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Etat policier

Tags, blocages, entraves à la circulation... : le Sénat vote l’extension des amendes forfaitaires

Adoptée le 18 octobre en première lecture par le Sénat, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur (LOPMI) prévoit notamment une extension importante de la procédure dite de l’amende forfaitaire délictuelle. Avec cette loi, les policiers seraient libres de nous condamner, en dehors de tout procès, pour de nouveaux types de délits tels que les tags, les blocages d’université ou les "entraves à la circulation".

Célia Mahrez

26 octobre 2022

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Crédit photo : AFP
Dans la continuité des dernières lois sécuritaires telles que la loi sécurité globale de 2021, le gouvernement entend avec la loi LOPMI renforcer le budget alloué à la sécurité de 15 milliards d’euros, qui serviront notamment à l’embauche de 8500 nouveaux policiers, ou encore acquérir une grande quantité de drones pour favoriser la surveillance de la population. Mais cette loi prévoit aussi un renforcement des pouvoirs policiers notamment en généralisant la procédure de l’amende forfaitaire.

Créée en 2016, les amendes forfaitaires délictuelles permettent aux policiers de prononcer une sanction pénale en dehors de tout procès. En plus du pouvoir de contrôler une personne et de constater un délit qu’elle aurait commis, l’idée est de doter la police de celui de juger immédiatement ce délit par le biais d’une amende forfaitaire, pouvant aller jusqu’à 3000 euros. Cette prérogative policière existe déjà depuis longtemps en matière de contravention, mais date de 2016 en matière de délits, c’est-à-dire pour des faits considérés plus graves et davantage susceptibles de faire l’objet de contestation. Surtout, les délits, contrairement aux contraventions sont inscrits au casier judiciaire accessible aux employeurs.

Avec cette procédure, le policier n’a qu’à dresser un procès-verbal pour condamner une personne. Dès lors, il est très difficile de contester ce type d’amende puisque ce procès-verbal fait foi jusqu’à preuve du contraire, et surtout c’est à la personne condamnée de faire la démarche de saisir la justice si elle souhaite se défendre, avec les frais que cela implique.

Au départ circonscrite aux infractions routières (conduite sans assurance, conduite sans permis), la procédure a ensuite été étendue à d’autres délits par une loi du 23 mars 2019 et concerne aujourd’hui une dizaine de délits, à savoir l’usage de stupéfiants, l’occupation illicite de terrain public ou privé, l’occupation des halls d’immeuble, ou la vente à la sauvette.

Dans les faits, comme l’a constaté l’Observatoire pour les Droits des Citoyens itinérants, les amendes forfaitaires pour installation illicite sur le terrain d’autrui ont, la plupart du temps, concerné les gens du voyage. En effet, alors que les personnes catégorisées « gens du voyage » ne peuvent vivre que dans les lieux autorisés spécifiquement, et que ces lieux sont en nombre largement insuffisant, ceux-ci n’ont pas d’autre choix que de s’installer sur des terrains non autorisés, souvent appartenant à autrui.

D’autre part, les amendes forfaitaires pour délit d’occupation illicite des halls d’immeubles ou pour usage de stupéfiant ont également conduit à renforcer et légitimer encore plus le harcèlement policier dans les quartiers populaires avec des confiscations illégales de biens par la police

Le projet de loi LOPMI visait initialement à généraliser l’amende forfaitaire délictuelle à tous les délits passibles d’une peine allant jusqu’à un an de prison, ce qui aurait conduit à l’étendre à pas moins de 3400 nouveaux délits ! Même le conseil d’État, pourtant pas réputé pour être très soucieux de la protection des libertés individuelles, s’était opposé à une telle généralisation en soulignant le risque inévitable d’arbitraire qu’elle ferait courir. Finalement, le Sénat a voté une extension à une dizaine de nouveaux délits notamment aux cas de tags, d’entrave à la circulation, ou d’intrusion dans un établissement scolaire, notamment. Pour ces trois délits, il s’agit concrètement de réprimer les mobilisations sociales et politiques.

Dans une période d’instabilité sociale et politique importante où les grèves et manifestations pourraient se faire de plus en plus nombreuses, les objectifs du gouvernement sont clairs. Il s’agit encore une fois d’affuter les dispositifs à la disposition des policiers, afin de faciliter la répression d’une partie de la population, en l’occurence les militants, les habitants de quartiers populaires ou les gens du voyage, et les travailleurs pauvres qui doivent vendre des biens à la sauvette pour subvenir à leurs besoins.

Alors que les moyens accordés aux policiers ne cessent d’être augmentés, et que le nombre de personnes tuées dans le cadre de « refus d’obtempérer » explose, l’ensemble de la gauche doit s’opposer fermement et sans ambiguïté à toutes les mesures de ce type qui visent à renforcer la présence policière dans l’espace public et à augmenter leurs pouvoirs de répression.


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