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Soulèvement au Soudan

Soudan : soulèvement contre le régime, l’armée se pose en arbitre

Depuis quatre mois le Soudan connaît un soulèvement populaire massif maté dans le sang par le régime. L'armée, qui maintient son soutien au président en place sans intervenir directement dans la répression, se place en arbitre pour la suite des événements.

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Cela va faire quatre mois qu’un soulèvement a lieu au Soudan contre le régime, avec à sa tête Omar el-Béchir, âgé de 75 ans et à la tête du pays depuis le coup d’Etat de 1989. Celui-ci est ciblé depuis 2009 par un mandat d’arrêt international du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, crimes de guerre, et génocide au Darfour. Les manifestations, qui durent depuis près de quatre mois, ont connu un immense regain de mobilisation le 6 avril, date anniversaire du 6 avril 1985 qui avait marqué le renversement du régime du président Jaafar Nimeyri.

Le soulèvement populaire s’est cristallisé autour de la décision du gouvernement de tripler le prix du pain, expression de la situation économique catastrophique du régime. En plus de cette hausse du prix du pain, la hausse de 30 % des carburants et une inflation incontrôlable ont contribué à transformer la révolte en soulèvement populaire contre le régime. Déjà en 2013, des manifestations avaient été matées dans le sang, suite à la décision de supprimer les subventions au carburant, afin de combler justement les déficits de l’exploitation pétrolière depuis la sécession du Sud.
Comme le précise Mediapart : « Un Soudanais sur cinq vit au-dessous du seuil de pauvreté et le Soudan est, selon l’ONU l’un des huit pays les plus touchés par la malnutrition. Alors que 7 % seulement du budget national sont consacrés à la santé, et 75 % à la défense, à la sécurité et à la rémunération des principaux dirigeants, la crédibilité du chef de l’État est au plus bas et sa marge de manœuvre paraît dérisoire. Avec la division du pays, le Soudan a perdu 75 % de ses ressources en pétrole, c’est-à-dire 90 % de ses exportations et la moitié de ses recettes budgétaires. »

Dans ce contexte d’une économie qui vivait de rente, et dont les marges de manœuvre se rétrécissent, le raidissement autoritaire avec une répression qui a déjà fait plus de 60 morts constitue la seule « issue » pour un régime acculé.

Des tensions menacent en effet d’émerger en cas d’approfondissement de la crise, notamment de la part du président qui pourrait chercher à se débarrasser d’une partie de ses alliés islamistes pour calmer la colère populaire, tandis que de leur côté les islamistes envisagent de faire de même. Cependant, là encore, compte tenu des faibles marges de manœuvre, et de l’escalade répressive déjà engagée, au vu de l’ampleur du soulèvement il semble peu probable que les manifestants se contentent de mesures superficielles. Désormais, c’est un changement de régime qu’ils réclament.

La jeunesse est particulièrement à l’avant-garde du soulèvement. Comme le rapporte le site Orient XXI : « Les manifestants appartiennent principalement à la jeunesse. Celle-ci fournit à la fois le carburant et l’encadrement du mouvement. Ces jeunes ont grandi à l’ombre du régime islamiste, ils ont vécu la misère et n’ont pour horizon qu’un avenir incertain ; ils étaient naturellement désignés pour défier l’arbitraire du pouvoir et se faire les porte-étendards du changement. Ils portent résolument les espoirs de tout un peuple. »

Dans ce contexte, l’armée joue un rôle décisif dans l’équilibre du régime. Pour le moment, les dirigeant ont réitéré leur soutien au président, se gardant toutefois de réprimer la foule, la répression étant assurée la police du gouvernement. La position de l’armée adoptée jusqu’à présent se rapproche de celle d’un arbitre du régime, à l’image de ce qui pourrait se jouer en Algérie, à mi-chemin entre la « protection » des manifestants et la volonté de se poser comme garant de la stabilité du régime. « Les forces armées soudanaises comprennent les motifs des manifestations et ne sont pas contre les demandes et les aspirations des citoyens, mais elles ne laisseront pas le pays sombrer dans le chaos », a ainsi déclaré le ministre de la défense, le général Awad Ahmed Benawf, selon l’agence officielle Suna.

Toutefois, si les tensions venaient à s’exaspérer, l’armée serait contrainte de prendre position directement, notamment du fait de la pression populaire. En effet, c’est le quatrième jour de suite que des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le quartier général de l’armée pour réclamer le départ du président Omar Al-Bachir, en fonction depuis 1989, et appelant l’armée à prendre position.
Mais là encore, à l’image du processus qui se déroule en Algérie, l’armée pourrait se poser en arbitre d’un régime qui, derrière quelques concessions, allant jusqu’à se débarrasser du président (même si la situation n’en est pas là), ne feraient qu’ assurer la pérennité du régime, et ce contre les intérêts de la jeunesse, des femmes, travailleurs et classes populaires.


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