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Le COVID-19 depuis le Royaume-Uni

Témoignage. Pour Boris Johnson, « Keep calm and carry on »

Boris Johnson a été élu sur un seul mode d’ordre : « Get Brexit done ». Quatre mois plus tard, avec l’épidémie de Coronavirus, le Brexit n’est plus une priorité. Toutefois, il y a un point commun entre les deux crises : l’attitude du gouvernement du Royaume Uni.

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Crédit photo : capture d’écran Le 19.30 RTS

Pendant les longs mois du Brexit, Mr Johnson et ses amis nous ont clairement dit qu’on serait beaucoup mieux sans l’Union Européenne. Il a gardé cette même philosophie pour tacler le Coronavirus : le Royaume Uni le fera à sa façon.

Alors que le virus poursuivait son carnage en Italie, avec la France, l’Espagne, l’Allemagne pas loin derrière, les britanniques continuaient de faire comme si de rien n’était. La semaine du 10 mars, par exemple, le festival de Cheltenham, une course chevaux, a été maintenu, avec un public de plus de 60 000 personnes le 1er jour et 251 684 personnes pour la semaine.

Crédit photo : PA

Jusqu’à ces derniers jours, la stratégie de Mr Johnson, de ses ministres et de ses conseillers-experts contre le Covid-19 était en effet de parvenir à une « immunité collective » (on comprend mieux pourquoi le festival a eu lieu…) tout en protégeant les plus vulnérables.

Cette stratégie a une valeur froidement statistique et repose sur les principes suivants : sans vaccin, le virus se propage dans la population, mais si suffisamment de personnes développent une mémoire immunitaire, la maladie cessera de se propager, même si une partie de la population n’est pas immunisée. Toutefois, pour que cela fonctionne, il faudrait qu’une proportion signifiante de la population soit infectée et se soit déjà rétablie du virus !

Sir Patrick Vallance, le conseiller scientifique principal du gouvernement britannique, a expliqué le plan au début de la crise : « Notre objectif est d’essayer de réduire le pic [de nombre de cas], d’étaler la durée du pic, mais pas de le supprimer complètement. » « De plus, parce que la grande majorité des gens présentent des symptômes bénins, de développer une sorte d’immunité collective afin que plus de gens soient immunisés contre cette maladie. »

L’annonce de cette stratégie a été suivie d’une lettre ouverte, signée par 229 chercheurs et scientifiques, dans des disciplines allant des mathématiques à la génétique – mais aucun de ces « experts » n’étant un spécialiste de la propagation des maladies. Pourtant, dans cette lettre, ils proclamaient déjà que l’approche du Royaume-Uni mettrai le NHS (le Système National de Santé) sous un stress supplémentaire et « risqu[ait] beaucoup plus de vies que nécessaire ». Une analyse partagée par la Commission chargée du COVID-19 de l’Imperial College de Londre, qui, dans un document publié le 16 mars, estime que plus de 250 000 personne vont mourir si le gouvernement poursuit sa stratégie d’immunité collective.

Tout cela a conduit à la confusion et à des interrogations sur la stratégie du gouvernement, qui a longtemps insisté sur le fait qu’il était beaucoup trop tôt pur imposer des mesures plus strictes, le pic de la crise étant anticipé dans approximativement trois mois. La stratégie était donc de dire aux personnes ayant une température élevée ou une toux de s’auto-isoler pendant une semaine, ce qui devait avoir le "plus grand impact" dans la lutte contre le coronavirus.

Toutefois, à mesure que les données arrivaient des recherches en Chine ou en Italie, il est devenu clair que la stratégie d’immunité collective aurait un taux de mortalité trop important, et que le NHS, déjà fébrile, ne pourrait pas soutenir l’augmentation du nombre de cas et des malades graves. D’autant plus que les cas sont en explosion au Royaume-Uni : le 20 mars, on recense 3.983 cas de Coronavirus et 177 morts, avec une augmentation de 603 cas en 1 jour !

Sous la pression, le Premier Ministre a dû changer de tactique, tout en se refusant à aller aussi loin que d’autre pays européens. Dans sa dernière conférence de presse, Boris Johnson déclare : « Le Royaume Uni peut inverser la tendance sur la crise du Coronavirus en 12 semaines », à la condition que la population respecte les recommandations du gouvernement. Or, pour l’instant, ces recommandations restent limitées, et le gouvernement se refuse à mettre en place le confinement.

Les écoles n’ont fermé que le vendredi 20 mars, et ce n’est qu’hier que Mr Johnson a annoncé la fermeture des pubs, restaurants, discothèques, cafés, et centres loisirs. Les directives sont également différentes d’une nation à l’autre. Par exemple les centres de puériculture au Pays-de-Galles ont mis deux jours de plus à annoncer leur fermeture, tandis que les écoles et crèches restent partout ouvertes aux "travailleurs clé" et aux enfants vulnérables. Pour couronner le tout, les tests sont aussi limités : pour le moment, seuls les patients hospitalisés sont testés. Le Royaume-Uni ne fait actuellement aucun test de surveillance de masse ni ne recherche activement les personnes qui sont entrés en contact avec des cas connus, alors que cette stratégie a fait ses preuves, notamment en Corée du Sud.

Conséquence de la sous-estimation de la crise et de la stratégie de communication désastreuse du gouvernement, les Britanniques ont mis du temps à suivre les recommandations contre la propagation du virus et commencent à peine à prendre conscience de l’ampleur de la crise. Comme le souligne Adam Drummond, membre de l’institut de sondage Opinion, dansun article du Guardian : "le fait que seulement 42 % des sondés pensent qu’ils vont attraper le virus alors que, selon la stratégie du gouvernement, une proportion significativement plus importante va être infectée risque de conduite à un choc brutal pour une bonne partie de l’électorat". En s’affichant présomptueux et blasé, Boris Johnson et son gouvernement mettent ainsi en danger leur population.


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