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Contre la réforme des retraites

Toulouse. Après le blocage des dépôts par des soutiens, l’entrée en grève des éboueurs ?

Depuis mercredi, différents dépôts des éboueurs de Toulouse sont bloqués grâce à la présence de jeunes et de salariés venus à l’appel des syndicats FO et CGT. Si les éboueurs ne sont pas pour l'instant en grève, la question de démarrer une mobilisation est au cœur des discussions.

Rafael Cherfy

2 avril 2023

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Toulouse. Après le blocage des dépôts par des soutiens, l'entrée en grève des éboueurs ?

Crédits photo : Révolution Permanente Toulouse

Alors que les grèves reconductibles contre la réforme des retraites commencent à connaitre des difficultés du fait de leur isolement, certains secteurs restés jusqu’ici en retrait du mouvement pourraient donner un second souffle à la mobilisation. C’est le cas des éboueurs de Toulouse, fortement encouragés par la population ces derniers jours avec la venue sur les dépôts de centaines d’étudiants suite à l’AG Interfac ainsi que de nombreux travailleurs.

Trois jours de blocages grâce aux soutiens sur plusieurs dépôts de Toulouse

Depuis mercredi, les poubelles ne sont plus ramassées à Toulouse dans la plupart des quartiers. Suite aux appels à la solidarité lancés par les syndicats CGT et FO de Toulouse Métropole, plusieurs dépôts d’éboueurs ont été bloqués dès mercredi matin grâce à des soutiens venus de différents secteurs de travailleurs et de la jeunesse étudiante et lycéenne : des dizaines d’étudiants, de lycéens, de cheminots et d’énergéticiens sont venus soutenir les éboueurs en tenant un blocage devant les dépôts.

Mercredi, la mobilisation débutait sur les dépôts de Monlong et du Raisin, puis elle s’est étendue vendredi au dépôt du Sang de Serp, bloquant ainsi l’accès de trois sites toulousains. Pendant les blocages, les éboueurs de la métropole prennent leurs postes et restent présents sur les sites, empêchés d’assurer leurs tournées sans pour autant être grévistes.

Après cette démonstration de soutien, une entrée en grève des éboueurs ?

Ces trois jours de blocage ont démontré l’ampleur du soutien de la population envers les éboueurs. Une solidarité qui n’a pas manqué d’impacter les travailleurs de la métropole, très remontés contre « une réforme des retraites qui va nous faire crever au boulot », comme le dénonçait l’un d’eux sur le dépôt de Monlong vendredi matin.

Depuis plusieurs années, les éboueurs font face à une dégradation importante de leurs conditions de travail. « Avec la fin du "fini parti" » et des tournées de plus en plus désorganisées, ça devient de moins en moins facile de bosser ici », nous confiait un ripeur. Mais la colère est encore plus profonde face à la perspective de travailler deux ans de plus, des prix qui explosent et un président qui passe en force des lois anti-sociales. Ce dernier élément est très présent dans les discussions sur les points de blocage, témoignant d’une colère très politique contre le gouvernement et son mépris pour les travailleurs.

Ainsi, au vu de la forte colère présente chez les travailleurs de la métropole et par suite de la démonstration d’un large soutien sur ces derniers jours, la question se pose d’entrer en grève. En ce sens, dès vendredi, les éboueurs ont majoritairement refusé de faire la journée du samedi, comptées en heures supplémentaires sur la base du volontariat. Les équipes prévues pour le samedi sont donc allées se désinscrire durant la matinée du vendredi.

Pour autant, le fait de se mettre en grève cette semaine est loin d’être acquis. Si une colère profonde existe chez les travailleurs, les syndicats se contentent pour l’instant d’appeler au blocage par des soutiens extérieurs, sans appeler directement à la grève, et ce alors qu’ils sont tenus de respecter un délai de 48h entre le dépôt du préavis et le début de la grève.

À ces hésitations de la part des syndicats s’ajoute l’appréhension, légitime, de se retrouver isolés. Le souvenir de la précédente grève contre la casse des conditions de travail, menée l’année dernière, agit à ce titre comme un véritable traumatisme : malgré la détermination des grévistes, les 50 jours de grève n’avaient pas abouti à une victoire contre la suppression du système de « fin parti ».

