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États-Unis

Sanders apporte un soutien sans faille au libéral Joe Biden

Joe Biden présente toutes les qualités d’un ennemi de classe : capitaliste, raciste, sexiste et impérialiste. Pourtant, Bernie Sanders vient d’annoncer, après son abandon aux présidentielles et malgré leurs nombreux différends, qu’il lui apporterait son soutien : qu’est-ce que cela signifie ?

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 Credits photo : Drew Angerer/Getty Images

Traduction par Nicolas Arnaiz de l’article de Tatiana Cozzarelli sur le journal en ligne LeftVoice quotidien du réseau dont fait partie Révolution Permanente.

Le passé de Joe Biden est on ne peut plus clair : raciste, misogyne, impérialiste, responsable des conditions de détention misérables de plusieurs milliers de détenus américains et aujourd’hui accusé d’agressions sexuelles par d’anciennes collaboratrices.

Cette semaine, Bernie Sanders a apporté son soutien à sa candidature aux présidentielles américaines. Un soutien enthousiaste et affirmé, loin d’être une simple formalité : « votre soutien veut dire beaucoup pour moi. Je pense que beaucoup de monde va être surpris de voir que nous ne sommes pas d’accord en certains points, mais que nous sommes d’accord sur beaucoup d’autres. » déclare Biden. Sanders lui répond, alors « parlons donc des sujets sur lesquels nous sommes plutôt d’accord. Parlons économie ».

Lors d’un live commun, tous deux se sont accordés à réduire plusieurs mois de débats acharnés à de simples désaccords de piètre envergure, affirmant qu’ils « n’avaient pas de désaccords fondamentaux ». Joe Biden, responsable d’une politique impérialiste criminelle, raciste, accusé d’agressions sexuelles, se compte désormais parmi les « amis » de Bernie Sanders.

Biden n’a pas hésité à s’adresser aux bases de son ancien rival en développant ouvertement le programme de ce dernier concernant la jeunesse et les syndicats : de larges et fidèles secteurs de Bernie Sanders avant qu’il n’abandonne. Pourtant Biden n’a pas changé sa ligne ni son programme.

Il n’aura osé que quelques concessions : un salaire minimum à 15$ de l’heure, un âge de retraite légèrement plus bas. Rien au sujet d’une potentielle sécurité sociale universelle, l’une des pierres angulaires du programme de Sanders. Pas même Sanders lui même n’a osé l’évoquer : il a bien renoncé.

Mais c’est plus qu’une capitulation, c’est une trahison particulièrement douloureuse pour les classes populaires qui croyaient en lui à l’heure où la pandémie a tué plus de 25 000 personnes et laissant 16 millions de travailleurs au chômage. Tout cela sans compter les travailleurs sans papiers. Joe Biden, lui, s’est pour le moment contenté d’énumérer un ensemble de demi-mesures ; absolument rien envers les milliers de travailleurs et minorités opprimées en grande précarité. Au lieu de cela, Biden préfère défendre, lors de ses lives sur internet, un plan d’injection de plusieurs milliards de dollars dans les proches des plus puissantes banques et entreprises du pays. Bernie Sanders acquiesce : « Joe a absolument raison. En plus d’autres dispositions, nous avons injecté, même si cela n’était pas ma priorité, 450 milliards de dollars pour les grandes entreprises. » Sanders a lui-même voté la loi qui autorisait ce don il y a quelques semaines de cela.

Joe Biden est l’un des candidats les plus réactionnaires des primaires démocrates. Au pouvoir depuis plusieurs dizaines d’années, que cela soit au Congrès ou au poste de vice-président, il écrit en 1994 une proposition de loi qui participe très largement à la mise en place d’un système d’incarcération de masse. Favorable à la guerre en Irak et aux programmes de bombardement par drones d’Obama, et aujourd’hui encore. Opposé à la mise en place d’un système de soins gratuits pour tous, et ce même en pleine période de pandémie ! Il a soutenu avec enthousiasme le don de plusieurs milliards aux banques américaines lors de la crise de 2008. Joe Biden est l’une des figures les plus droitières du Parti démocrate, et Bernie Sanders lui apporte aujourd’hui un soutien inconditionnel, sans oser la moindre critique envers lui, ni même envers l’appareil du Parti démocrate.

