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Ségur de la santé : derrière la mascarade un plan résolument antisocial 

Le Ségur de la santé, initié par le gouvernement dans le sillage de la crise sanitaire afin de calmer la colère des soignants, s'est clôturé ce mardi 21 juillet. A travers le jeu du dialogue social et l'aide des directions syndicales traîtres de la CFDT, FO et UNSA, le gouvernement a concocté un plan qui, d'une part n'apporte aucune réponse aux manques de moyens structurels des établissements de santé, d'autre part pose les bases pour l'approfondissement des mesures néolibérales.

Sofia Malone

21 juillet 2020

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Crédits photo : JEAN-PIERRE CLATOT / AFP 

Le Ségur de la santé a été clôturé ce mardi 21 juillet. La semaine dernière, un accord, dit « historique », autour des revalorisations salariales avait déjà été voté, avec la complicité traître des directions de la CFDT, FO et de l’UNSA. Comme nous l’avions déjà dénoncé, cette revalorisation salariale concédée par le gouvernement est tout d’abord largement insuffisante et en deçà des 300 euros net revendiqués par le personnel soignant.

En effet, avec cet accord, les soignants se verront augmenter de seulement 180 euros. Alors que la somme est déjà insuffisante, cette revalorisation salariale ne sera pas directement effective puisqu’ils auront une augmentation salariale de 90 euros à compter de septembre, mais qu’ils toucheront seulement à partir de janvier 2021 et de manière rétroactive. Cette première revalorisation se verra augmenter de 90 euros supplémentaires qu’à partir de mars prochain. Mais surtout, en plus de ne pas proposer le minimum syndical en terme d’augmentation salariale, cet accord pose les bases pour de nouvelles mesures néolibérales au sein de l’hôpital public, telle que la remise en cause des 35 heures comme l’affirme cet article du journal des Echos.

En effet, l’accord du Ségur ouvre la porte à l’annualisation du temps de travail ainsi que la possibilité d’accords locaux qui pourront introduire la généralisation et la contractualisation des heures supplémentaires. Dans ce plan, une enveloppe d’un milliard d’euros est également lâchée pour la mise en place de primes d’intéressement collectifs visant à mettre en concurrence les différents services... Ainsi, faisant mine de lâcher une « avancée historique », à savoir une revalorisation salariale de 180 euros, le gouvernement a tenté, à travers ce premier accord de poser les bases pour de nouvelles offensives néolibérales contre l’hôpital public. En somme, tenter de calmer la gronde tout en essayant d’avancer dans ses plans d’austérité. Un projet et un « en même temps » d’inspiration purement macroniste, qui se confirme à nouveau ce mardi, avec les dernières conclusions du Ségur.

Après presque deux mois de négociations, pilotées par l’ancienne responsable de la CFDT Nicole Notat, les conclusions du plan ont été officiellement remises au gouvernement à 10h30. Dans la foulée, le ministre de la Santé, Olivier Véran, a dévoilé plusieurs mesures, annoncées comme « fortes » et « restructurantes ». A l’heure où le gouvernement s’était prononcé depuis le début du Ségur principalement sur la question des revendications salariales, ce dernier a donné plus le détail des mesures supplémentaires que ce dernier a pris et qui étaient censées répondre aux manques de moyens, humains et matériels, dénoncés avec force par les hospitaliers. Un manque structurel dont les précédents gouvernement, qui ont organisé la casse du service public de santé dans un souci de rentabilité, sont responsables et dont on a vu les effets criminels avec la crise sanitaire. De nombreux décès, parmi des patients mais aussi des soignants, auraient en effet pu être évités si les hôpitaux et leurs personnels n’avaient pas fait face à ce manque structurel.

Parmi ces « mesures historiques » mises en place par le gouvernement, la création de 4000 lits « à la demande » à compter de cet hiver. Une mesure résidoire face à la demande des soignants de rouvrir l’ensemble des lits qui ont été fermés ces dernières années. Comme l’a dénoncé sur Twitter le collectif InterBlocs, ces 4000 lits « à la demande » ne représentent rien face aux 100 000 lits supprimés ces vingt dernières années : « Il a été supprimé 100 000 lits en 20 ans par les différents gouvernements et la politique d’austérité.. 4000 c’est une goutte d’eau sachant qu’il parle de réouverture de lits fermés pour cause réorganisation #COVIDー19... un tour de passe-passe politique ! ». Ainsi, face à Olivier Véran qui déclarait en effet ce mardi que l’enveloppe de 50 millions dédiée aux lits « permettra de prévoir l’ouverture ou la réouverture de lits dans les structures selon les besoins pour que les établissements puissent s’adapter à la suractivité saisonnière ou épidémique », André Grimali, médecin et l’un des fondateurs du collectifs Inter-hôpitaux, a lui aussi réagi : « Les lits à la demande c’est parfait pour les vacances, mais il y a un problème structurel ».

