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Ni garde-à-vue, ni garde-à-vous !

Toulouse. La mobilisation dans les facs et lycées comme détonateur ?

S’inscrivant dans la dynamique nationale, les lycées et les facs sur Toulouse continuent de se mobiliser malgré les répressions policières et académiques. Alors que le 11 février aura lieu une journée contre la précarité, l’élargissement de la mobilisation pourrait faire tâche d’huile et entraîner d’autres secteurs dans un second round de la bataille des retraites.

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Au niveau national, la mobilisation dans les lycées se poursuit, celle dans les facs s’amplifie

Dans le secteur de l’éducation, la mobilisation continue de s’étendre. Cette semaine s’est poursuivie la lutte des lycéens et enseignants, mobilisés depuis le 20 janvier contre les E3C, qui a permis la perturbation de ces épreuves dans de nombreux établissements. Partout en France, nombreux sont les lycées qui ont été bloqués par les lycéens, soutenus par leurs profs mais également par des grévistes de la SNCF et de la RATP, comme au lycée Angela Davis à Saint-Denis

Depuis le début des épreuves, ce sont 43 % des lycées qui ont été perturbés, et Blanquer, tout en affirmant que les « violences ont lieu aujourd’hui dans une petite minorité d’établissements », répond à ces mobilisations par la répression. En effet, dans une vingtaine d’établissements, c’est la police qui assurait le passage des épreuves, n’hésitant pas à gazer et matraquer toute forme d’opposition. S’ils subissent déjà la répression administrative, les lycéens se retrouvent désormais face à la menace de la garde à vue et depuis ce jeudi, au moins 24 élèves ont été interpellés. De même, comme l’annonçait le Rectorat de Toulouse, 6 profs risquent un an de prison et 7 500€ d’amende pour avoir « perturbé le bon fonctionnement des E3C »

Dans le milieu universitaire aussi, la tension monte de plus en plus. La Loi de Programmation Pluriannuelle de la Recherche (LPPR), a fait exploser la colère des différents secteurs de la communauté universitaire. Dans de nombreuses universités, plusieurs journées de grève ont été menées par les personnels et les enseignants chercheurs, notamment les précaires, qui ont également été à l’initiative d’actions cherchant à visibiliser leur lutte, mais aussi la précarité qu’ils subissent.

Suite à l’émergence de ces différentes initiatives, un collectif des « Facs et labos en lutte » a été crée, collectif qui a permis la tenue d’une coordination des facs et labos en lutte le week end du 1er et 2 février. Cette rencontre a notamment permis de fixer la date du 5 mars comme date de mobilisation nationale, en cherchant d’ici cette date à monter en température et renforcer les mobilisations déjà à l’œuvre dans les universités, et en insistant sur l’importance de la grève pour amplifier le rapport de force. Ainsi la Coordination a tranché pour un appel à une « grève réelle et effective » prônant toutes les modalités d’action empêchant le fonctionnement normal de l’université. La coordination s’est également prononcée contre la répression administrative et les pressions hiérarchiques.

Dans ce contexte d’ébullition dans les universités, le mouvement étudiant, qui jusque-là s’était fait remarquer par son absence, commence à rentrer dans la bataille. La journée du 6 février a été marquée par plusieurs blocages d’universités, à Montpellier, Lyon 2, Tolbiac, Paris 1, Paris 8,… mais aussi par des cortèges de jeunesse dans les différentes manifestations interprofessionnelles

Si les universités toulousaines n’ont pas été bloquées ce jeudi, elles s’inscrivent tout de même dans la dynamique nationale et cherchent également à faire entendre leurs voix.

A Toulouse la mobilisation à la fac du Mirail et à Sciences Po s’inscrit dans cette dynamique

A Sciences Po Toulouse, la mobilisation contre la précarité, le projet de loi LPPR et la réforme des retraites s’est poursuivie sous la forme d’une « semaine de la précarité » qui va se conclure la semaine prochaine avec la perspective, entre autre, de la journée nationale de lutte contre la précarité ce mardi 11 février, une date impulsée par la base à travers la « coordination nationale des facs et labos et lutte ».

