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Mensonges et vérités sur la dette et le statut cheminot

« SNCF : les cheminots sont-ils responsables de la dette ? » Cure de dés-intox avec Mathieu, délégué SUD Rail

Le gouvernement s'acharne sur les cheminots pour justifier la casse et la privatisation du rail et la fin du service public. Les cheminots seraient non seulement des privilégiés aux salaires exorbitants, mais en plus leur statut serait le principal responsable de la dette actuelle de la SNCF, et donc de la faillite de l'entreprise. C'est donc le principal argument pour justifier la privatisation. Mais tâchons de décortiquer de plus près le vrai du faux de la dette et le statut cheminot. Révolution Permanente a interviewé Mathieu, délégué SUD Rail Strasbourg. #SolidaritéAvecLesCheminots #MythesEtVeritesSNCF

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Révolution Permanente : Pourrais-tu nous expliquer brièvement l’origine de la dette qui existe actuellement à la SNCF ?

Mathieu : La dette de la SNCF s’élève à environ 50 milliards d’euros. Elle a doublé depuis les années 1990 suite à des investissements colossaux pour la construction de lignes LGV, pas toujours nécessaires, ni rentables au final, mais intéressantes d’un point de vue électoral.

Le deuxième point est qu’avec le développement du réseau à grande vitesse, le réseau classique a été délaissé. Aujourd’hui l’entreprise doit rattraper son retard dans l’entretien des voies et organise comme elle peut des travaux qui, alignés les uns derrières les autres, provoquent retards et suppressions qui lui coûtent bien plus d’argent que si l’entretien avait été fait progressivement.

Enfin la réforme de 2014 qui était sensée mettre fin à RFF (Réseau Ferré de France) et réunifier l’entreprise SNCF, loin de régler la dette (c’était pourtant l’objectif annoncé) coûte très cher. En effet, l’entreprise est aujourd’hui coupée en trois : SNCF Mobilités, SNCF Réseau et SNCF Epic de tête. La réorganisation en elle-même a coûté des milliards et puis ces trois EPIC doivent communiquer entre elles, on a donc du créer des postes en doublons afin de faciliter les échanges... En conclusion ce sont bien des choix politiques navrants et la mauvaise gestion du PDG M.Pepy qui sont responsables de la dette.

Lorsque l’on regarde nos pays voisins, on pourra constater qu’eux aussi sont lourdement endettés. Mais finalement pourquoi parle-t-on de dette ? Pourquoi ne parle-t-on pas de frais de fonctionnement ? Il s’agit bien d’un service rendu à la population, tout service a un coût. On entend beaucoup parler des 200€ que coûterait la SNCF à un contribuable chaque année, qu’il prenne le train ou non. Mais le train est le moyen de déplacement le plus sur et le plus propre, sans lui les routes seraient encore plus saturées et l’air moins respirable.

Alors évidemment on peut trouver des moyens de faire des économies en faisant des choix d’aménagement du territoire raisonnable et durable, en entretenant régulièrement et correctement le réseau, en arrêtant le copinage avec les entreprise telle que Vinci qui se gavent sur le dos des contribuables à chaque fois qu’on leur confie des travaux publiques... mais visiblement ce ne sont pas les pistes que compte suivre le gouvernement.

RP : Est-ce vrai que le statut cheminot est la principale raison pour laquelle la dette a explosé ces dernières années ?

M : Evidemment non. Les cheminots sont de moins en moins nombreux. Le nombre d’embauches en contractuel (c’est-à-dire hors statut) augmente chaque année et fait donc mécaniquement baisser le nombre d’agent au statut. Donc l’accroissement exponentiel de la dette ne vient pas de là. Pour le moment nos retraites coûteraient 3 milliards d’argent public pour compenser le manque d’actifs cotisants au statut, mais la caisse de retraite annonce que l’équilibre sera retrouvé en 2021. Donc c’est un problème qui va se résoudre de lui même.

J’en profite pour dire ici que SUD-Rail revendique depuis longtemps que tous les travailleurs du rail soient embauchés au statut. Les recours constants aux intérimaires, aux CDD, aux externalisations et bien sur aux contractuels causent de gros problèmes et coûtent énormément d’argent.

Je prends un exemple en 2015, sur mon établissement, le coût du travail intérimaire était de 5 410 849€ pour 112 418h de travail, soit 48€ de l’heure... En équivalent temps plein/ heures on est à 71 cheminots. Si ces 112418 heures étaient payées à des cheminots (salaires moyens) cela serait revenu à environ 3 200 000€ pour l’année. Voilà ce que coûte la flexibilité sur mon établissement, plus de 2 millions d’euros par an (et on retrouve sensiblement les mêmes chiffres tous les ans !!!). Si on rapporte ça au niveau national...

