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Vers une escalade du conflit au Moyen-Orient ?

Syrie : Attaque à l’arme chimique et bombardement d’une base syrienne.

Bachar Al-Assad est accusé d'avoir de nouveau recouru à des armes chimiques dans la ville de Douma, dernier bastion tenu par des rebelles dans la région du Goutha. Le Gouvernement d'Al-Assad et son soutien Vladimir Poutine nient en bloc, qualifiant les accusations de Washington de désinformation. Dans la foulée, on apprenait qu'une base syrienne était frappée par un missile ; Moscou et Damas accusent Israël – qui n'a pour le moment pas répondu. Le risque d'escalade militaire dans une région particulièrement instable se fait de plus en plus probable.

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Rappel des faits

Attaque chimique du régime syrien

Douma, dernière enclave proche de Damas et tenu par les rebelles, subit depuis trois jours les bombardements massifs du gouvernement d’Al-Assad qui cherche à récupérer le contrôle de la ville. Cette fois, l’armée loyaliste est accusée d’avoir employé des armes chimiques, probablement du gaz sarin, dans la zone tenue par les rebelles. Les casques blancs de l’ONU, qui évoquent entre 40 et 70 morts, décrivent en effet des symptômes neurologiques caractéristiques des suites d’une attaque au gaz chimique.

Trump a immédiatement mis en garde – via un tweet – Bachar Al-Assad, le prévenant qu’il « paiera le prix fort » pour cette attaque. La tension entre Moscou et Washigton se tend un peu plus tandis que Donald Trump accuse la Russie et l’Irande soutenir « l’animal Assad ». Emmanuel Macron, qui est tout de suite entré en communication avec Donald Trump, s’est empressé de « condamner » les attaques,alors même que la France, au premier titre est responsable, du chaos dans la région, sous-produits monstrueux de l’impérialisme occidental.

Une base syrienne ciblée par un missile : la Russie et la Syrie accusent Israël

Dans la foulée, une base aérienne – la base dite T-4 – de l’armée syrienne, située à proximité de Douma, était la cible d’attaque de missiles, dont la Russie et la Syrie avancent qu’ils proviennent d’Israël – qui pour le moment ne s’est pas prononcé. La base, située à Tiyas, en plein centre du pays, est notamment utilisé par l’unité d’élite des Gardiens de la Révolution, une milice iranienne alliée du régime d’Assad. Par ailleurs, cette base fut précédemment visée par des bombardements israéliens suite à la perte d’une de leurs avions de chasse abattu par le Hezbollah. Moscou a de nouveau mis en garde Washington contre toute éventuelle escalade du conflit dans la région, qui pourrait mener à de graves conséquences au vu de l’équilibre précaire des rapports de force qui traversent la région.

Des rapports de force contradictoires dans la région qui peuvent mener à une escalade militaire

Une série de victoire qui renforcent le régime d’Al-Assad

D’une part, il convient de rappeler que c’est loin d’être la première fois que le Gouvernement d’Al-Assad a recours à une arme chimiqueet franchit la soi-disant « ligne rouge » maintes fois évoquée. En effet, malgré les indignations d’Emmanuel Macron, l’ONG Human Rights Watch a identifié 85 attaques chimiques depuis le début de la guerre civile syrienne – principalement à l’initiative des forces loyalistes.

Pourtant, ce que traduit surtout cette attaque à l’arme chimique par le régime d’Al-Assad, c’est l’évolution de rapports de force à la fois fluctuants et contradictoires. En effet, si Al-Assad se permet une telle attaque, au risque de s’attirer les ires de la communauté internationale, c’est bien parce que les rapports de force dans la région penchent en sa faveur. En effet, malgré les mises en garde de Trump, l’attaque au gaz chimique a permis à Al-Assad de forcer le front rebelle islamiste Jaish al-Islam à accepter un accord qu’il avait préalablement rejeté à la Russie, qui consiste à quitter la région pour les zones plus au au nord. Comme l’expliquait l’expert français Fabrice Balanche dans un entretien accordé à France24 :« Bien sûr qu’il [Bachar Al-Assad] a gagné, même si la victoire ne paraît pas éclatante et qu’une grande partie du territoire lui échappe encore. L’année 2012 a été décisive car l’insurrection n’a pas été capable de passer du stade de la guérilla de groupes isolés à une armée organisée avec un projet politique... Assad savait qu’il aurait le soutien de la Russie et de l’Iran jusqu’au bout, qu’il pouvait compter sur la fidélité d’un tiers de la population [les minorités, la bourgeoisie et certaines tribus arabes sunnites]. Il avait donc la base pour reprendre le contrôle du territoire petit à petit. À partir de la reprise d’Alep, fin 2016, il y a eu une accélération de la contre-insurrection. Dans quelques semaines, il va finir de reprendre ce qui reste d’enclaves rebelles autour de Damas puis il va négocier le nord de la Syrie. »

