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Et la jeunesse se leva !

Rétrospective 2016. Mars : les débuts de la mobilisation sur les facs et les lycées

En cette fin d'année 2016, Révolution Permanente vous propose une série d'articles retraçant les événements marquant de l'année écoulée. Aujourd'hui, nous revenons sur les débuts du mouvement contre la loi travail, de l'appel #Onvautmieuxqueça à celui de l'inter-organisations de jeunesse, des premières AGs au lancement des blocus lycéens en passant, bien évidemment, par les premières échéances de rue. Retour sur un début de mois de Mars pas comme les autres, et que, malgré le torrent réactionnaire qui déferle depuis l'été, nous n'oublions pas. Pour replonger dans ces moments particulièrement intenses, n'hésitez pas à suivre les liens vers nos articles insérés tout au long de cette brève rétrospective. Pour un bilan approfondi de l'ensemble du mouvement dans la jeunesse, rendez-vous sur cet article. Julian Vadis

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#OnVautMieuxQueCa : L’étincelle qui a mis le feu aux poudres (accumulées depuis 4 ans)

Février 2016, la toile est en ébullition. Alors que la pétition "Loi Travail, non merci !" de Caroline de Haas n’en finit plus de compter de nouveaux signataires (rapidement, la barre symbolique du million est dépassée), un mouvement 2.0 se met en route. Initié par plusieurs youtubeurs, le #OnVautMieuxQueCa s’empare, dès son lancement, de la première place du "top tendance" de Twitter. Les témoignages abondent pour décrire les conditions de travail indignes, l’inégalité face à l’embauche, le chômage, la précarité. Une vague de colère soudaine, déclenchée directement par le projet de la loi travail. Etait-elle vraiment si inattendue ? Pas si l’on veut bien comprendre l’ampleur du discrédit atteint dans la jeunesse par le couple Hollande – Valls et par le parti socialiste, pourtant traditionnellement bien implanté notamment sur les universités. Car, en quatre ans, non seulement la politique d’austérité a été poursuivie (baisse des budgets, loi Fioraso), non seulement la situation matérielle des jeunes scolarisés s’est beaucoup détériorée, entre précarité galopante et fins de mois impossibles, mais encore Rémi Fraisse a été tué, Khatchik, Léonarda et tant d’autres déportés, etc. Pour la génération qui s’est levée contre la loi travail, rien ne permettait plus de se reconnaître dans la gauche de gouvernement, et cela est un moteur clé de l’ampleur et de la détermination de ce mouvement.

Explosion de colère et organisations : le rôle qu’a joué le front unique dans les premiers jours du mouvement

Retrospectivement, le mouvement contre la loi travail se caractérise plutôt, dans la jeunesse, par le rôle qu’y a joué la spontanéité, l’auto-organisation même à petit échelle et autour de petits objectifs, la radicalité ou au moins un début de radicalité visant l’Etat des classes dominantes et les formes de son autorité. Les organisations traditionnelles, au premier rang desquelles l’Unef, y ont été historiquement marginalisées, et cela même au moment où elles cherchaient encore à prendre part à la mobilisation.

Pourtant, en amont du 9 mars, la dynamique qui avait pu être enclenchée parmi la quasi totalité des organisations de jeunesse à l’échelle nationale, sous la pression de l’ébullition qui traversait les réseaux sociaux, a joué un rôle majeur dans la mise en place des premières échéances de mobilisation. Avec les jeunes du NPA, nous avons la fierté d’avoir été les premiers à l’initiative de la mise en place d’un front unique de ces organisations qui se mette au service de la mise en mouvement sur les facs, les lycées, et parmi les jeunes salariés. Réunies à Paris au local du NPA le 25 février, 21 organisations de jeunesse appellent à la mobilisation dès le 9 mars, au terme d’une longue discussion où nous avons réussi à entrainer syndicats, associations et organisations politiques plus frileuses dans la perspective qu’un simple appel ne suffisait pas, et que le temps était à sortir dans la rue pour manifester (et pas seulement, non plus, se rassembler sur un point fixe !).

Pas question d’attendre le 31 mars : cap sur le 9 !

Dès le 1er mars, une conférence de presse est tenue par cette même inter-organisation et appelle à la mobilisation jusqu’au retrait total du projet de loi El Khomri. A ce moment-là, la direction de l’Unef, les syndicats lycéens et même le porte parole des jeunes socialistes sont présents et se mettent au centre de l’attention des médias, qui fantasment sur l’existence d’un « baron noir » qui, parmi les caciques du PS, serait en train d’agiter la jeunesse contre le gouvernement pour se faire une place en 2017. Quoi qu’il en soit de ces manœuvres d’appareil, la jeunesse elle-même les a bien vite enterrées, et magistralement, quand elle s’est mise en mouvement. Ce qui compte, c’est que la conquête de ce front large en amont du 9 mars a permis de frapper fort et bien visiblement : dès cette conférence de presse, tout le monde parle de la mobilisation qui vient, et la pression monte sur les directions syndicales.