Outre cette enveloppe de 50 millions mise en place pour rouvrir temporairement des lits, c’est une somme de 6 milliards d’euros que le gouvernement a décidé d’injecter pour l’investissement de l’ensemble du système de santé, tout établissement confondu. Ce sur une période de 5 ans. Une enveloppe qui ne permettra dès-lors pas de répondre au manque de moyens actuel. Dans cette enveloppe, 2,1 milliards d’euros seront consacrés aux établissements médico-sociaux. Une somme dérisoire quand on voit le manque de moyens auquel ces derniers font face et qui s’est exprimé brutalement lors de la pandémie, notamment dans les EHPAD. En ce sens, Olivier Véran a affirmé que « Un quart des places en EHPAD pourra être rénové et rendu plus accessible » : de façon très limpide, le ministre exprime avec ses propres mots le ridicule de la mesure, à vingt-mille lieues des besoins dans le quotidien des travailleurs de la santé. Un autre milliard d’euros sera consacré à des investissements dans le numérique puisque le gouvernement met l’accent sur la télémédecine, un bon prétexte pour supprimer des lits. Une réponse qui reste très partielle pour les habitants de territoires dépourvus d’accès à des établissements de santé de proximité, où il y a urgence à construire ces services publics, ceux-là même qui ont été fermés par les gouvernements successifs ces dernières années, imposant toujours plus à ces franges paupérisées de se serrer la ceinture. 

Le reste de cette somme devrait servir entre autres à réapprovisionner les établissements en moyens matériels (masques, équipements de protection individuelle, médicaments...), à l’heure où aujourd’hui, à l’approche probable d’une seconde vague, l’ensemble des personnels soignants n’ont même pas accès à des masques FFP2. Concernant le manque de moyens humains dont souffrent aujourd’hui les hospitaliers, qui se retrouvent face à une surcharge de travail énorme, le gouvernement n’apporte que des mesures cosmétiques qui cachent de nouvelles offensives contre les conditions de travail. La très maigre revalorisation salariale ne suffira pas à rendre le métier plus attractif qu’il ne l’est aujourd’hui. De plus, si Olivier Véran a reconnu que les carrières étaient «  un peu figées  », ajoutant que « des perspectives d’évolution doivent exister », celles-ci n’apparaissent pas dans le plan du gouvernement. Le plan d’embauche et de création d’emplois est quant à lui aussi loin des besoins réels. Alors qu’il avait déjà annoncé la semaine dernière la création de 15 000 postes, ce dernier a annoncé ce mardi qu’il y aura 2000 places supplémentaires dans les Instituts de formations en soins infirmiers (Ifsi), ainsi qu’une multiplication par deux des entrées en formation d’aides-soignantes d’ici 2025. Or, parmi les revendications des soignants, il est estimé que c’est de 300 000 créations de postes dont l’hôpital aurait besoin, pour répondre justement aux besoins de la population. La tarification à l’acte n’est quant à elle pas supprimée, et le recours aux contrats précaires comme les intérimaires toujours présent, mais en précarisant toujours plus ces travailleurs avec un nouveau plafond réglementaire pour « éviter les abus » dans l’embauche des intérimaires : « il n’y aura plus aucun versement au-delà du plafond réglementaire ».

En somme, le plan du gouvernement pour l’hôpital n’est absolument pas une réponse visant à répondre aux problèmes structurels de notre système de santé actuel, dénoncés par les soignants. En effet, face à la colère de ces derniers et aux revendications qu’ils défendent, comme une réelle revalorisation salariale, une hausse générale et massive des moyens matériels et humains pour le système de santé, le gouvernement ne lâche que des miettes. Des miettes que les directions syndicales ont acceptées, validées et signées, au détriment d’un plan qui prépare le terrain à une nouvelle offensive contre l’hôpital public et qui cache de nouvelles attaques antisociales. Et ce alors qu’on a vu les effets criminels de ces politiques avec la crise sanitaire dont la gestion gouvernementale a été une catastrophe. Ainsi le jusqu’au-boutisme du gouvernement dans sa volonté de détricoter et détruire toujours plus l’hôpital public malgré les implications que ça a pour l’ensemble de la population, et ce dans un contexte où les scientifiques alertent déjà des rebonds de la première vague, démontre une nouvelle fois qu’il est au service du patronat et leurs profits, et que c’est sur le terrain de la lutte en construisant un véritable rapport de forces par la coordination des secteurs du monde du travail, et de la jeunesse pour imposer des systèmes de santé universels, gratuits, centralisés et nationalisés sous contrôle des travailleurs de la santé, car ils vivent le quotidien de l’hôpital qu’ils connaissent par cœur, ce sont les mieux placés pour savoir quels sont leurs besoins. Au-delà des investissements massifs dans l’hôpital, ceux-ci doivent être financés par un impôt progressif sur les grandes fortunes. Contrairement à la politique menée par les directions syndicales de la CFDT, FO et UNSA qui ont joué le jeu du dialogue social du gouvernement et permis à celui-ci d’avancer dans ses plans antisociaux.


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