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Racisme d’Etat

Toulouse. L’Université Paul Sabatier menace de mettre des mineurs étrangers à la rue en plein hiver

Depuis plus d’une semaine, environ 80 mineurs étrangers du collectif Autonomie occupent un bâtiment vacant situé sur le campus de l’Université Paul Sabatier. Le président de l’Université Jean-Marc Broto cherche à les expulser en plein hiver et n'hésite pas à mentir pour se justifier.

Arno Gutri

23 décembre 2022

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Crédits photos : Révolution Permanente

Le collectif Autonomie, qui réunit des militant.es et des mineurs isolés étrangers (MIE), se prépare à une nouvelle bataille. Expulsé de l’Ehpad des Tourelles occupé pendant deux ans, puis du campement installé aux allées Jules Guesde, le collectif est aujourd’hui menacé d’être expulsé du bâtiment 4R3 situé sur le campus de l’Université Paul Sabatier.

Depuis plus d’une semaine, environ 80 jeunes mis à la rue par le DDAEOMI (Dispositif Départemental d’Accueil, d’Évaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés), qui conteste leur minorité sur des fondements racistes, occupent ce bâtiment vacant.

Coups de pression et mensonge pour légitimer l’expulsion

Mercredi 14 décembre, alors que les jeunes ont entrepris d’informer Jean-Marc Broto, le président de l’Université, de leur présence afin de faciliter les conditions de leur occupation, celui-ci a multiplié les coups de pression afin de préparer l’expulsion. « Il nous a mis la pression pour nous faire peur », témoigne un militant d’Autonomie.

Premièrement, en menaçant de faire appel aux forces de répression si les jeunes ne quittaient pas le bâtiment le soir même, alors que légalement, l’expulsion nécessite une décision de justice. Deuxièmement, comme l’indique Autonomie dans un communiqué publié sur sa page Facebook, en fermant subitement un gymnase, seul lieu pour prendre des douches sur le campus. Enfin, en envoyant un mail mensonger aux étudiant.es et au personnel de l’Université. Celui-ci affirme hypocritement que « préoccupés par la sécurité des personnes », Jean-Marc Broto et l’Université, constatant « l’intrusion et l’occupation illégale d’un bâtiment » ne peuvent, « autoriser l’accès et l’occupation d’un bâtiment ». En cause ? La supposée présence de sources radioactives et une installation électrique vétuste.

Concernant la présence de sources radioactives, un militant d’Autonomie nous raconte avoir effectué les vérifications sécuritaires par du personnel qualifié avant d’occuper le bâtiment et n’avoir constaté aucun danger sérieux. La proximité de sources radioactives est également mise en doute par le syndicat CGT du personnel de l’Université dans un courrier envoyé au Comité régional spécial d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail des délégations régionales (CRHSCT). « L’Université a invoqué des risques, notamment électrique, nucléaire et chimique, présents dans le bâtiment. Nous nous étonnons de ces affirmations étant donné que le bâtiment a été curé et que les risques sont censés avoir été levés afin de permettre à l’entreprise de nettoyage de faire son travail dans des conditions de sécurité optimales », peut-on lire dans ce courrier.

Tout laisse penser que l’Université Paul Sabatier utilise un mensonge pour légitimer une potentielle procédure d’expulsion. Ainsi, Jean-Marc Broto et l’Université souhaitent couvrir leur réputation en mettant environ 80 mineurs étrangers à la rue en plein hiver… pour leur sécurité ! Une rhétorique fallacieuse déjà employée par la Mairie de Toulouse pour expulser les jeunes de l’Ehpad des Tourelles.

Des soutiens s’organisent

Dans le courrier mentionné, le syndicat ajoute : « La CGT est solidaire de ces jeunes et soutient leur installation dans le bâtiment 4R3 en l’absence d’une meilleure solution. » La CGT n’est pas seule à prendre parti pour les occupants : quelques jours avant les vacances scolaires, les soutiens se sont organisés pour venir en aide aux jeunes. Des étudiant.es, des professeur.es, des membres du personnel de l’Université, ainsi que des syndicats étudiants et du personnel sont venus apporter une aide matérielle et témoigner leur solidarité face à cette situation délétère. Celle-ci est la conséquence inévitable de la politique raciste menée par le Conseil départemental, à travers le DDAEOMI, qui met chaque semaine une dizaine de jeunes à la rue sans solution d’hébergement.

Plutôt que d’assurer un accueil et une prise en charge digne, l’Etat préfère laisser pourrir la situation qui voit se succéder mise à la rue, occupation et expulsion. Le collectif Autonomie et les associations qui assurent le suivi scolaire, juridique et médical des jeunes dénoncent régulièrement cette politique. « Du Conseil départemental, on espère rien. Il n’y a jamais eu aucune avancée depuis des années. Ce n’est pas normal qu’on se retrouve avec des jeunes qui sont dans le froid et qui ont faim », dénonçait Jennifer, membre de l’association TEC 31, lors d’un rassemblement organisé devant le Conseil départemental, mercredi 14 décembre.

Contre Darmanin et son monde

Plus largement, la situation des mineurs isolés de Toulouse s’inscrit dans un contexte d’offensive raciste et répressive menée par Darmanin. Une offensive légitimée par une rhétorique d’extrême droite employée sans complexe par Macron, faisant le lien entre délinquance et immigration. Cela s’incarne avec le projet de loi Immigration qui prévoit la facilitation des expulsions qui seront prononcées par OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Francais) dès la demande d’asile rejetée, la limitation des recours possibles en cas de rejet de la demande d’asile ou encore le renforcement du système pénal de la « double peine » pour les étrangers. A cela s’ajoute la loi Lopmi, récemment votée, qui renforce considérablement l’arsenal des forces de répression ou encore la loi dite « anti-squat » qui attaque davantage le droit au logement. Autant de mesures qui toucheront en premier lieu les personnes sans-papiers et les plus précaires.

Face à cette offensive réactionnaire, il est nécessaire d’apporter notre soutien au collectif Autonomie (une liste des besoins matériels est disponible sur leur page Facebook) et d’appeler notre camp social à se mobiliser en cas d’expulsion du bâtiment de l’Université Paul Sabatier. Plus largement, dans le sillage de la Marche des solidarités et des collectifs de sans-papiers qui s’est tenue le week-end dernier, nous devons revendiquer l’ouverture des frontières meurtrières, la régularisation de tous les sans-papiers, la réquisition des logements vides. Aussi, « contre Darmanin et son monde », il faut s’opposer fermement aux différentes lois racistes et sécuritaires, en particulier à la future loi Immigration.


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