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Casse des services publics

Scandaleux. La région Normandie retire 19 trains de l’axe Paris-Normandie en plein boom des prix du carburant

Depuis le 28 mars, dix-neuf trains quotidiens ont été retirés de l’axe Paris-Rouen par la région Normandie. Une mesure catastrophique, à l’heure où le prix du carburant atteint des sommets

Raphaël Eussac

29 mars 2022

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Crédit photo : AFP/Archives

La SNCF supprime 19 trains par jour…

La mesure a été annoncée au début du mois de mars : la région Normandie a décidé de supprimer 19 trains quotidiens de la ligne entre Paris et la Normandie. Elle invoque des prétextes « économiques », en pointant par exemple la baisse de 24% du trafic de voyageurs sur cet axe, qui s’expliquerait selon la SNCF par l’augmentation du télétravail. Mais la politique de suppression des petites lignes et des intercités n’a pas attendu le Covid et n’a rien de nouveau puisqu’elle est déjà visible depuis des années.

Mais derrière ces « arguments » se cache une tout autre réalité. « Nous considérons que la justification avancée cache plutôt un argument financier, car cette réduction de la circulation va surtout permettre de faire des économies sur la gestion du matériel, dans une région où les rames ont souvent plus de quarante ans » déclarait il y a quatre jours l’UDUPC, l’union des usagers du Paris Cherbourg, aux journalistes du Figaro. Et en effet d’après le bilan ferroviaire de 2019 de l’autorité des transports, les lignes normandes font partie des plus vielles, avec un réseau, hors LGV, de plus de 33 ans, et 21% des rails maintenant hors d’âge. La SNCF cherche à faire des économies tout en évitant de rénover cette ligne connue pour ses rails accidentés et ses équipements hors d’âge.

Mais cette suppression est d’autant plus scandaleuse qu’elle est nécessaire aux usagers de la ligne : celle-ci passe par des villages isolés et nul doute que cette décision conduira à une ostracisassions toujours plus importantes des petites communes. Déjà en 2020, France Télévision pointait l’abandon de ces communes, aux habitants livrés à eux même depuis qu’ils n’ont plus aucune ligne ferroviaire proche « Je ne vais pas en ville, je ne peux pas aller vers la culture et me divertir » expliquait alors en juillet 2020 au micro de France 2 une habitante du village de Chabanais en Charente. Dans la situation actuelle, les voyageurs de Mantes La Jolie -où passe la ligne- vont voir leur trajet vers Paris rallongé de 40 minutes chaque matin. Initialement cette desserte devait être supprimée en 2025 avec l’apparition de EOLE -le prolongement du RER E jusqu’à Mantes-la-Jolie- mais dans une logique de rentabilité les régions et la SNCF choisissent de sacrifier les usagers et les cheminots plutôt que d’attendre la finalisation du projet.

Les syndicats cheminots (CGT, Unsa, Sud Rail, CFDT et FO) ont quant à eux dénoncé les manœuvres électorales d’Hervé Morin, le président de la région Normandie, ancien ministre de la défense sous le gouvernement Fillon et actuellement directeur de campagne de Valérie Pécresse pour les élections présidentielles qui a fait campagne « sur l’augmentation de 20 % du nombre de trains en Normandie, notamment pour se faire réélire l’an dernier » comme le relate Ouest-France. Les syndicats dénoncent également les répercussions écologiques et économiques qu’aura cette décision, alors que les prix du carburant flambe et qu’ils notent une « hausse de la fréquentation des trains ».

… en pleine augmentation du prix de l’essence

La région Normandie, en supprimant ces trains condamne les usagers à devoir se tourner vers l’utilisation de la voiture. Or, dans un contexte d’augmentation exponentielle du prix du carburant, cette décision va directement retomber sur les finances des ménages, notamment les plus précaires, pour lesquels les pleins à trois chiffres sont synonymes de fin de mois à découvert. Dans le même temps, la disparition des trains va être une aubaine pour les entreprises privées qui gèrent les lignes de bus, et qui vont voir leur terrain s’agrandir et avec lui une possibilité d’augmenter les tarifs. Lucylle, étudiante à l’université Panthéon-Sorbonne a sa famille au Havre, elle témoigne auprès de Révolution Permanente : « Habituellement je fais l’aller-retour régulièrement, mais avec la suppression des trains ça va être de plus en plus difficile. Entre la suppression des lignes et le prix des billets, on est forcé à prendre le bus plutôt que le train. Et ça alors même que le bus est une option polluante : d’un point de vue écolo ça me dérange. »

En somme, cette décision, va contraindre les usagers à prendre la voiture ou le bus, moins pratique, plus cher, moins écologique, tout en ostracisant les petits villages. Or tout ceci est notamment la conséquence de la réforme ferroviaire menée en 2018 par Macron et son gouvernement. Le processus n’en est qu’au début et désormais les régions sont donneur d’ordres et vont lancer des appels d’offres régions par régions, en poussant à la privatisation et en transférant de force les cheminots vers des entreprises privées. Cela aura également pour répercussion l’augmentation des tarifs ainsi que des dessertes de moins en moins nombreuses le tout au profit d’une logique de rentabilité. Dans le même temps, tous les investissements coûteux comme la maintenance des voies, l’achat de matériel ferroviaire vont rester payés par le contribuable, augmentant ainsi le risque d’accidents. Face aux conséquences de la casse toujours plus brutale du service public, seule l’alliance entre les usagers et les cheminots peut mettre un coup d’arrêt à ces politiques dévastatrices.


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