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Aux capitalistes de payer leur crise

Scoop : Pour les experts du gouvernement, trop de dépenses publiques en France

Ce jeudi 24 mai, France Stratégie, organisme d'expertise économique relié à Matignon, a publié une note analysant les baisses de dépenses publiques de nos voisins européens afin de prendre exemple sur eux. Souvent présentée par la classe dominante comme le canard boiteux de l’Europe, la France a en effet un retard à rattraper en termes de casse des acquis sociaux pour combler les besoins du néolibéralisme.

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Véritable marronnier pour les médias et les politiciens, les dépenses publiques en France ne baisseront donc jamais. Conservatisme de l’esprit français, peur de la réforme, passéisme, tous les mots sont bons pour les éditocrates et autres laquais de la bourgeoisie pour dénoncer une fuite d’argent socialisé qui échappe au profit privé dans la santé, l’éducation, les transports etc... La faute à une classe ouvrière plus combative qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et qui, au grand dam du patronat, n’avale pas toutes ses couleuvres. La bourgeoisie française souffre pourtant d’un retard structurel sur les autres bourgeoisies européennes et se doit de rehausser son taux de profit, autrement dit « rendre le pays attractif ». Pour ce faire, il faut désormais appliquer la méthode forte : voilà le mandat d’Emmanuel Macron, épaulé dans cette tâche par un gouvernement de combat bien décider à guérir la France de son « addiction » - dixit Édouard Philippe – aux dépenses publiques.

C’est là l’objectif de cette note publiée jeudi par l’organisme rattaché au Premier Ministre, France Stratégie. Intitulée « Baisser le poids des dépenses publiques : les leçons de l’expérience des pays européens », elle analyse les dynamiques européennes en terme de baisse des dépenses publiques sur les 20 dernières années et constate un retard de la France qui n’a pas effectué cette baisse. Si des pincettes sont prises pour expliquer que les choix de socialisation varient d’un pays à l’autre et sont des choix politiques, il serait cependant, d’un point de vue économique, donc scientifique, donc inéluctable, suicidaire pour le pays de conserver ce taux de socialisation en prévision d’une éventuelle récession.

La logique fondamentale derrière ce rapport est d’affirmer qu’il vaut mieux appliquer une politique d’austérité quand l’économie se porte bien (la France connaît ses plus hauts taux de croissance depuis la crise de 2008) avant d’avoir à les faire lorsqu’elle se portera mal. Ainsi, si le sauvetage des banques a été payé par les fonds publics après la crise, celle-ci ne s’étant jamais vraiment résorbée, il faudrait désormais se préparer en amont à amortir le coup des boursicotages ineptes des capitalistes.

Autre argument en faveur de la nécessité de baisser les dépenses publiques : le manque d’efficience de la fonction publique française. Bien que le rapport soit étayé de nombreux graphiques et autres formules mathématiques, cette assertion n’est pas vérifiée. Ainsi, il semblerait qu’à investissement égal, la fonction publique française soit moins efficace que ses voisines européennes. C’est ce qu’il faudrait demander aux personnels hospitaliers, toujours plus surchargés de travail, aux enseignants qui doivent faire cours devant des classes toujours plus surchargées, les empêchant d’assurer un suivi optimum pour chaque élève. Après avoir consciemment cassé le service public, petite réforme après petite réforme, déjà au nom de la baisse des dépenses publiques, la constatation du manque d’efficacité est toute naturelle.
Pour répondre à ce problème, le rapport pointe des problèmes de gouvernance et de concurrence, c’est-à-dire principalement de pression au travail et de mise en concurrence entre les travailleurs pour les faire travailler toujours plus pour toujours moins. Par ailleurs, c’est cette mise en concurrence perpétuelle entre travailleurs du privé et travailleurs du public qui permet d’affirmer dans le rapport que la baisse des dépenses publiques est aujourd’hui nécessaire car... les Français les accepteraient de moins en moins !

Il faudrait atteindre dans les cinq prochaines années, une baisse des dépenses équivalant à trois points de PIB (actuellement environ 60 milliards d’euros). Cette baisse permettrait d’atteindre le niveau d’endettement précédant la crise de 2008, d’ici 2040... en espérant donc qu’il n’y en ait pas une nouvelle !