Voilà plusieurs décennies que l’argumentaire du « moindre mal » est utilisé afin de tirer la gauche vers la droite, la forcer à accepter toujours plus de concessions, un programme de plus en plus droitier au nom d’une éligibilité nébuleuse. Tout cela ne fait qu’interdire la critique envers les véritables responsables du désastre actuel, car démocrates et républicains sont tous deux coupables. Tous deux sont soumis à la bourgeoisie et n’hésitent pas à mettre en place nombre de mesures austéritaires, lésant les classes populaires en pleine période de pandémie. L’argumentaire du moindre mal ne peut que nous mener dans le mur, car il empêche la gauche révolutionnaire de mener une véritable bataille et d’assembler les forces nécessaires à cette dernière.

Le soutien apporté à Biden par Sanders est certes décevant, mais pas surprenant. Durant toute la campagne des primaires, Sanders a promis d’apporter son soutien à celui qui sortirait gagnant, et ira jusqu’à le répéter plusieurs fois lors de débats télévisés. Il s’agit là de la même stratégie dont il fit usage en 2016 : pressurer le parti démocrate sur sa gauche avant d’abandonner et de plier l’échine devant le gagnant. La trahison était à prévoir.

Et si Sanders affirme encore aujourd’hui que sa campagne aura été à l’origine d’un mouvement qui

dépasse les élections, il n’hésitera pas, quelques jours plus tard, à appeler ses adhérents à soutenir ouvertement Joe Biden, alors même qu’une pandémie ravage le pays et tue des milliers de travailleurs. Aucune critique de la part de Sanders envers la politique désastreuse de Trump, qui, comme en France, profite de la pandémie pour faire passer des mesures anti-ouvrières. Aucune évocation d’un quelconque plan d’élargissement des critères d’accès aux soins, et encore moins de leur gratuité. Sanders s’est complètement couché devant Biden.

Sanders n’est pas un révolutionnaire : nous n’avions pas grand chose à attendre de lui. Mais nous ne devrions pas abaisser nos attentes, car nous, anticapitalistes et révolutionnaires, souhaitons une société totalement nouvelle, libre de toute forme d’exploitation et d’oppression, l’expropriation des capitalistes et la démocratie ouvrière. C’est pourquoi il nous faut être critiques envers les groupes qui, aujourd’hui, continuent d’apporter leur soutien à Bernie Sanders, et tout particulièrement la DSA (Democratic Socialists of America), qui, lors de ces derniers mois, s’est transformée en véritable machine électorale pro-Sanders. Car eux savaient que Sanders ne ferait qu’attirer ses bases vers Biden - et l’ont pourtant aveuglément soutenu.

Aujourd’hui, ces organisations n’appellent pas à voter pour Biden : malgré une résistance certaine de la part de certain secteurs, tous ont décidé, à la majorité, de ne soutenir aucun autre candidat que Bernie Sanders. C’est certes un progrès, mais c’est loin d’être assez.

L’heure est aujourd’hui à la lutte des classes et à l’organisation. Déjà, des travailleurs se mettent en grève et demandent de meilleures conditions de travail, plus de mesures de protection, ou exigent de réquisitionner la production de leurs usines pour lutter contre la pandémie. La classe ouvrière démontre un courage héroïque : déjà, nombre de retraités de la santé reprennent leurs postes, d’autres travaillent pour produire plus de masques à oxygène. Ce jeudi, des centaines d’infirmiers et infirmières organisent une journée d’action nationale afin d’exiger la nationalisation de tous les services de soins. Il nous faut aujourd’hui nous réorganiser afin de pousser toutes nos forces dans la période de lutte des classes qui s’ouvre, afin de combattre ceux qui, depuis toujours, sont nos ennemis : la bourgeoisie des partis républicain et démocrate.

Il nous faut aujourd’hui tirer des conclusions : la tentative a été faite, encore et encore, de réformer le parti démocrate de l’intérieur. Encore et encore, cette stratégie finit en échec pour la gauche du Parti, et en triomphe pour la droite. En soutenant Joe Biden, Sanders a trahi ses adhérents : cette fin ne fut jamais en doute, et l’aventure Sanders n’allait, et ne put jamais finir autrement qu’en soutien à Biden. Après cette pandémie, plus rien ne sera comme avant. Aucun retour à la normale ne sera possible. Il nous faut un nouveau parti : un parti de la classe ouvrière, indépendant et prêt à combattre inlassablement pour nos idées révolutionnaires anticapitalistes.


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