Suite à une action réussie et médiatisée sous la forme d’une marche funéraire pour enterrer symboliquement la justice sociale et les services publics le 24 janvier, journée de mobilisation nationale et de présentation du projet de réforme des retraites au conseil des ministres, les liens tissés entre personnels, enseignants précaires et titulaires et étudiants se sont encore un peu plus solidifiés au travers d’actions visant essentiellement à mobiliser collègues et étudiants. Un comité de mobilisation commun regroupant personnels, enseignants et étudiants de la fac a permis d’organiser cette semaine de la précarité.

Des permanences à l’entrée de la cafeteria ont ainsi lieu chaque matin et vont se poursuivre dès lundi avec diffusion de tracts afin d’informer sur les raisons de la mobilisation. Un atelier « portrait de précaires » a été organisé, ainsi qu’un questionnaire afin de « libérer la parole » alors que la précarité à l’université chez les étudiants et personnels ne cesse de s’accentuer. Les enseignants mobilisés proposent par ailleurs des cours alternatifs permettant de discuter des questions de précarité et des réformes néolibérales successives des divers gouvernements. Mercredi un atelier banderole a permis aux étudiants de confectionner une banderole verticale de 4m sur laquelle était inscrit «  étudiant.e.s solidaires des profs et personnels en lutte / jeunes précaires – jeunes en guerre / ni garde-à-vue, ni garde-à-vous ».

Jeudi, ballons multicolores, cotillions, colliers à fleurs étaient de sortie. Un cortège festif composé des personnels et enseignants et des étudiants s’est élancé de Sciences Po pour converger à la manifestation, à 10h, à St Cyprien. Le cercueil était de nouveau de sortie, mais il s’agissait cette fois de balancer en son sein tout ce que l’on souhaite voir disparaître. Macron, l’impérialisme, le mépris de classe, la police ou la bourgeoisie ont fait partie de cette liste non exhaustive qui s’est étoffée tout au long de la manifestation. Au-delà de l’effet festif et visuel, un élément central pour la suite, les liens se nouent de plus en plus entre les précaires et étudiants du Mirail et de Sciences Po qui ont constitué un seul et même cortège ce 6 février.

S’ancrant de plein pied dans la « semaine de la précarité », lundi soir aura lieu une projection/débat des « petites mains invisibles » (voir bande annonce), film retraçant la lutte exemplaire et victorieuse des travailleuses et travailleurs précaires du sous-traitant ONET, secteur féminisé et racisé, en grève reconductible pendant 45 jours. Une lutte acharnée de ces femmes et ces hommes qui « ne sont rien », et qui se sont dressés et transformés en militants et militantes de leur grève. « On ne se connaissait pas, et grâce à la lutte, on est devenu une famille » dit par exemple Fernande Bagou. Lors d’une projection à Paris 8 en novembre dernier, l’une des anciennes grévistes s’était adressée en ces termes à la jeunesse : « Désormais on sait que sans lutter on n’aura rien. Vous qui êtes encore jeunes, il faut que vous vous battiez ». Le film devrait permettre d’échanger sur tout un tas de questions des plus actuelles : la précarité, le féminisme, les luttes antiracistes, la question de la grève et faire le lien avec la mobilisation actuelle.

A la fac du Mirail, des assemblées générales regroupant étudiants et personnels avaient été impulsées pour rejoindre la mobilisation sur la question de la précarité, et se sont étendues durant toute la mobilisation contre la réforme des retraites. Mais de nombreux cadres ont parallèlement émergés ces dernières semaines.

Lorsque la grève reconductible était encore à l’ordre du jour, des promotions entières de masters, comme le master de Nouvelle Economie Sociale (NES) ou celui de Genre, Egalité et Politiques Sociales (GEPS), s’étaient mis en grève. Ceux-ci ont depuis été rejoint par de nouveaux masters, comme le master d’archéologie et d’arts plastiques en se positionnant contre la réforme des retraites, tout en dénonçant les politiques néolibérales qui attaquent et précarisent les conditions d’études et de travail à l’université, notamment la suppression des places en masters.

