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Édito

SNCF. L’intersyndicale lance une consultation des cheminots... mais pourquoi faire ?

Après le référendum à Air France voulue par le patronat, voici venue une proposition de consultation des cheminots à l'initiative de l'intersyndicale à la SNCF. Une seule question pour ce « Vot'Action » : « Pour ou contre la réforme ? ». Si le gouvernement a d'ores et déjà annoncé qu'il ne prendrait pas en compte le résultat, le fait même de détourner la lutte et l'énergie des grévistes sur ce terrain n’apparaît pas comme une alternative pour gagner le bras de fer contre Macron.

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Après l’impuissance de la perlée pour faire plier Macron, une consultation pour peser sur les négociations ?

L’ensemble de l’intersyndicale de la SNCF s’est mise d’accord sur la question à poser à l’ensemble des agents de la SNCF : « Êtes-vous pour ou contre la réforme ferroviaire ? ». Les votes auront lieu du 14 au 21 mai, avec des urnes accessibles lors des assemblées générales, mais aussi avec des urnes mobiles. L’objectif affiché est d’aller à la rencontre des cheminots non-grévistes. Mais malgré les déclarations de Guillaume Pepy, qui assure que seulement 20% des cheminots seraient contre la réforme, la question du rejet du pacte ferroviaire a déjà été largement tranchée par les cheminots, si l’on tient compte du fait que depuis le début du conflit, 9 cheminots sur 10 ont au moins participé à une journée de grève.

On pourrait donc se demander si ce « Vot’action » n’est pas plutôt révélateur de l’impuissance de la modalité de grève perlée pour faire plier le gouvernement, plus d’un mois et demi après le début du conflit. En effet, si les taux de grévistes des deux premières phases du calendrier dicté par l’intersyndicale était extrêmement fort, avec des taux atteignant 80% des roulants et 50% des sédentaires, force est de constater que la « stratégie pour durer » s’est progressivement transformée en « fabrique à éroder » la mobilisation. Aujourd’hui, les taux de grévistes restent certes forts, mais ils ont nettement baissé depuis le début de la grève, sans que le gouvernement n’ait bougé d’un pouce. On constate également une large baisse de fréquentation des assemblées générales qui est sûrement liée au fait que le calendrier est déjà établi à l’avance. De nombreux cheminots se demandent à quoi bon venir en Assemblée Générale si les jours de grève sont déjà établis et si aucune décision n’est prise collectivement. L’argument consistant à expliquer qu’il est difficile de mobiliser les jours fériés et les week-ends est quant à lui assez risible, étant donné que le calendrier a été de bout en bout dicté par les directions syndicales, et que les dates de jours fériés, comme le 8 mai, étaient connus de tout le monde... Mais face à l’intransigeance du gouvernement et de la direction de la SNCF, l’intersyndicale choisit pourtant une méthode qui place la mobilisation sur un terrain favorable à Macron et Pepy.

En effet, et même si le gouvernement s’est pris une claque chez Air France, il n’en demeure pas moins que c’est bien sur le terrain le moins favorable au rapport de forces que l’intersyndicale se place. Il s’agit d’une méthode qui fait valoir la voix d’un gréviste, d’un cheminot du terrain, à la même hauteur que la voix de Guillaume Pepy et tous les hauts cadres de direction de la boîte, qui ont intérêt à ce que la réforme soit entérinée. Les arguments sont déjà tout trouvés pour Macron et Pépy. Quelle légitimité pour un référendum organisé par les syndicats et non pas par l’entreprise ? Quel poids « démocratique » pour le résultat de quelques dizaines de milliers de cheminots face au 18 millions de voix de Macron et la décision de député élu ? Au contraire, c’est en opposant les méthodes et la démocratie ouvrières à leur semblant de démocratie qu’il sera possible de construire un rapport de force suffisant pour renverser la table, affronter frontalement le gouvernement et non pas chercher à le concurrencer sur son propre terrain, qu’il sera possible d’ouvrir la voie vers le retrait du pacte ferroviaire.

La stratégie pour gagner totalement éclipsée

On le sait, la victoire des cheminots passera par une massification de la mobilisation, par un réel blocage et la paralysie de l’économie à travers les méthodes de la grève. Faire augmenter les taux de grévistes et de participation aux échéances de rue et en assemblées générales, pour que les cheminots soient les maîtres de leur grève, voilà la seule voie possible pour gagner, il n’y aura pas de raccourci.

Donc la question qu’il faut se poser maintenant n’est pas tant sur le rejet ou non de la réforme, puisque cette question est déjà tranchée depuis longtemps ! Par contre, une des questions que les grévistes doivent se poser aujourd’hui est de comment faire entrer en grève active les cheminots qui sont progressivement sorti du combat. En ce sens, une consultation pourrait créer l’illusion qu’un simple vote, qu’un simple bulletin dans une urne pourrait faire basculer le rapport de force avec un gouvernement déterminé et largement mobilisé, lui, pour imposer sa réforme si besoin à coup de matraques et gaz lacrymogènes. La journée du 14 mai, journée qui se veut sans cheminots au travail, sera très probablement un énorme succès, avec des taux de grève et de mobilisations très forts. C’est encore une fois la preuve que les cheminots sont inscrits massivement dans le mouvement qui conteste le pacte ferroviaire. Mais il est également évident que le gouvernement ne lâchera pas avec une seule journée de grève réussie. Il est indispensable que les cheminots montrent massivement leur détermination ce jour-là, mais il est également important qu’ils se rendent massivement en Assemblée Générale pour établir un plan de bataille pour la suite, afin de faire monter le rapport de force et faire plier le gouvernement. Une journée sans cheminots, oui. Mais pas une journée sans lendemain.

Pourquoi ne pas plutôt consulter les cheminots sur la stratégie pour gagner ?

Donc en fin de compte, si consultation devrait y avoir, la question à poser aux cheminots en grève est plutôt de savoir quels moyens, quelle stratégie, ils et elles proposent pour faire passer un cap, pour durcir le mouvement de grève, pour passer à la vitesse supérieure. Pourquoi les organisations syndicales, à commencer par Sud Rail, ne proposeraient-elles pas d’organiser des réunions, des assemblées générales qui regroupent les cheminots grévistes avec l’objectif précis de débattre de la stratégie pour gagner ? Une telle rencontre, qui pourrait par exemple être organisée dans chaque région - dans un premier temps - pourrait permettre aux grévistes de débattre et d’échanger des arguments et points de vue sur ce seul et unique point. Ce sera seulement lorsque les cheminots prendront en main leur propre grève, qu’ils pourront échanger sur la situation de leur mouvement, les modalités, la manière de durcir, les actions à mener, que toute l’énergie et la détermination des grévistes pourront s’exprimer avec toute la force nécessaire pour donner confiance et construire le rapport de forces. Les organisations syndicales ont le devoir de donner la parole aux cheminots, mais aux cheminots grévistes et pour discuter de la suite de leur grève.

Crédit photo : MICHEL STOUPAK / NURPHOTO / AFP


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