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Gestion catastrophique de la crise

Tests. La stratégie du gouvernement largement insuffisante : il faut un dépistage massif ! 

« Au moindre doute, il faut se faire tester », déclarait ce mardi le professeur Salomon. Une déclaration qui tranche avec la politique de tests opérée depuis le début du confinement qui se limitait aux seuls « cas graves ». Une nouvelle politique qui reste cependant très loin du dépistage massif qui serait d’autant plus nécessaire à l’heure du déconfinement et d’une possible seconde vague épidémique.

Cléo Rivierre

21 mai 2020

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danielmarin/shutterstock.com © Crédit photo : destinationsante.com

C’est le discours de nombreux soignants. C’est aussi celui de l’OMS depuis des mois : il faut tester massivement. Pourtant, depuis le début de la crise, le gouvernement français n’a fait que repousser la mise en place de mesures préventives qui sont pourtant fondamentales en l’absence de vaccin : dépistage massif, suivi des contacts et confinement des personnes contaminées.

Après plusieurs mois de pénurie de tests, avec des promesses de stocks qui n’arrivaient jamais, et alors que Médiapart a révélé que le gouvernement avait attendu jusqu’à avril pour lancer une réflexion sur les tests, le gouvernement avait expliqué vouloir changer de doctrine pour le déconfinement. Édouard Philippe, dans son discours du 28 avril déclarait : « À la sortie du confinement, nous serons en capacité de massifier nos tests. Nous nous sommes fixés l’objectif de réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine au 11 mai ». Mais aujourd’hui, plus d’une semaine après le déconfinement, rien n’indique que cet objectif soit atteint – bien au contraire –, témoignant de l’impréparation du gouvernement.

Jérôme Salomon défend le bilan gouvernemental et s’en remet à la responsabilité individuelle

Alors que depuis le début du déconfinement, la question des tests était peu mise en avant par le gouvernement, Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, annonçait ce mardi soir la « stratégie française mise en place pour “briser les chaînes de la transmission de la maladie Covid-19” » selon Ouest-France. Le journal poursuit, détaillant cette « stratégie » : « les soignants pourront faire des tests sérologiques afin de savoir s’ils ont contracté le virus ces dernières semaines et s’ils ont donc développé une immunité. Ces anticorps apparaissent deux ou trois semaines après avoir contracté la maladie, mais on ignore pour l’instant si cette immunité protégera longtemps dans le cas du coronavirus. Ces tests par prise de sang seront proposés sur prescription et donneront droit à une prise en charge de la Sécurité sociale pour tous les soignants (hôpital, Ehpad, médecins de ville…). […] En dehors des soignants, le seul test qui sera prescrit, avertit Jérôme Salomon, c’est le test virologique. Ce test s’effectue avec une sorte de grand coton-tige qu’on introduit dans le nez du malade potentiel. Ces tests sont fiables, a assuré le professeur Salomon. Au moindre symptôme, il est indispensable de prendre rendez-vous avec votre médecin pour savoir s’il doit vous prescrire un test virologique. Et ainsi savoir si vous êtes contagieux pour votre entourage ».
Comme l’a très bien fait remarqué un journaliste présent lors de la conférence de presse du professeur Salomon, « Nous sommes loin des 700 000 tests hebdomadaires qui avaient été annoncés ». Mais pour masquer la gestion catastrophique de la crise par le gouvernement, Jérôme Salomon s’en remet à la responsabilité individuelle de la population : « Je compte sur le civisme des Français pour respecter ce processus. Le risque et la vitesse de propagation du virus ne sont liés qu’à nos comportements humains. Il faut se faire tester au moindre doute. J’en appelle donc à la responsabilité de chacun. Imposons-nous de respecter ces règles. N’appuyons pas sur l’accélérateur à la veille d’un week-end qui sera prolongé pour certains ».

Des déclarations scandaleuses lorsque l’on sait que l’ampleur prise par la crise du coronavirus est en grande partie due à la gestion catastrophique du gouvernement, y compris au niveau des tests de dépistage.

