assez mesquine. Lorsqu’on est en temps contraint, elle devient absurde » a-t-elle expliqué. S’appuyant sur le fait que le temps des débats est raccourci par l’utilisation de l’article 47.1, Marine Le Pen considère que la NUPES devait retirer ses amendements pour que l’Assemblée puisse voter sur le projet de loi avant le 17 février. Le Rassemblement National s’adapte ainsi au cadre anti-démocratique imposé par le gouvernement, qui limite le temps d’examen de la réforme à seulement 50 jours, et dénonce à l’unisson avec les macronistes la NUPES qui « bordéliserait » ce cadre.

De son côté le RN a porté seulement 200 amendements aux 10 articles du texte avec l’objectif de faire tomber l’article 7 du report de l’âge de départ à la retraite. « Nous voulons mettre en lumière les défauts principaux de la réforme et tenter d’améliorer les dispositifs et atténuer ses effets néfastes » a précisé Le Pen. Une façon d’assumer que le Rassemblement national ne veut pas le retrait total de la réforme, mais amender le texte et voter au moins une partie des articles présentés par le gouvernement. Une logique qui repose sur la profonde illusion qu’il serait possible d’empêcher le recul de l’âge de départ à la retraite au sein même du Parlement.

Une motion référendaire non adoptée mais significative de la logique parlementaire du RN

Profondément parlementaire, l’opposition de l’extrême-droite à la réforme des retraites entend en effet se tenir d’abord et avant tout dans les institutions. Certes, Marine Le Pen et d’autres porte-paroles du Rassemblement National disent se féliciter de la mobilisation massive des français. Dans sa conférence de presse, Le Pen a distingué trois fronts de l’opposition : dans la rue, dans les médias et dans les Assemblées. « Les syndicats vont dans la rue, c’est légitime [...] mais nous [...] notre rôle, c’est évidemment de mener la bataille à l’Assemblée nationale » avait-elle déjà souligné le 23 janvier sur BFM TV.

Mais cette position tient surtout à l’impossibilité politique pour le RN de condamner les mobilisations ouvrières massives et extrêmement populaires qui ont lieu en ce moment. Ce qui ne l’empêche pas s’en distancier, en dénonçant Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, qui avait appelé à mots couverts à voter pour Emmanuel Macron au second tour afin de faire barrage à l’extrême-droite, pour justifier le refus de manifester. Une position qui masque le fait qu’historiquement l’extrême-droite s’est toujours opposée aux organisations ouvrières et à ses méthodes comme la grève.
Ainsi, un des éléments centraux de l’orientation de l’extrême-droite contre la réforme des retraites était la fameuse motion référendaire. Un texte à valeur consultative, et qui a échoué directement, 272 députés votant contre et seulement 101 pour, révélant l’impuissance parlementaire des partis institutionnels dans une Assemblée où les macronistes disposent d’une majorité relative et du soutien d’une partie des Républicains. Or, comme l’expliquait le président du RN Jordan Bardella en janvier à l’antenne de CNews, le référendum voulu par le RN était vu comme « un des moyens pour éviter des blocages », c’est à dire la grève. La logique est claire : c’est dans les institutions que doit se régler la bataille des retraites, même si le gouvernement dispose de tous les leviers pour y passer en force.

Un contre-projet de réforme raciste et totalement minimal

Finalement, le Rassemblement national entend aussi profiter des débats parlementaires pour présenter son contre-projet de la réforme des retraites. Le RN propose notamment que les travailleurs qui sont entrés sur le marché du travail avant 20 ans puissent partir à la retraite à 60 ans avec 40 annuités. « Pour ceux qui ont commencé à travailler entre 20 et 24,5 ans, l’âge de départ sera entre 60 et 62 ans, le nombre d’annuités de cotisations sera lui aussi progressif entre 40 et 42 annuités ». Un projet très limité, loin du mythe d’une Le Pen partisane de la « retraite à 60 ans » qui est le fruit de la volonté de l’extrême-droite de s’afficher en force responsable économiquement vis-à-vis du patronat.

En conséquence, pour la majorité des travailleurs, c’est un système de retraites à peu près aussi dur que le système actuel qui est promis. Un projet qui ne fera rêver ni ceux qui ont fait de études, ni celles et ceux qui ont eu des carrières hachées car femmes, personnes LGBT ou immigrés. D’ailleurs, c’est justement en refusant les aides sociales aux immigrés avec sa mesure raciste de préférence nationale que le RN entend payer pour son projet de la réforme des retraites.

En parallèle, le RN entend créer une taxe sur les superprofits et remplacer l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) par l’impôt sur la fortune financière. Une façon hypocrite de dialoguer avec le sentiment anti-riches de la population, qui n’a pas empêché encore récemment les députés RN de féliciter des patrons milliardaires. En septembre dernier, le président délégué du groupe RN à l’Assemblée félicitait par exemple le patron de Total Patrick Pouyanné pour « la performance de Total, grande entreprise française dirigée par des patriotes »…

D’ailleurs, Le Pen a averti en même temps lundi : « n’écoutez pas ceux qui pensent qu’en menant la guerre des riches contre les pauvres et qu’en créant les impôts, la vie sera meilleure ». Il faudrait donc taxer un peu mais pas trop : l’impôt sur la fortune financière du RN exonérera par exemple le patrimoine immobilier « historique » jusqu’à 300.000 euros. Un véritable cadeau déguisé aux riches !

Une opposition factice de la part d’ennemis des travailleurs

Tous ces éléments soulignent combien le RN n’est pas une opposition sérieuse à la réforme des retraites. Pour donner des gages aux institutions, le RN entend respecter le calendrier accéléré et anti-démocratique des débats parlementaires imposé par le gouvernement, voter une partie des articles du texte de la réforme et améliorer le projet.

Sa propre version de la réforme des retraites fera travailler une partie des français qui ont fait des études supérieures jusqu’à 62 ans et obligera une partie à travailler jusqu’à 66 ans et plus pour pouvoir recevoir une retraite à taux plein, sans décote. Enfin, le projet du RN est raciste et prive les travailleurs immigrés d’aides sociales pour financer les retraites pour les citoyens français. Cette politique qui cherche à diviser les travailleurs entre eux fait du RN l’un de nos pires ennemis.

Alors que le gouvernement est déterminé à imposer sa réforme, il n’y a rien à attendre du Parlement : c’est les travailleurs qui font grève et qui manifestent par millions dans la rue en donnant des sueurs froides au patronat et aux macronistes. C’est dans ce mouvement là et pas à l’Assemblée que va se déterminer l’issue de la bataille des retraites. C’est dans ce mouvement là que l’on pourra arracher une retraite à 60 ans à taux plein et 55 ans pour les métiers pénibles pour toutes et tous, sans conditions d’annuités, et sans opposer les travailleurs français et les travailleurs immigrés.


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