Cette série de victoire a galvanisé le régime syrien et lui a permis notamment de se dégager progressivement de la tutelle de Moscou quise retrouve alorsempêtré dans un conflit qui était censé lui permettre de s’imposer comme le médiateur de référence dans la région ; àtel point que l’ambition de la Russie semble mise en péril par la politique menée par Al-Assad. Comme le note le spécialiste du Proche-Orient Nikolaï Kozhanov dans des propos rapportés par Orient XXI :« En 2015, Moscou croyait vraiment que Bachar pouvait tomber dans les trois mois et que l’État allait totalement se déliter, ce qui inquiétait sincèrement le Kremlin je crois. Maintenant, la donne a changé, Assad a été remis en selle. Et c’est lui qui a désormais l’initiative.Les Syriens nous ont trainés dans la Ghouta-Est contre notre gré au fond. On est dans un cul-de-sac. »

Une instabilité marquée par le déclin de l’hégémonie américaine dans la région

Par ailleurs, malgré les remontrances du président américain, Al-Assad a bien calculé que le « prix fort » qu’il devrait payer (selon la menace de Donald Trump) était inférieur à celui d’avoir délogé les derniers rebelles de la ville. Car cette initiative n’aurait pas non plus été possible sans le déclin de l’hégémonie américain dans la région, dont la situation contradictoire en Syrie permet à l’axe Damas-Théhéran-Moscou de déployer une politique très agressive dans la région. En effet, malgré les déclarations tonitruantes de Trump sur un retrait rapide des troupes en Syrie, il apparaît peu probable que les Etats-Unis laissent les mains libres à la Russie et à l’Iran dans la région, surtout après la série de victoire du régime de Damas qui a récupéré presque l’intégralité de son territoire et la progression des turques près de Manbij.

Toutefois, une intervention unilatérale américaine, à travers une attaque de missiles sur des bases localisées, n’est pas à exclure. Donald Trump et son équipe de faucons voit en effet d’un mauvais œil la progression du régime d’Al-Assad en Syrie car cela renforce de fait l’influence l’Iran au Moyen-Orient.

Nouvelle attaque de missiles : la tension entre Israël et l’Iran à son paroxysme

Si l’attaque de la base syrienne par des missiles n’a pas été revendiquée par Israël, une base syrienne avait déjà été la cible d’attaque par des missiles israéliens le 10 février dernier alors qu’un avion de chasse israélien avait été abattu par des missiles syriens. Israël a bien saisi qu’il était de plus en plus difficile de compter sur le soutien de son allié américain qui adopte une politique de plus en plus en chaotique dans la région. En effet, face à la progression du régime d’Assad en Syrie, soutenu notamment par l’Iran, Israël craint effectivement la création d’un corridor iranien qui verrait son ennemi juré posté à proximité de ses frontières. Israël adopte donc de fait une politique de plus en plus agressive face à ce qu’elle considère être une menace directe. Comme l’indique Fabrice Balanche, spécialiste du Moyen-Orient : « Les Iraniens sont bien en train de construire leur corridor. Beaucoup d’officiels israéliens pensent que ça mènera inexorablement à un affrontement direct... D’une certaine manière, Tel-Aviv préfère encore la menace d’un groupe armé comme le Hezbollah à celle d’un État constitué comme la Syrie, surtout si Damas permet à l’Iran de s’installer durablement à proximité des frontières d’Israël ».

Face à cette perspective de voir un ennemi direct installer des bases près de son territoire, Israël adopte une politique éminemment agressive constituée de frappes préventives – toutefois, une escalade plus directe n’est pas à éviter, ce qui ne manquerait pas de mettre à l’épreuve la capacité des Etats-Unis à défendre militairement leur allié israélien. »

Cependant, la suite des événements, dépendra vraisemblablement bien plus des réactions des principales puissances impérialistes dans la région : Moscou et Washington.


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