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Tribune libre – Education

Sarkozy de retour à l’école : Blanquer tombe le masque

A quelques jours de la rentrée, Blanquer tombe le masque. Dans un entretien paru hier, il annonce pour l'école non pas une simple revanche sur la politique éducative du précédent quinquennat mais un projet brutalement réactionnaire et autoritaire. C’est ce qu’illustre B. Girard dans ce nouvel article paru sur son blog de Médiapart

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« Au secours, Sarkozy revient ! »,,c’était le titre d’une note de blog (17/05/2017) à l’annonce de la nomination de Blanquer comme ministre de l’EN. De fait, dès sa prise de fonctions, le ministre multipliait les annonces, à destination non pas de l’école mais des électeurs et d’une certaine opinion publique nostalgique de l’école en blouse grise : retour à la semaine de 4 jours en primaire, mise à mal de la (pourtant timide) réforme des collèges, éloge du redoublement, création de mystérieux « internats ruraux », Fables de La Fontaine comme lecture obligatoire de vacances etc. Derrière le sourire un peu niais du personnage, c’était en fait une réaction brutale qui se dessinait. Mais l’entretien accordé par Blanquer à l’Obs du 24 août et qui vaut circulaire de rentrée, va encore au-delà : le tournant que l’ancien Dgesco de Sarkozy veut faire prendre à l’école est en fait une véritable revanche non pas simplement sur la politique éducative du précédent gouvernement (qui n’a quand même jamais été révolutionnaire) mais sur un demi-siècle d’histoire de l’école.

En une phrase choc, Blanquer désigne l’adversaire : l’égalité (appelée "égalitarisme") et son auxiliaire, la pédagogie (ou "pédagogisme") : « Ce discours qu’on qualifiera d’égalitariste a surtout poussé à détruire des choses qui fonctionnaient parfaitement. C’est le cas en matière de lecture, mais on pourrait parler des mathématiques modernes. Ceci est d’autant plus choquant qu’on a utilisé ces méthodes pédagogiques fragilisantes avec les publics les plus fragilisés ». Un vocabulaire, tiré de la dialectique la plus éculée de la mouvance éducative réactionnaire (autour de SOS Education), qui fait de la pédagogie la source de tous les maux de l’école et de la société. Plus de 10 ans après son prédécesseur De Robien qui avait semé la pagaille dans les établissements autour de l’apprentissage de la lecture, Blanquer (qui avait d’ailleurs été directeur adjoint du cabinet dudit Robien) ressuscite la vieille querelle des « méthodes » - globale contre syllabique – qui n’existent que dans la tête de politiciens, d’éditocrates à la mode, d’idéologues, des nostalgiques des « bonnes vieilles méthodes » qui, en réalité, n’ont pourtant jamais fait la preuve de leur efficacité. Blanquer, qui se présente volontiers comme un « pragmatique », se montre en réalité sous un autre jour : dogmatique.

… dogmatique et brutal. Car – c’est l’autre enseignement à retirer de l’entretien à l’Obs – non seulement les enseignants seront formés à enseigner les « bonnes méthodes », recommandées par d’hypothétiques « neurosciences », dernière lubie de la rue de Grenelle en attendant la prochaine, mais les élèves seront évalués en fin de CP afin de s’assurer que « 100 % des élèves » - autre élément de langage à la mode – maîtrisent bien la lecture (avec le calcul et le respect, ce dernier se voyant promu au rang des apprentissages fondamentaux et relevant sans doute également des neurosciences…). Au passage, on voit avec quel mépris le ministre fait un sort à la dernière loi d’orientation, à peine entrée en application, jamais évaluée, qui organisait l’enseignement en cycles d’apprentissage (le CP rattaché aux CE1 – CE2 dans un cycle 2) permettant à chaque élève d’avancer à son rythme pour une réelle maîtrise des apprentissages fondamentaux. Ces tests obligatoires et formatés (également envisagés à l’entrée en 6e – ou pour l’entrée en 6e…), sont la condition nécessaire à la sélection des élèves – autre idée fixe du ministre – prélude à une orientation précoce ; les enfants de ministre et de CSP+ n’étant généralement pas concernés par les difficultés d’apprentissage de la lecture, le but poursuivi est bien celui d’un tri social des élèves, sournoisement dissimulé sous la dénonciation de l’ « égalitarisme ».

Enfin, pour faire bonne mesure et s’assurer l’application docile de sa politique, Blanquer annonce son intention de mettre en œuvre ce vieux rêve de la droite politique, toujours repoussé y compris sous les gouvernements de droite, qui consiste à confier aux chefs d’établissement le recrutement des enseignants : « (...) oui, il est logique que le chef d’établissement ait un rôle à jouer en matière de recrutement. » Pour le « pragmatique » Blanquer, l’autonomie des établissements, c’est d’abord cela : renforcer le pouvoir de la hiérarchie sur les personnels afin d’assurer le strict respect des consignes. On n’a pas été directeur général de l’enseignement scolaire pour rien.

Bref, à quelques jours de la rentrée, il se confirme que les premières annonces du printemps dernier n’étaient pas que pure communication. C’est bien un projet cohérent que Blanquer reprend à son compte - à travers une brutale reprise en main idéologique - d’un système éducatif à visée essentiellement sélective, qui refuse le postulat de l’éducabilité de tous les élèves. Un projet qui, de façon très significative, retrouve le programme éducatif du candidat Fillon : un projet qui n’aurait jamais pu voir le jour si, de 2012 à 2017, la gauche au pouvoir avait eu un peu plus souvent le courage de ses convictions. Mais les convictions, la gauche en avait-elle vraiment ?

Blog Mediapart de B. Girard

Crédits photos : Richard Bouhet // AFP


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