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Femme, travailleuse et militante

Témoignage : « Je dois être femme. Femme à tout faire. »

Nous relayons ci-dessous le témoignage de M., ouvrière et militante à la CGT, sur la cruelle réalité de ce que veut dire être femme, mère,travailleuse et engagée, dans un milieu presque exclusivement masculin, où le sexisme est à l'ordre du jour. Entre les remarques misogynes de ses collègues et celles de sa hiérarchie, M. décrit dans ce texte le quotidien de milliers de femmes travailleuses. Propos recueillis par Leire Izargorri

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Petite, je porte des jupes, car une petite fille doit porter des jupes. Je n’ai pas le droit de monter sur la moto de mon oncle, je porte des jupes ! Mon frère porte des pantalons, il a le droit.

Ça commence comme ça. C’est la première fois que je ressens une inégalité. Puisque c’est ainsi, je porterai des pantalons !

Trente ans plus tard, je porte toujours des pantalons, mais je n’ai toujours pas les mêmes droits que mes frères ! Je travaille depuis 12 ans dans une entreprise privée, privée… privée ??? Privée de mes droits ?

Pour le même niveau d’études et la même ancienneté, je gagne moins que mes frères. Pour le même travail, j’ai moins de reconnaissance que mes frères. Pour le même engagement social, j’ai moins de poids que mes frères.

Pour que la recette fonctionne, on mélange les ingrédients nécessaires :

  •  5 cuillères à soupe de réflexions misogynes :
    Un collègue à la machine à café : « Ta jupe n’est pas assez courte ! »
    Un responsable de département : « Ça te dit de venir dans ma décapotable à la pause déjeuner, faire du sport ? »
    Un collègue X : « Rrrrrrrrr… … … … rrrrrrrrrrrrrr… On se fait la bise hein ?!! »
  •  100 gr de pression syndicale :
    Un membre de Force Ouvrière (FO) : « Si tu veux être embauchée, il te faut prendre la carte FO. »
    L’adjoint responsable des ressources humaines, au moment de la signature du CDI : « Vous êtes bien sponsorisée j’espère ! Et ne vous trompez pas de syndicat ! »
    Un autre membre FO qui s’est rendu compte qu’il ne pourrait pas faire de moi un mouton FO, s’en va voir un de mes proches collègues et ami : « Je te conseille vivement de ne plus fréquenter cette fille au sein de l’usine, au risque de ne plus évoluer. »
  •  150 gr de pression hiérarchique :
    Mon supérieur : « Je pense que si tu rejoins la CGT, tu te trompes de syndicat et risques de ne pas évoluer. » Ça tombe bien, de toute façon, je n’évolue pas !
    Convocation par les ressources humaine + hiérarchie : « Comment se fait-il que ce soit vous qui vous occupiez de votre enfant lorsqu’il est malade ? Je vois que vous avez pris 4 jours pour enfant malade ces 6 derniers mois. Et pourquoi habitez-vous si loin ? (nb : J’habite à 40 km de l’entreprise, et comme beaucoup d’autres je n’ai pas les moyens de me loger dans une grande ville). Nous sentons que vous êtes en perte de motivation et nous nous inquiétons pour vous ! »

    On laisse mijoter le tout environ 6 ans et on obtient une bonne dépression !

    Je dois être employée modèle et modeste. Je dois être collègue aimable et souriante (mais pas trop). Je dois être efficace et compétente (mais moins que mes frères). Je dois être femme et mère – je suis mère et seule – je dois être douce et tenir le rôle du père. Je dois avoir du lien social et familial.

    Je ne dois pas m’indigner de ce monde et parler de droits de l’humain, et encore moins de la femme (trop extrémiste !).Je comprends que je dois être multi-face, multitâche et conformiste.

    Pour enfoncer le clou, le système me rattrape et l’annonce d’un PSE tombe dans mon entreprise. On licencie, on délocalise, on modifie des contrats de travail, on surcharge ceux qui restent…Pression, précarité, fin de mois compliquée.

    Moi qui pensais que le pire était derrière. La machine financière broie ceux qui se trouvent sur sa route, nos sœurs en premier. Le géant capitaliste, le méchant financier ; messieurs, à quand un peu d’humanité ?

    Je suis fatiguée d’être tout à la fois et rien à vos yeux.

    Votre monde, je vous le laisse, il est odieux.

    C’est décidé j’enfile ma robe et pars en moto, retrouver mes idéaux.


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