La question des suppressions des places en master a refait surface ce mardi au Mirail, puisque les étudiants, qui devaient se réunir en Assemblée générale, ont été prévenu que le Conseil d’Administration qui se réunissait en parallèle allait voter la suppression de 132 places en masters. Cette nouvelle a poussé les étudiants à annuler l’AG pour aller envahir le cadre et empêcher que cette décision soit votée.

Seulement, les assemblées générales des étudiantes restent peu massives, et rencontrent des difficultés à agglomérer les différents secteurs en lutte sur l’université. Les enseignants-chercheurs ont eux impulsé des assemblées générales des laboratoires de recherche, dans le but de s’accorder sur des revendications communes. Ils sont également à l’initiative des AG d’UFR, permettant aux étudiants et enseignants de discuter dans un cadre plus restreint des moyens pour mettre en mouvement leur unité d’enseignement. C’est dans ces espaces que se sont exprimés des débats sur les modalités de la grève, certains préférant favoriser les cours alternatifs et les explications sur la réforme, et d’autres cherchant à s’ancrer dans le mouvement et rentrer dans la dynamique de grève, aux côtés du « collectif des précaires » de l’université.

Réunissant les personnels et enseignants précaires, ce collectif s’est mis en grève mardi 28 janvier, pour s’inscrire dans le mouvement de la « grève dure et active ». Ils ont mené durant cette journée, avec les bibliothécaires eux aussi en grève, différentes actions dans une ambiance combative, pour visibiliser la grève et dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail déjà fragiles : salaires non mensualisés et payés en dessous du SMIC pour les vacataires, contrats instables...

La nécessité d’élargir la mobilisation avec l’entrée du mouvement étudiant et des revendications offensives

Depuis, dans la perspective de la date nationale du 5 mars, les personnels et enseignants précaires se sont mis en grève ce jeudi, et ont appelé à une nouvelle journée de grève mardi 11 février, journée nationale de la précarité qui touche tant les personnels que les étudiants. Il a été ensuite été appelé une assemblée générale commune, par l’inter-orga des syndicats en lutte de l’université, mais à également par l’AG inter-labos. Cette AG commune représente un point d’appui pour cordonner étudiants, personnels administratifs, et personnels enseignants de l’université et de décider des moyens pour élargir la mobilisation notamment vis-à-vis des étudiants

Même si cela permet de poser les bases d’une lutte commune, il est nécessaire que les étudiants et les travailleurs inscrivent leurs revendications propres dans la mobilisation actuelle et se dotent d’un programme offensif, en s’organisant démocratiquement à la base, par des assemblées et coordinations, en dehors de la « démocratie universitaire » que serait celle du CA, qui n’est rien de plus que l’applicateur des politiques de privatisation macronienne. C’est dans la rue que la jeunesse doit combattre la précarité actuelle qu’ils vivent en exigeant un salaire étudiant à 1800€ financé par les cotisations patronales, et dénoncer la future précarité qui leur réserve la réforme des retraites en s’unissant dans la lutte avec les travailleurs contre le gouvernement et pour revendiquer un autre projet de société. Il est également nécessaire que les travailleurs revendiquent un programme offensif, en positif, face à la précarisation de leurs conditions de travail et de vie. En cela, les revendications votées par la « coordination des facs et labos en lutte » en faveur, par exemple, d’« un plan massif de titularisation et de création d’emplois statutaires » et d’« un salaire étudiant », et pour une « université émancipatrice et ouverte à tous » sont un réel point d’appui.

Si dans les universités, les différents secteurs en lutte continuent de construire la mobilisation en s’unissant et en l’élargissant, l’entrée du mouvement étudiant dans la bataille - secteur historiquement combatif- pourrait redonner un second souffle à la grève. L’effet d’entraînement que peut provoquer une mobilisation étudiante nationale est crainte par le gouvernement, qui a tout fait pour réprimer les prémices de mobilisation. Si la « coordination des facs et labos » existante devient un outil actif pour organiser la grève partout dans le pays, combattre la répression et porter un programme offensif cherchant à dépasser le calendrier des directions syndicales (à l’image de la coordination RATP-SNCF), il est possible que la mobilisation dans l’enseignement prenne un tout autre tournant entraînant les deux bastions de la reconductible (RATP et SNCF) et d’autres secteurs encore absents pour un deuxième round.


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