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Guerre en Ukraine

Risque d’escalade guerrière : 27 experts appellent Joe Biden à imposer une zone d’exclusion aérienne 

Un groupe de 27 experts en politique étrangère exhorte, dans une lettre ouverte, Joe Biden à imposer une zone d'exclusion aérienne limitée au-dessus de l'Ukraine. Un courrier symptomatique des pressions et des clivages existants au sein de l’appareil d’Etat américain, porteurs d’un danger d’escalade.

Juan Chingo

10 mars 2022

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Dans une lettre ouverte publiée mardi, 27 experts, parmi lesquels figurent d’anciens hauts responsables du Pentagone et du département d’État ainsi qu’un ancien haut commandant militaire de l’OTAN, appellent l’administration Biden et l’OTAN à mettre en place une zone d’exclusion aérienne et à faire comprendre à la Russie que l’alliance ne souhaite pas une confrontation avec les forces russes.
 
« Le président Biden et le secrétaire général de l’OTAN, M. Stoltenberg, ont déclaré que ni les États-Unis ni l’OTAN ne s’affronteront aux forces russes sur le terrain en Ukraine », indique la lettre avant de poursuivre : « ce que nous recherchons, c’est le déploiement d’avions des États-Unis et de l’OTAN non pas dans le cadre d’une confrontation avec la Russie, mais pour empêcher et dissuader un bombardement russe qui entraînerait une perte massive de vies ukrainiennes ».
 
La réalité est que, derrière une couverture humanitaire, ces anciens fonctionnaires proposent de tirer sur les avions russes, mais dans des circonstances très spécifiques. Si elle était adoptée, la mesure proposée constituerait un saut dans le conflit actuel, déclenchant un tournant dans la guerre aux conséquences imprévisibles. Une réaction militaire contre la Russie au cœur de l’Europe est en effet un véritable pari qui pourrait déclencher une escalade nucléaire. Sur le plan militaire, n’étant pas bien équipés en missiles « tactiques » à capacité atomique sur le Vieux Continent, il est probable que les États-Unis seraient contraints de répondre avec des missiles « stratégiques » à longue portée à partir de sous-marins. Cela ferait passer le niveau de dévastation de la guerre de régional à mondial.
 
Pour l’instant, consciente de ces risques, l’Alliance atlantique a fixé ses limites. Ainsi, à la fin de la semaine dernière, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a exclu la création d’une zone d’exclusion aérienne impliquant les forces de l’OTAN. Dans le même ordre d’idées, Washington a rejeté la proposition de la Pologne de mettre ses avions de combat russes Mig-29 à la disposition des États-Unis, puis de les remettre à l’Ukraine. Il est clair que ni les États-Unis ni la Pologne ne sont disposés à prendre la responsabilité de remettre ces avions, de peur d’aggraver le conflit et de créer le risque d’un affrontement entre l’Alliance atlantique et les forces russes.
 
Pourtant, alors que les dirigeants occidentaux affirment que « le pire est encore à venir » en Ukraine, les différents pays européens, l’OTAN et les États-Unis vont être soumis à une pression croissante à s’impliquer plus directement et plus vigoureusement dans le conflit. Cette lettre ouverte à Biden est un premier coup de semonce en ce sens.
 
Parmi les signataires figurent le général à la retraite Philip Breedlove, ancien commandant suprême des forces alliées en Europe, et le lieutenant-général à la retraite Ben Hodges, qui a été commandant général de l’armée américaine en Europe. Ils ont été rejoints, entre autres, par l’ancien secrétaire adjoint à la défense Ian Brzezinski, l’ancien secrétaire adjoint à la défense Eric S. Edelman et l’ancien secrétaire d’État adjoint et ambassadeur des États-Unis en Pologne, Daniel Fried. Les principaux signataires ont ainsi occupé de hautes fonctions militaires, diplomatiques ou de renseignement en Europe. Cette composition est symptomatique d’un clivage sans précédent qui traverse l’« État profond » américain : la division n’est pas sectorielle (Pentagone vs. CIA vs. Département d’État) mais géographique (priorité à l’Europe vs. priorité à l’Indo-Pacifique).
 
Cette lettre ouverte est un signe supplémentaire que la difficulté de maintenir deux zones d’endiguement (l’une contre la Chine, l’autre contre la Russie) commence à se refléter au sein de l’appareil d’État américain, ce qui pourrait ouvrir des brèches dans les prochains mois de guerre si le conflit continue à s’éterniser et à se radicaliser. Dans ce contexte, le risque d’erreurs ou d’aventures militaires peut augmenter. Raison de plus pour se mobiliser d’urgence contre cette spirale infernale de la guerre.


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Juan Chingo

@JuanChingo
Journaliste

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