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Transports

Tisséo. Combien gagnent les dirigeants et élus qui taxent les salariés de « privilégiés » ?

Depuis plusieurs semaines, les travailleurs des transports toulousains luttent contre la casse de leurs salaires. Ils font face une direction qui méprise et menace les salariés qu’elle qualifie de « privilégiés » qui « devraient faire des efforts ». Mais qui sont les véritables privilégiés de Tisséo ?

Rafael Cherfy

27 mai 2023

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Tisséo. Combien gagnent les dirigeants et élus qui taxent les salariés de « privilégiés » ?

Crédits photo : Kevin B

Après trois journées de mobilisation massive, les salariés de Tisséo s’apprêtent à durcir la grève avec un appel à quatre journées de grève consécutives du 30 mai au 2 juin. En lutte pour défendre la « clause de sauvegarde », une mesure qui permet d’indexer leurs salaires sur l’inflation, les travailleurs des transports toulousains s’affrontent à une direction et des élus qui multiplient provocations, menaces et manœuvres pour casser la grève.

Plusieurs élus de la métropole, main dans le main avec le directeur Thierry Wischenewski avaient ainsi osé faire passer les salariés des transports toulousains pour des « privilégiés » dans une lettre à leur adresse le mardi 9 mai. Une accusation obscène de la part de personnalités qui, eux, sont de véritables privilégiés.

Un directeur et des élus aux revenus (très) confortables qui veulent mettre fin aux « privilèges » des salariés

Pour mesurer l’ampleur de l’hypocrisie, le salaire du directeur de Tisséo suffirait presque en lui-même. Selon les syndicats de l’entreprise, Thierry Wischenewski gagne plus de 15 000 euros par mois, le plaçant dans les 3,5 % de français qui gagnent plus de 6 000 euros nets par mois. Pourtant, celui-ci se permet d’expliquer sereinement aux salariés de Tisséo qu’ils bénéficieraient de « généreuses conditions de travail » avant d’affirmer qu’il faut maintenant « gérer l’entreprise avec rigueur ».

S’ajoute au palmarès Jean-Michel Lattes, troisième adjoint au maire de Toulouse et président de Tisséo Collectivités et Ingénierie, qui a tenu à alerter les salariés sur le fait qu’on « ne peut pas continuer cette course infernale aux salaires ». Mais si l’élu toulousain répond présent pour culpabiliser les grévistes et expliquer que « maintenir cette clause ne conduirait qu’à faire peser sur l’impôt local et faire payer aux contribuables les conséquences des hausses de salaires répétitives chez Tisséo », il semble oublier de remettre ses propres privilèges en cause. Celui-ci, grâce au cumul de ses fonctions, finit les mois avec un salaire qui dépasse 4000 euros (ce qui le place dans les 11 % de français qui gagne le mieux leur vie).

A leurs côtés, Serge Jop, maire de Saint-Orens de Gameville et vice président de la Métropole, a qualifié la suppression de la clause de sauvegarde de « proposition raisonnable ». Un mépris pour les salariés qui relève de l’indécence lorsqu’on connaît les conditions de vie de cet ancien colonel de l’armée française. En effet, l’élu profite actuellement de sa pension militaire à plus de 2 900 euros par mois à laquelle s’ajoute son indemnité de maire s’élevant à 2 616,59 euros bruts. De quoi profiter de quelques « privilèges » donc.

A l’inverse, les salariés de Tisséo sont loin de la vie de privilégiés que mènent ceux qui les dirigent. En effet, un conducteur de bus à Tisséo gagne entre 1 400 € nets par mois à l’embauche et peut espérer atteindre 2 100 € nets par mois en fin de carrière, comme le racontait Benjamin Bordères du syndicat Sud Transport en 2015. En bref, ceux qui font des métiers pénibles et essentiels sont qualifiés de « privilégiés » parce qu’ils « osent » se battre contre la casse de leurs salaires, par une équipe de direction et des élus aux salaires largement supérieurs au salaire moyen de la population. Après le mépris vient l’affront.

Contre une direction et des élus qui nagent dans leurs privilèges, pour une gestion des transports publics par les travailleurs eux-mêmes

Pour les élus de la métropole et le directeur de Tisséo, la logique est claire : il s’agit de faire payer la crise économique aux travailleurs. Et avec les salariés de Tisséo, les usagers sont eux aussi dans le viseur, avec une prochaine augmentation des prix qui va s’appliquer en juillet 2023.

Une politique austéritaire qui illustre la déconnexion des élus de la métropole avec la réalité du coût de la vie pour la majorité de la population. A l’inverse de professionnels de la politique qui prennent des décisions contre les intérêt des salariés et des usagers du transport public, les élus devraient être rémunérés au niveau des personnes qu’ils représentent, soit un salaire moyen d’ouvrier qualifié, avec des mandats courts et révocables par ceux qui les ont élus, si ces derniers considèrent que les élus ne respectent pas leurs engagements.

Mais face à une situation économique toujours plus dégradée, la gratuité des transports publics apparaît elle aussi comme une nécessité, non seulement d’un point de vue social pour les usagers qui subissent l’inflation grandissante, mais également parce qu’elle correspond à un impératif écologique. Une gratuité qui doit être financée par un impôt fort sur les grandes entreprises qui profitent au quotidien du réseau de transports permettant aux salariés de se rendre sur leurs lieux de travail.

Mais pour imposer la mise en place d’un vrai service public de transports de qualité, accessible à toutes et tous et qui répond à l’urgence écologique, on ne pourra pas compter sur une direction et des élus qui prennent des décisions à l’encontre des intérêts de la population. Seule une gestion des transports par les travailleurs du secteur avec le conseil et la participation des usagers permettrait d’atteindre cette perspective. Un moyen de se débarrasser des véritables privilégiés, et de leur mépris du même coup.


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