Mais la situation actuelle est très différente. Alors que, l’année dernière, les éboueurs avaient fait les frais d’une campagne réactionnaire menée par la mairie de Jean-Luc Moudenc pour entraver le soutien de la population, la présence de nombreux étudiants et travailleurs venus ces derniers jours devant les dépôts montrent l’ampleur du soutien dont ils pourraient bénéficier s’ils venaient à rentrer en grève dans la séquence actuelle.

De fait, une grande partie de la population soutient ouvertement le mouvement contre la réforme des retraites et souhaite sa radicalisation. De nombreux autres secteurs professionnels continuent à se battre contre le gouvernement. La très forte présence de la jeunesse sur les blocages ces derniers jours, appelés par l’AG Interfac à venir soutenir les éboueurs et à créer une véritable alliance avec les travailleurs, est également un facteur conséquent qui pourrait peser dans la balance. Les étudiants et lycéens pourraient en effet jouer un rôle important dans la construction d’un large front de soutien aux grévistes, notamment à travers l’outil de la caisse de grève.

Dans le même temps, la menace de supprimer la possibilité de travailler le samedi avec paiement en heures supplémentaires, ce qui engendrerait des pertes de plusieurs centaines d’euros de salaires, alimente l’idée qu’il faudrait garder des forces pour se mobiliser quand cette attaque tombera. Mais attendre la prochaine offensive de la Métropole pour se mobiliser constituerait une erreur : le contexte du mouvement national actuel est un terrain plus favorable qu’une lutte isolée, il pourrait décupler le rapport de force des éboueurs, appuyés par un soutien massif et des grèves dans d’autres secteurs.

Le durcissement de la grève dans le mouvement actuel et sa généralisation à d’autres secteurs pourraient en effet durcir le rapport de force à échelle nationale et permettre d’obtenir le retrait de la réforme, mais aussi plus, à commencer par la hausse des salaires pour l’ensemble du monde du travail ainsi que leur indexation sur l’inflation.

Dans ce sens, c’est le moment pour les éboueurs toulousains d’instaurer un rapport de force dur, par la grève, en revendiquant le retrait de la réforme et l’amélioration des conditions de travail : augmentation des salaires, embauche des contractuels, retour du « fini-parti ». La 6 avril prochain, onzième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, pourrait constituer un point d’appui pour démarrer la grève et inscrire le mouvement dans la durée.

En s’opposant à un discours qui cherche à séparer la question salariale de la réforme des retraites, les éboueurs toulousains pourraient faire la démonstration, à rebours du discours de l’intersyndicale sur l’épuisement du mouvement, que la colère est loin d’avoir disparu et que des secteurs de la classe ouvrière qui s’étaient tenus plus en retrait jusqu’ici sont prêts à entrer dans la bataille pour en découdre.

Développer les assemblées générales pour que les salariés décident de la mobilisation et des revendications

Dans tous cas, la suite de la mobilisation chez les éboueurs se joue avant tout dans le fait de pouvoir se saisir des décisions à prendre. Si le blocage des sites venait à continuer en début de semaine, les éboueurs seraient à nouveau réunis des matinées entières sur les dépôts. Une occasion de tenir des assemblées générales dans lesquelles chacun peut s’exprimer, qu’il soit ou non syndiqué, et décider par le vote des modalités de la mobilisation. Comme le résumait Rachid, éboueur du dépôt de Monlong syndiqué CGT, « On devrait se réunir entre agents pour savoir si on se met en grève pour pouvoir impacter cette situation »

Ainsi, l’organisation de la grève devient un élément crucial pour la semaine qui arrive. La présence de soutiens de la jeunesse et de secteurs en grève reconductible cherchant à généraliser la grève, comme les cheminots, sont des points d’appui essentiels dans cette perspective.

Si les éboueurs de Toulouse venaient à entrer dans la bataille contre la réforme des retraites, cela pourrait changer la dynamique du mouvement et montrer l’exemple à de nombreux secteurs qui ne sont pour l’instant que peu ou pas mobilisés. Alors que l’intersyndicale nationale a appelé à une prochaine une date tardive le 6 avril, appelant à mettre en « pause » la réforme par le biais d’une médiation avec le gouvernement, les secteurs en grève reconductible se retrouvent de plus en plus isolés : c’est le moment pour que d’autres secteurs rejoignent la dynamique, brisent cet isolement et redonnent un second souffle à la mobilisation.

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