L’entreprise doit jouer le jeu et embaucher tous ceux qui font le rail au quotidien au lieu de dépenser des sommes folles pour réduire artificiellement son effectif. Ce sera une des revendications forte de ce mouvement ! En tout cas le statut est l’arbre qui cache la forêt et le supprimer n’apportera aucune solution pour améliorer le service public ferroviaire... bien au contraire !

RP : Pourquoi le gouvernement insiste donc avec cette intox ?

M : Il faut d’abord voir ce qu’est réellement le statut. C’est un ensemble de règles qui régissent les conditions d’entrée dans l’entreprise, la rémunération, le déroulement des carrières, les sanctions, la mobilité, les congés, les conditions de cessation de fonction, la couverture maladie et le droit syndical. Ces règles ont une utilité pour l’entreprise, si on détruit le statut (ce qui est bien le cas puisque sans embauches au statut celui ci ne pourra plus fonctionner dans les années qui viennent), qu’est ce que l’on met à la place ? On ne gère pas une entreprise de 1 500 00 cheminots répartis sur tout le territoire, comme une entreprise classique. Quid des évolutions salariales ? Comment préserver l’équité pour tous au niveau national, que ce soit en termes de salaires, de métiers, de maladie, de congés ? Comment prendre des décisions concernant la sécurité (refuser de faire circuler un train qui freine mal, par exemple) quand on risque de perdre son travail pour désobéissance à un donneur d’ordre ne voyant que les coûts d’un retard ou d’une suppression de train ?

Le statut est utile, mais il a un coût que payent les cheminots. Car les cheminots cotisent plus et gagnent moins en moyenne pour avoir le droit d’en bénéficier. Voilà ce qui dérange profondément le gouvernement Macron. Notre statut est le contre exemple social de l’Uberisation des métiers, de la flexibilité rêvée par le Medef. Lorsqu’on est au statut, on n’est pas jetable et ça dans la France d’aujourd’hui c’est une anomalie. Je suis entré en 1999 à l’âge de 18 ans. Je n’ai pas vécu dans la crainte du chômage, je n’ai pas eu de soucis pour faire un prêt immobilier. Je suis parfaitement formé pour mon poste. Je n’ai pas à pleurer pour une augmentation elles se font statutairement dans l’ordre, par ancienneté. Je n’ai pas eu peur lorsque je me suis syndiqué et lorsque c’est nécessaire je ne crains pas de me mettre en grève pour faire respecter mes droits... Moi, j’appelle ça du progrès social, on devrait tous revendiquer pour que cela devienne la norme ! Et le plus fort c’est que ça marche puisqu’en dehors de la caisse des retraites (à l’équilibre en 2021, je le répète) le statut est excédentaire.

Voilà ce qui fait peur au gouvernement, lui qui veut faire passer sa casse sociale pour du progrès. Nous sommes clairement dans du dogmatisme pur. La dette de la SNCF n’est qu’un alibi pour éliminer ce caillou dans la chaussure du MEDEF et du gouvernement, que représentent les cheminots, capables de tout bloquer et d’être fer de lance des mouvements de protestation en France.

RP : Il y a un appel national et intersyndical à la mobilisation le 22 mars contre la casse du ferroviaire et les attaques du gouvernement, as-tu quelque chose à dire là-dessus aux usagers et aux lecteurs de Révolution Permanente ? Pourquoi il est important de se mobiliser massivement le 22 et après ?

M : Oui, il est important de se mobiliser avec les cheminots. L’hypocrisie de cette réforme commence à devenir assez évidente. Le train n’ira pas mieux demain. La dette va continuer de grossir et le service risque de se dégrader fortement dans les années à venir. Quiconque se soucie de l’écologie et du transport ferroviaire comme service public (et pas comme une énième machine à fric) doit être dans la rue le 22 mars pour réclamer la vraie réforme qui donnera au train une vraie chance de devenir le transport principal des passagers, comme des marchandises, en France.

L’attaque sur notre statut est la suite d’une longue série de mesures qui visent à nous réduire au silence. Quiconque voit dans la lutte, la protestation, le syndicalisme et la grève des outils de résistance devrait nous rejoindre pour nous aider à rester une des dernières forces de contestation.

Enfin toute celle et ceux qui ne supportent plus de voir ce président mal élu faire son travail de casseur par ordonnances, doivent nous rejoindre le 22 mars pour donner à cette oligarchie gonflée de certitudes une bonne leçon !


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