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"Semaine horribilis" pour le Premier ministre britannique

Royaume-Uni. Cameron pris dans la tourmente des « Panama Papers »

Le Premier ministre britannique se trouve actuellement au cœur de la têmpête « Panama Papers ». Les révélations de dimanche dernier n'ont effectivement pas épargné David Cameron . Le chef du gouvernement s'est vu obligé d'admettre avoir profité des investissements dans un certain nombre de paradis fiscaux. Une admission qui n'a pas tardé de susciter une réaction populaire. Alejandra Rios

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La semaine a été agitée pour le Premier ministre. Lundi 4 avril, les révélations des « Panama Papers » ont indirectement impliqué Cameron dans le scandale fiscal. Celui-ci détiendrait des actions dans un fond d’investissements créé par son père dans un paradis fiscal, mettant le doute sur l’origine de son patrimoine familial. A peine les révélations ont-elles éclatées au grand jour, un porte-parole de Downing Street a déclaré devant les journalistes au sujet de l’enquête qu’il s’agissait d’une « affaire privée ».

Mais les choses n’en sont pas restées là. Tout au long de la semaine, la pression sur le chef du gouvernement a augmenté. Selon des journalistes du journal britannique The Guardian et de la BBC, Ian Cameron, le père décédé du Premier ministre, a fait appel au cabinet Mossack Fonseca pour blinder l’entreprise Blairmore Holding du Trésor public britannique. Il faut rappeler qu’Ian Cameron était l’un des cinq directeurs de Blairmore, domicilié au Royaume-Uni, jusqu’à sa mort en 2010. The Guardian vient par ailleurs de révéler que Cameron père a contourné le paiement d’impôts au Royaume-Uni à travers l’embauche d’une « petite armée d’habitants des îles Bahamas, dont un évêque à temps partiel, pour signer les documents », ainsi permettant l’entreprise de fonctionner dans un paradis fiscal.

Le malaise des premiers jours s’est cependant transformé en scandale politique. Après avoir refusé de commenter les accusations (car il s’agissait d’une soi-disant « affaire privée »), Cameron s’est vu obligé de faire une déclaration officielle. « Ma famille ne bénéficiera plus à l’avenir d’investissements dans des paradis fiscaux » a-t-il affirmé. L’emploi du futur a suscité de nombreux soupçons. Finalement, après plusieurs déclarations officielles contradictoires, David Cameron a fini par admettre qu’il avait profité du fonds dirigé par son père.

Des députés de l’opposition ont accusé le Premier ministre d’avoir trahi la confiance du public et certains exigent désormais publiquement sa démission. S’y ajoute la lutte interne à laquelle Cameron fait face au sein de son propre parti, divisé à l’heure actuelle sur la question de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, dont le résultat pourrait aller jusqu’à mettre en péril son avenir en tant que Premier ministre. Autrement dit, Cameron n’avait certainement pas besoin d’un scandale fiscal d’une telle magnitude à deux mois du référendum. Un Cameron clairement abattu a déclaré samedi 9 avril avant une réunion de soutien que « cela n’a pas été une grande semaine. Je sais qu’il y a des leçons à en tirer et je les tirerai. » De plus, Cameron a communiqué qu’il rendrait publiques ses déclarations d’impôts antérieures car il souhaite être « transparent », insistant qu’il serait « le premier chef du gouvernement, le premier chef d’un grand parti, politique à le faire. »

Comme une boite de Pandore, avec les « Panama Papers », les conséquences qui se dessinent pour David Cameron semblent devenir de plus en plus incommodes. Cette nouvelle étape dans le CV du Premier ministre – pour ne pas parler de ses rituels porcins – parle surtout de la décadence de la classe politique britannique. Cameron appartient à une caste de politiciens qui passent leurs journées à répéter que les caisses sont vides, que l’argent n’existent pas pour les salaires, les retraites, les services publics et qui accusent les personnes bénéficiant des aides publiques pour le chômage d’être « des assistés ». Le scandale ouvert par les Panama Papers expose ainsi leurs sales secrets et l’hypocrisie dans laquelle ils baignent.

Mais Cameron n’est pas le seul à être impliqué dans le scandale puisque trois autres hautes figures du Parti conservateur se retrouvent actuellement dans la même situation. Peut-être que le plus embarrassant pour le Premier ministre n’est pas le secret fiscal en lui-même, mais le fait d’avoir été dans le même bateau que le président russe Vladimir Poutine et les hauts dirigeants de la Chine ou de la Corée du Nord.

Sur cette toile de fond, des milliers de manifestants se sont retrouvés samedi 9 avril devant les portes de la résidence du Premier ministre pour exiger sa démission. L’appel à manifester s’est rapidement répandu grâce aux réseaux sociaux sous le mot d’ordre « Cameron doit s’en aller ! ». Des collectifs contre les mesures d’austérité, des organisations de gauche radicale et d’extrême-gauche et de jeunes militants se sont donnés rendez-vous, brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Affrontons le gouvernement conservateur ! » ; « Cameron, on ne te crois plus ! » ; « Cameron : Démissionne ! ». On voyait également des affiches avec des images de cochons sur lesquelles était marqué « Paradis fiscaux : c’est ta société cochonne ! ».

Cameron s’est présenté lundi 11 avril devant le Parlement britannique après avoir fait sa déclaration d’impôt pour justifier ses actes, affirmant qu’il a vendu ses actions avant d’être Premier ministre. Il a assuré que son père était un « homme honnête qui travaillait très dur » et annoncé que, parmi les nouveaux moyens pour lutter contre l’évasion fiscale, le Ministre du Trésor public, George Osbore, et le Secrétaire du Trésor public de l’opposition, seraient obligés de révéler à leur tour leurs déclarations d’impôts. En dernière instance, cette annonce constitue un écran de fumée pour défendre son – et celui d’autres personnes comme lui – mode de vie somptueux et privilégié, financé par des bénéfices réalisés dans des paradis fiscaux.

Il vaut la peine de rappeler que pendant les révoltes en Angleterre en 2011, David Cameron a demandé au système judiciaire d’ignorer les normes existantes concernant les peines de prison pour pouvoir appliquer une punition sévère aux jeunes accusés d’y avoir pris part. Une femme qui n’avait pas participé aux événements a ainsi été condamnée à six mois de prison pour avoir volé un pantalon. Des groupes de défense des droits civiques ont critiqué les peines sévères appliquées aux jeunes qui vivaient dans le quartier avec le taux de chômage le plus élevé de Londres et avec l’un des plus grands taux de pauvreté dans le pays.

Les révélations sur les impôts des membres de la caste politicienne mettent en lumière qu’il y a une loi pour les riches et une autre pour les travailleurs et les précaires. Dites-moi de quelle famille vous venez, et je vous dirai quel est votre avenir. L’enfant d’une famille qui s’enrichit en évitant le fisc fait des études privilégiées et parvient à devenir Premier ministre. L’enfant d’une famille de chômeurs qui vit dans un quartier populaire et souffre des coupes budgétaires finit, s’il a de la chance, dans les queues du Pôle emploi, et s’il n’en a pas, en prison. L’un vole avec classe et grâce à des « méthodes légales », l’autre se rebelle comme il peut contre la caste politicienne et le système d’exploitation et d’oppression qu’elle représente !


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