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Stop islamophobie !

Sciences Po Grenoble. Un professeur vire des syndicalistes après une campagne contre l’islamophobie

Jeudi 25 février, Vincent Tournier, professeur à Sciences Po Grenoble, a envoyé un mail à l'ensemble de ses étudiants dans lequel il demande aux militants de l'Union Syndicale de ne plus « plus jamais remettre les pieds dans ses cours » après qu'ils aient lancé une enquête contre l'islamophobie. La décision scandaleuse de ce professeur s'inscrit directement dans la campagne médiatique islamophobe lancée par le gouvernement.

Simon Derrerof

9 mars 2021

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Crédit photo : AFP

Jeudi 25 février, Vincent Tournier, professeur de Sciences Po Grenoble, a envoyé un mail à destination de ses étudiants dans lequel il stipule que ceux qui seraient syndiqués à l’Union Syndicale sont priés « de quitter immédiatement [ses] cours et de ne jamais y remettre les pieds ». Ce professeur motive sa décision en affirmant s’être senti menacé suite au lancement d’une campagne d’appel à témoignages par l’Union Syndicale contre l’islamophobie. 

Étant donné les problèmes d’islamophobie de certains professeurs de l’iep, l’Union Syndicale souhaite retirer ce CS des...

Publiée par Union Syndicale Sciences Po Grenoble sur Lundi 22 février 2021

Thomas Mandroux, président de l’Union Syndicale de Sciences Po Grenoble, est revenu avec nous sur l’affaire : « L’histoire a commencé après qu’on ait lancé un appel à témoignages sur le cours de Vincent Tournier. Jeudi 25 février, on a reçu le fameux mail qui interdisait le cours aux étudiants de l’Union Syndicale Grenoble. Ce qui s’est passé, c’est que pendant la semaine sur l’égalité, une semaine organisée par l’IEP et les étudiants, on a eu écho de propos tenus par un professeur qui niaient l’islamophobie et qui pouvaient être vus comme islamophobes. Ces propos n’étaient pas tenus par Vincent Tournier, mais comme ce professeur tient un cours sur l’islam, on a décidé de faire un appel à témoignages pour savoir si ce qu’il disait était problématique ou non. Cet appel, on l’a lancé sur nos réseaux sociaux, sur Facebook et sur Instagram. C’est absolument tout ce que nous avons fait. En gros, il s’agissait de dire, ce cours s’appelle « islam et musulmans dans la France contemporaine », si jamais vous avez écho de propos limites faites-les nous remonter et on verra ce qu’on fait, c’est une démarche qu’on a régulièrement. »

Ce qui va suivre, c’est la décision de ce professeur, alors même qu’il n’était pas directement nommé dans la démarche du syndicat, d’interdire de ses cours l’ensemble des étudiants militants à l’Union Syndicale. Cette décision relève de la discrimination politique, comme nous l’explique Thomas Mandroux : « Nous on défend les étudiants dans les instances, on défend leurs intérêts, et c’est dans ce sens que va notre démarche. A partir de cet appel à témoignages, on voulait poser la discussion en Conseil des Etudes et de la Vie Etudiante, ce qui finalement ne s’est pas fait en raison d’un ordre du jour trop long. Quand Monsieur Tournier envoie un mail à l’ensemble de ses étudiants, y compris ceux qui ne sont pas dans ce cours, quand il demande aux étudiants de l’Union Syndicale de ne plus jamais mettre les pieds dans ses cours, car on met sa vie en danger, il traumatise des militants, il nous diffame et il fait de la discrimination syndicale. On a décidé de porter plainte pour diffamation et discrimination syndicale, car on n’a jamais mis sa vie en danger, c’est la première fois qu’on parle de lui et on ne l’a jamais attaqué. »

Communiqué de l’Union Syndicale suite au mail diffamatoire et discriminant de M. Tournier de Jeudi dernier.