Pour justifier l’empressement de la réforme, sont exposés les différents cas de baisse significative des dépenses publiques en Europe. Il en existe globalement deux groupes : les pays qui ont agi de manière contrôlée lors de conjonctures économiques relativement stables (Allemagne, pays scandinaves, Pays-Bas, Angleterre) et les pays (majoritairement) du Sud de l’Europe qui ont subi de plein fouet la crise (Chypre, Espagne, Grèce, Irlande, Portugal) et pour lesquels les mesures d’austérité ont été imposées.
Un modèle de baisse maîtrisée serait donc celui de pays comme la Suède ou l’Allemagne. La première a surtout réformé son système de couverture maladie et d’assurance retraite à la fin des années 90 d’une manière ultra-libérale, la seconde s’en est pris, sous les différents gouvernements du « socialiste » Gerhard Schröder, à un ensemble impressionnant d’acquis des travailleurs allemands, détériorant massivement les conditions de travail et instaurant un régime de flicage particulièrement poussé des chômeurs. Cela s’exprime notamment dans le rapport par les termes très sobres de « réduction de transfert aux chômeurs et aux inactifs » là où dans la réalité, il s’agit de couper les vivres à un grand nombre de personnes et de criminaliser ceux qui, dans une société de chômage structurel de masse, sont privés d’emploi. Quant à l’Angleterre ou aux Pays-Bas, ce sont des baisses de budget dans l’éducation, dans la politique d’aide familiale, dans l’accès à la culture et aux loisirs, pour les aides à l’invalidité ou encore des suppressions de poste de l’ordre de 10 % dans l’emploi public qui ont permis d’atteindre un taux jugé acceptable de dépense publique.

Par ailleurs, certaines parmi les mesures les plus draconiennes utilisées par les pays qui ont le plus ressenti la crise, mesures que le rapport ne préconise pas pour un pays comme la France, semblent pourtant se profiler à moyen terme.
Ainsi, ce sont des suppressions de postes massives (par non-renouvellement), des gels de salaire, des hausses du nombre d’élèves dans les classes (de manière mécanique comme les effectifs d’enseignants ne sont pas renouvelés), des hausses de frais d’inscription dans les universités ou encore des ventes d’actifs possédés par l’État. La politique de Macron dans la fonction publique, les réformes anti-sociales de l’enseignement secondaire et supérieur ou la vente des actifs de l’État montrent que le Président des riches n’a pas attendu ce rapport pour mettre en action son rouleau compresseur de réformes.

Ces mesures sont à mettre en parallèle avec l’augmentation du budget de la défense par Macron, les avantages fiscaux faits aux grands patrons comme le CICE (Crédit Impôt Compétitivité Emploi) ou la suppression de l’ISF (Impôt Sur la Fortune), ou bien la politique pour le coup bien laxiste envers l’évasion fiscale qui à elle seule comblerait le déficit public.

Ce que souligne en conclusion le rapport, c’est que les autres pays européens ont avant tout creusé dans la masse salariale publique (comprendre licencier massivement) et les transferts sociaux (allocations, aides, bourses, retraites, sécurités sociale...).
Au-delà de la rhétorique économique technocratique du rapport et qui est globalement utilisée lorsque l’on parle de baisse des dépenses publiques, il faut bien garder à l’esprit l’impact qu’ont ces baisses budgétaires sur nos vies. Pour que les capitalistes subissent avec moins de violence leur prochaine crise (qu’ils tenteront quand même à ce moment-là de nous faire payer), on nous demande d’être prêts, après avoir trimé toute notre vie et avoir été mis en concurrence avec nos collègues, à recevoir une retraite de misère, à payer plus pour des services de santé dégradés, où les travailleurs de ce secteur sont toujours plus pressurisés et travaillent toujours plus dans l’urgence mettant leurs vies et celles de leurs patients en danger ; prêts également à renoncer à un enseignement, à des transports publics de qualité etc.

Crédits photo : image tirée du film Gatsby le magnifique


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