Dans le même temps en effet, une intersyndicale des organisations de salariés réunie le 23 février (la plus large depuis 2013) propose de négocier une "loi El Khomri allégée", et n’appelle à aucune date de mobilisation avant le 31 mars... Tout l’enjeu était donc, depuis la jeunesse et avec la toile qui bouillonnait toujours, de prendre les devants et de forcer les grandes organisations de salariés à suivre. Hors de question de négocier ou d’attendre : cet état d’esprit était aussi celui de millions de salariés, et de dizaines de milliers de militants syndicaux à la base. L’appel des organisations de jeunesse a ainsi trouvé dans ces secteurs un large échos. Re-réunie le 3 mars, l’intersyndicale apelle finalement à une manifestation le 9...mais à un autre point de rendez vous dans Paris, et la CGT pose la date du 31 comme la perspective la plus centrale. Cette frilosité est cependant débordée le 9 mars même par l’ampleur de la mobilisation, notamment dans la ville qui deviendra la capitale de la lutte contre la loi travail : dès ce premier jour du mouvement, les syndicats du Havre ont en effet appelés à bloquer la ville. Si les directions syndicales ont été contraintes à appeler à prendre la rue, la réponse n’est pas encore suffisante, et surtout laisse la porte ouverte à la négociation – que l’Unef franchira à plusieurs reprises, jusqu’à sortir de la mobilisation début avril alors que la loi n’était en rien retirée. Pourtant, l’étincelle a dors et déjà allumé un brasier. Et le feu à pris dans la jeunesse.

Premières Assemblées Générales massives. Un mouvement qui part sur les chapeaux de roues dans la jeunesse

Pour préparer l’échéance de rue du 9 mars, de nombreuses assemblées générales sont organisées dans les principales université de France, dont Révolution permanente assure la couverture. C’est un moment où, pour une génération d’étudiantes et étudiants qui n’ont pas connu les grandes mobilisations des années 2000, l’horizon s’élargit tout à coup, et tout devient possible. Tandis que "Rennes la rouge" se mobilise au bon souvenir de la lutte contre le CPE, ce sont près de 400 étudiants qui se réunissent le lundi 7 mars à l’Université du Mirail à Toulouse ... le jour de la rentrée ! Et ce n’est qu’un début : Le 7, 350 à Grenoble, le 8, 150 à Lyon 2 alors que, dans le même temps, Paris 8 connait son Assemblée Générale la plus massive depuis 1995 avec 700 étudiants mobilisés. Même constat à Paris 1 le mercredi 9 mars, ou là aussi 700 étudiants sont présent. Dès ces premières assemblées générales massives, l’idée de se coordonner à échelle nationale commence à germer. Tout l’enjeu est, pour les jeunes mobilisés, de pouvoir décider eux et elles-même de la conduite du mouvement maintenant qu’il a démarré, de s’assurer de pouvoir frapper tous ensemble, et très fort, sans rester enfermés dans les frontières sectorielles spécifiquement étudiantes. Une volonté qui débouchera sur une première Coordination Nationale Etudiante, le 19 mars. Cela ne fait aucun doute, en ce début du mois de mars, les Universités sont en ébullition.

Premières manifestations de rue. L’enjeu de la jonction avec les salariés, la question de la répression

9 mars, jour J. La mobilisation est massive, avec 500 000 manifestants partout en France, dont 80 000 à Paris, 30 000 à Lyon ou encore 20 000 à Toulouse. Bien entendu, la jeunesse est au rendez vous. Plus d’une centaine de lycées sont bloqués partout en France tandis que les cortèges étudiants sont massifs. Une première journée réussie, qui marque le réveil du mouvement social à échelle nationale comme cela ne s’était plus vu depuis 2010 et la défaite dans le mouvement des retraites. Avec la manœuvre qui a conduit l’intersyndicale à appeler, à Paris, à une manifestation séparée de celle posée en amont par les organisations de jeunesse et vers laquelle convergent spontanément les lycéens après leur matinée de blocus, il y a en cette première journée un enjeu fort à assurer la jonction entre jeunes et salariés. De part et d’autres, à la base, l’aspiration au tous ensemble est en fait trop forte pour que le directions puissent tenir leur ligne de séparation, et tout le monde converge finalement vers la place de la République à 14h.

Mais cette petite victoire ne signifie pas une véritable convergence, et si le succès du 9, imposé aux grandes directions syndicales et notamment à la CGT, permet aux AGs étudiantes et lycéennes, ou encore aux dockers du Havre, de faire entériner la perspective d’une prochaine mobilisation nationale le jeudi suivant (le 17), celle-ci ne sera en fait presque pas préparée en dehors des facs et des lycées. Un choix conscient qui laissera les jeunes isolés jusqu’au 31 mars, alors même qu’il s’agit du pic de leur mobilisation. Dans le même temps, le gouvernement se lance dans une politique de négociations et de concessions pour briser le front syndical en réintégrant dans son giron les « réformistes », tâche à laquelle il parviendra, la CFDT trahissant le mouvement dès les jours qui suivent. De même, déjà, des cas de violences policières sont à relever. Mais le plus gros de la répression ne s’est pas encore abattu sur la mobilisation et commencera le 17 mars, justement en lien avec cet isolement. Tout cela fera l’objet d’un autre article de cette série de rétrospectives.


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