Publiée par Union Syndicale Sciences Po Grenoble sur Samedi 27 février 2021

Rapidement, l’Union Syndicale décide donc de porter plainte et de réagir par communiqué. Pourtant, alors que des étudiants sont interdits de cours, la présidence refuse de se positionner. Pire encore, nous raconte le président de l’Union Syndicale, des professeurs soutiennent Vincent Tournier : « Suite à cette histoire, Vincent Tournier a continué à écrire des mails, il s’est fait défendre par d’autres enseignants qui disent qu’il défend la liberté d’expression et que nous on est des extrémistes qui le mettons en danger. La réponse de la direction, ça a été de nous donner un créneau pour nous recevoir, mais pas de nous défendre, c’est inacceptable. »

Vincent Tournier est pourtant connu depuis longtemps pour ses positions rétrogrades et droitières, il a notamment signé l’appel de l’Observatoire du décolonialisme, proche de l’extrême droite, qui s’oppose à l’antiracisme politique ou au féminisme dans les sphères universitaires. Le professeur a également souvent défendu des positions ouvertement islamophobes dans ses cours ou dans ses publications, tout en condamnant l’influence de la gauche dans l’université. Pourtant, ce n’est pas contre lui que l’Union Syndicale lance son appel à témoignage, précise Thomas Mandroux : « Nous on a lancé cette campagne après que, pendant la semaine de l’égalité, des propos islamophobes aient été tenus. Ce cours qui porte sur l’islam, on n’a aucun militant dedans, et on voulait vérifier qu’il n’y ait rien de problématique. Ce n’est qu’après qu’on a découvert les liens du professeur avec l’extrême droite, notamment avec l’Observatoire du décolonialisme. Il était connu pour être provocateur déjà, mais là il défend juste les positions de l’extrême droite en fait. »

Cette décision d’un professeur d’exclure des étudiants de ses cours pour une campagne contre l’islamophobie s’inscrit pleinement dans la campagne lancée par le gouvernement. Le 14 février dernier, Frédérique Vidal affirmait sur CNews que « l’islamo-gauchisme gangrène la société dans son ensemble » et que « l’université n’est pas imperméable ». Cette ambiance islamophobe a des conséquences désastreuses, cette histoire en est un exemple frappant. Interrogé à ce sujet, Thomas Mandroux affirme : « Je ne sais pas si ce professeur se sert du climat actuel pour faire campagne contre l’islamo-gauchisme, en tout cas avant on n’en parlait pas trop. Ce qui est sûr en tout cas c’est que la direction est inactive et défend les professeurs, et ça leur fait pousser des ailes. Sinon il se dit peut-être que c’est le bon moment pour attaquer l’islamo-gauchisme... »

Depuis plusieurs semaines, ces attaques réactionnaires et islamophobes ont envahi le terrain universitaire. Le gouvernement a laissé toute place à l’extrême droite qui se donne à cœur joie pour exprimer son idéologie rétrograde. C’est ce que l’on a vu, au travers de tribunes sorties sur Le Monde et Le Figaro, pour dénoncer une recherche militante prétenduement "complaisante avec l’islamisme", c’est ce qu’on voit désormais avec des étudiants interdits de cours pour avoir lancé une campagne contre l’islamophobie. Thomas Mandroux affirme en tout cas sa volonté de ne pas baisser les bras : « On va continuer le combat, on souhaite que ce professeur n’enseigne plus ici, on ne va pas se laisser faire. » 

Suite à cette affaire, pour avoir à son tour dénoncé l’islamophobie à Sciences Po Grenoble, le syndicat étudiant UNEF a été encore une fois ciblé par l’extrême-droite mais aussi par le gouvernement. Pour avoir relayé les photos d’un collage, réalisé par des étudiants de l’école, qui affichait "Fascistes dans nos amphis. L’islamophobie tue" assortis des noms des professeurs en question, l’UNEF est accusé d’avoir "appelé au meutre" et plusieurs organisations d’extrême-droite (UNI, Cocarde étudiante et RN) ainsi qu’un député En Marche demandent maintenant la dissolution du syndicat.

Il s’agit là d’une nouvelle démonstration de la liberté d’expression à double vitesse du gouvernement : quand les universitaires font de la recherche sur des thèmes tels que l’antiracisme ou le féminisme, ils sont violemment attaqués, et sont taxés « d’islamo-gauchisme », quand cette liberté d’expression devient le passe droit pour que les réactionnaires en tout genre divulguent leurs idées racistes et islamophobes.


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