Une gestion catastrophique des dépistages

De nombreuses enquêtes dans différents médias montrent pourtant les nombreuses failles dans la stratégie gouvernementale à propos des tests. Une enquête de la Cellule investigation de Radio France, publiée le 11 mai, explique que non seulement il est très difficile de savoir combien de tests sont réalisés par semaine, mais aussi que selon toute vraisemblance, nous sommes encore très loin des 700 000 hebdomadaires :
« Pendant plusieurs semaines, lors de son point quotidien sur la progression de l’épidémie, le directeur général de la Santé, Jérôme Salomon, évoquait le nombre de tests réalisés, à l’hôpital et dans les laboratoires de ville. Puis cette mention a disparu…
En agrégeant les données publiques disponibles, 149 800 tests virologiques ont été réalisés la semaine 18 (du 27 avril au 3 mai 2020) en France. Très loin donc des 300 000 tests avancés par la direction générale de la Santé. Quant à l’objectif affiché des 700 000 dépistages hebdomadaires à partir du 11 mai, aucune donnée détaillée ne vient l’étayer.
Selon des chiffres disponibles sur le site de Santé publique France, depuis le 24 février, 831 174 tests virologiques ont été réalisés, à la fois dans les hôpitaux publics et dans les laboratoires privés de ville (respectivement 627 464 et 203 710). Un peu plus de 830 000 tests en 10 semaines d’épidémie quand on parle d’en faire 700 000 par semaine, on se dit qu’il va falloir mettre le turbo ! « 

Selon un article du Monde publié le 15 mai, « le flou persiste encore sur le nombre de tests effectués chaque semaine depuis le début de l’épidémie » – et cela est dû aux méthodes « artisanales » de remontées des chiffres. Malgré de nouvelles méthodes de comptage et de centralisation des données, la question principale reste la suivante : « est-on prêt à faire les 700 000 tests promis par le gouvernement ? ». Le journal précise : « Jean-François Blanchecotte, du Syndicat des biologistes, se veut “optimiste” mais pointe un “bémol” : “Si d’un seul coup une centaine de personnes était détectée positive dans une ville, il faudrait alors dépister les cas contacts, ce qui fait rapidement 2 500 personnes. Cela peut mettre en difficulté les laboratoires sur place.” De fait, dans une partie des laboratoires, le stock de matériel réactif ou d’écouvillons n’est que d’une semaine, ce qui reste insuffisant pour tenir une cadence élevée en cas de détection d’un foyer épidémique (ou “cluster”) ».

Selon un autre article du Monde, le problème principal est que les tests sérologiques, pour l’heure, ne permettent pas de déterminer si les patients sont immunisés ou non. Leur efficacité est donc limitée. De plus, « Si les tests sont disponibles et que chacun peut aller se faire tester dans un laboratoire en ville, ils ne sont pas encore remboursés ». Autres problèmes qui se posent : il faut évaluer les tests et les valider avant qu’ils soient commercialisés et remboursables. Si cette étape n’est pas respectée, comme c’était le cas aux États-Unis jusqu’à récemment, de très nombreux tests de mauvaise qualité peuvent se retrouver sur le marché. Or, en France, c’est le le laboratoire de virologie Bruno Lina et l’Institut Pasteur qui sont chargés de l’évaluation et de la validation des tests ; et selon le Monde, « l’Institut Pasteur, un organisme de recherche privé, a aussi été accusé de faire traîner les choses en longueur en raison d’un conflit d’intérêts patent : n’a-t-il pas lui-même mis au point des tests sérologiques ? »

Aucune confiance en Macron et son gouvernement !

Surtout, la gestion des tests jusqu’alors par le gouvernement, ne peut que nous obliger à remettre en cause ces nouveaux chiffres qui semblent intenables. De fait, entre les laboratoires qui ne pouvaient pas fabriquer des tests, l’impossibilité d’en faire pour les soignants dans les hôpitaux au début de la crise, et bien d’autres scandales, il est clair que le gouvernement n’a jamais bien géré cette question. Aujourd’hui comme hier, il continue de miser sur l’immunité collective et sur les mesures répressives, alors qu’aucune certitude n’existe sur le nombre de tests mis en place.

On le voit, si le confinement a permis de désengorger un peu les hôpitaux, cette mesure n’est absolument pas suffisante et n’est pas tenable sur le long terme. La volonté du gouvernement et des patrons de permettre au plus vite la relance de l’économie – et ce « quoi qu’il en coûte » en termes de propagation du virus –, et l’impréparation du gouvernement, ainsi que la casse de l’hôpital public et de la recherche depuis des dizaines d’années, mettent en danger de nombreuses vies, à commencer par celle des travailleurs et travailleuses en première ligne. On ne peut donc accorder aucune confiance à ce gouvernement pour mettre en place une réelle stratégie de tests massifs.


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