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Crise sanitaire

« Toutes les alertes ont été ignorées » : l’Allemagne affronte sa plus forte vague de covid-19

Alors que l’Europe est l’épicentre de la pandémie mondiale, l’Allemagne affronte sa plus forte vague de Covid-19 depuis le début de la pandémie. Hausse des cas vertigineuse, nombre de mort effrayant, hôpitaux prochse de la saturation, l’épidémie est hors de contrôle et la situation devenue catastrophique malgré les alertes de nombreux épidémiologistes.

Belkacem Bellaroussi

17 novembre 2021

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Crédits photo : AFP

Novembre a sonné le retour de l’épidémie de Covid-19 dans plusieurs pays d’Europe. Le continent est même redevenu l’épicentre de la pandémie comme l’a souligné au début du mois l’OMS. Plus particulièrement, l’Allemagne subit de plein fouet la reprise de l’épidémie. L’Institut Robert Koch, responsable du suivi de la progression de l’épidémie dans le pays, enregistre dans son dernier rapport plus de 35 000 nouveaux cas lundi 15 novembre, avec des régions du pays dépassant les 500 infections par jour et dépassant le seuil de 300 cas pour 100 000 habitants.

Situation sanitaire critique

« La vague à venir va éclipser toutes les vagues précédentes et faire plus de victimes qu’il n’y en a jamais eu », a commenté le ministre-président de Saxe Michael Kretschmer pour alerter sur cette cinquième vague.. La situation dans les hôpitaux se rapproche en effet du point critique. Le nombre de malades du Covid en soins critiques monte très rapidement : Le Monde note qu’ils étaient de 3200 lundi dernier, soit 1000 de plus qu’une semaine plus tôt, et il ne reste plus que 14% de lits disponible dans les services de soins intensifs. L’Allemagne qui avait, via des dépistages massifs, réussi à limiter (très relativement) le nombre de morts (97 000 décès), était jusque lors considéré comme un exemple de gestion sanitaire, en Europe.

La responsabilité de la situation allemande actuelle est la conséquence du refus du gouvernement, et de la classe politique de prendre en compte les nombreux signaux d’alerte lancés par des épidémiologistes. « Toutes les alertes ont été ignorées » expliquait Susanne Johna, présidente du syndicat des médecins rapporte le journal L’Express. Pire, pendant la campagne électorale, elle avait été accusée d’être « alarmiste ». De quoi préparer une nouvelle vague en l’absence de la moindre mesure de précaution.

En outre, les mesures restrictives visant à imposer de fait la vaccination ont démontré toutes leurs limites. En effet, le taux de vaccination complète reste très éloigné de l’objectif de 75% fixé par le gouvernement Merkel, un objectif déjà largement en deçà de ce qui serait nécessaire pour atteindre l’immunité collective. « Pour réduire la circulation du variant Delta, beaucoup plus contagieux que les souches précédentes, il faudrait atteindre un taux compris entre 85 et 90% de la population. Actuellement, l’Allemagne est insuffisamment vaccinée » constate l’épidémiologiste Philippe Amouyel.
Dans ce cadre, ce sont les régions les moins vaccinées qui sont le plus durement frappées. Par exemple, la Saxe dont la couverture vaccinale est faible avec 57% de vaccinés se distingue par une forte poussée de l’épidémie. Une situation instrumentalisée par le ministre allemand de la Santé Jens Spahn qui parle d’une « épidémie des non-vaccinés », dans une formule culpabilisante, qui oublie que les vaccinés contribuent aussi à l’épidémie par les contaminations en voies hautes avec une charge virale indistinguable des non-vaccinés.

Dans ce contexte, les hôpitaux allemands ne sont pas préparés à recevoir cet afflux de nouveaux patients dû à la propagation du nouveau variant « beaucoup plus contagieux que la souche d’il y a un an, même parmi les vaccinés » comme le rappelle Ralf Reintjes, épidémiologiste à l’université des Sciences Appliquées de Hamburg. Il explique aussi que les services de soins intensifs sont « beaucoup plus bondés qu’ils ne l’étaient il y a un an alors qu’il n’y avait pas de vaccins. Cette situation découle directement du départ d’un grand nombre de soignants excédés par la charge de travail à près de deux ans du début de la pandémie. »

Une crise sanitaire aggravée par la crise politique et les calculs électoraux

La situation épidémique en Allemagne n’a en réalité rien de surprenant si on la mesure à l’aune des mesures prises par ses gouvernants depuis quelques mois. Par exemple, depuis le mois dernier, les tests PCR ont été rendus payants suite à une décision du gouvernement Merkel qui entendait créer une pression pour pousser vers la vaccination, mais aussi par pur calcul électoraliste. Sur le plan sanitaire, la politique des tests payants, en plus de taper dans la poche des non-vaccinés pour imposer la vaccination par la voie autoritaire, a cela de problématique qu’elle a fait chuté le nombre de dépistages sans pour autant accélérer la vaccination en retour, comme le note le Courrier International. L’épidémiologiste Mahmoud Zureik le soulignait dans l’Express à propos la situation française : « Le déremboursement n’est désormais plus un argument pour inciter les récalcitrants à se faire vacciner : le nombre de tests baisse mais les nouvelles injections n’augmentent pas. ».

D’autre part, elle biaise totalement les chiffres de l’épidémie en sous-estimant l’ampleur de celle ci, favorisant ainsi la propagation du virus. Une catastrophe sur le plan sanitaire donc, mais une aubaine sur le plan politique dans la mesure où cela permet de faire croire à une maîtrise de l’épidémie via une baisse des cas positifs au Covid-19.

De nouvelles mesures jeudi

Énième signe de la crise politique qui secoue l’Allemagne et qui l’empêche de faire face à la situation, la réunion de crise entre le gouvernement fédéral et les dirigeants des 16 Länder, annoncée au départ le 11 novembre, aura finalement lieu jeudi 18 novembre. Elle se tiendra parallèlement à l’examen de la nouvelle mouture de la loi « protection contre les maladies infectieuses » qui devraient voir le Bundestag discuter de la batterie de mesure pour faire face à la forte poussée de l’épidémie. Cette loi devrait signer le retour des mesures sanitaires restrictives en Allemagne. Elle devrait par exemple prévoir un recours massif au télétravail et la généralisation de l’interdiction de certains lieux aux personnes non vaccinées, déjà en vigueur dans certaines régions.

Si Olaf Scholz nouveau chancelier en probation, annonçait de son côté l’ouverture de nouveaux centres de vaccination ainsi que la prise en charge des cas par les services de médecine intensive. Il est toutefois illusoire d’imaginer l’hôpital en état de faire face à cette nouvelle vague tant que les hôpitaux allemands manqueront de moyens, tandis que la poursuite de l’autoritarisme sanitaire pour imposer par vaccination continuera à se révéler contre-productive.


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