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Aéronautique

« Toutes les machines sont arrêtées » : les grévistes de Latécoère en reconductible contre les licenciements

Les salariés du site de Latécoère de Montredon sont en grève reconductible depuis le 12 avril contre les licenciements qui font suite à la délocalisation de certaines activités du site. Ce mercredi, ils appelaient à un rassemblement qui a réuni plus de 70 personnes devant le site du sous-traitant aéronautique.

Rafael Cherfy

20 avril 2023

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« Toutes les machines sont arrêtées » : les grévistes de Latécoère en reconductible contre les licenciements

Crédits photos : Révolution Permanente Toulouse

Le 25 janvier 2023, la direction de Latécoère a annoncé son intention de délocaliser une partie de son activité, notamment son « usine du futur » de Montredon inaugurée en 2018. En conséquence, près de 150 emplois sont actuellement menacés, après avoir déjà fait deux plans de licenciements ces dernières années, en 2016 et 2021.

Face à cette casse sociale, les salariés s’étaient déjà mis en grève le 15 février avec un rassemblement qui a réuni plus de 100 personnes devant le siège du sous-traitant aéronautique. Mercredi 12 avril, les travailleurs du site de Montredon sont entrés en grève reconductible pour dénoncer la casse sociale.

Après une semaine de grève, ils appelaient ce mercredi 19 avril, à un rassemblement de soutien devant l’usine qui a réuni 50 personnes. Ainsi, la CGT Airbus, les sous-traitants aéronautiques Mecachrome et les Ateliers de la Haute Garonne, ainsi que les députés France Insoumise Anne Stambach-Terrenoir et Christophe Bex étaient présents pour apporter leur soutien. Comme l’explique Simon Gazano, de la CGT Ateliers Haute-Garonne, « Aujourd’hui avec cette réforme des retraites (…) l’inflation à deux chiffres pour l’alimentaire, c’est important pour être entendus d’être tous solidaires ».

« La grève est majoritairement suivi (..) il y a pratiquement personne qui bosse dans l’usine, toutes les machines sont arrêtés donc il n’y a plus rien qui sort » assure Florent Coste de la CGT Latécoère à notre micro. Ce dernier dénonce une situation scandaleuse et avec une politique consciente de la direction pour casser l’emploi : « dans les années 90, Latécoère c’est une entreprise constituée d’une usine qui existe depuis les années 40 avec 800 ouvriers, aujourd’hui c’est une multinationale qui est implantée dans 10 à 15 pays dans le monde, et à Toulouse il reste plus que 600 salariés et en production il reste pratiquement plus rien ».

Une situation d’autant plus scandaleuse car l’installation de l’usine automatisée « 4.0 » de Montredon a été accompagnée d’une aide de 5,4 millions d’euros de l’État, d’un appui de 55 millions d’euros par la Banque européenne d’investissement et de 786.000 euros d’aide européenne accordée par la région Occitanie. Aussi, en 2016, le site de construction de l’usine a été bradé par la métropole de Toulouse (à 35€ le m²), ce dont Latécoère a profité pour réaliser une opération foncière juteuse en revendant le terrain au prix fort à un consortium bancaire.

Le sous-traitant aéronautique a donc été continuellement arrosé d’argent public ces dernières années mais l’État et ses collectivités ont accompagné la direction dans tous ses plans de casse sociale. Ainsi, avec leur lutte, les grévistes se battent pour leur dignité face à un patronat qui se gave d’argent public et supprime dans le même temps des emplois.

Un accord signé par FO et la CFE-CGC avec la direction rejeté par les grévistes

Cinq jours après le début de la grève, un accord GEPP (Gestion des Emplois et des Parcours Professionnels) pour « formaliser les conditions des départs des salariés » a été signé entre la direction et les syndicats FO et CFE-CGC, tandis que la CGT elle, a refusé de s’y associer. Un salarié nous résume la situation devant les portes de l’usine : « ils essayent de nous faire partir avant la délocalisation effective qui devrait arriver après l’été. S’ils arrivent à faire partir la plupart d’entre nous avant, ça leur éviterait de faire un plan de licenciement. Mais nous on veut pas partir, surtout avec l’accord bidon qui vient d’être signé ».

Stéphane Faget, le secrétaire du syndicat FO Latécoère, déclare au journal La Tribune que « des mesures d’accompagnement » ont été obtenues, notamment « pour les formations en interne, des projets personnels et pour ceux qui seraient susceptibles de partir vers d’autres entreprises ». Aussi il met en avant un « montant des indemnités (qui) varie en fonction de l’âge de 4.000 à 11.000 euros avec une prime complémentaire de 11 000 euros » arguant que « c’est bien supérieur à ce que la direction avait proposé au début des négociations ».

Pourtant, devant l’usine, des grévistes syndiqués FO nous confient « ne pas comprendre la décision du syndicat ». En effet, l’accord ne convient guère aux grévistes qui espèrent arracher de bien meilleures conditions de départ. Comme le dénonce Thierry, gréviste non syndiqué du site de Montredon, « l’accord a été signé à notre insu ».

Face à la grève qui continue malgré l’accord, la direction « commence à flipper »

Jusqu’ici la direction a méprisé les revendications des grévistes en ne donnant « que des miettes  » comme le résume l’un des ouvriers du site de Montredon. Cette dernière pensait qu’en signant l’accord GEPP ave FO et la CFE-CGC, la colère retomberait. Finalement c’est l’inverse qui s’est produit avec des grévistes encore plus remontés face à un accord qui ne satisfait aucun d’entre eux.

La grève perturbe fortement la chaîne de production aéronautique et la direction a finalement proposé une rencontre aux grévistes. La direction du groupe est même venue sur le piquet de grève ce vendredi matin pour « pour expliquer l’accord ». Les salariés mobilisés ont refusé de discuter dans ces conditions et veulent attendre pour rencontrer la direction dans les prochains jours en établissant une délégation votée en assemblée générale.

« On sent que la direction est sous pression, ça laisse entrevoir des possibilités de victoire à la fin » affirme Florent Coste. Ces premiers signes de faiblesse que donne la direction montrent que c’est par la grève que l’on peut arracher des avancées. Dans ce sens, plus que de meilleures indemnités de départ, il est encore possible de mettre en échec les plans de la direction de Latécoère. Pas un emploi ne doit être supprimé, pas une machine ne doit être déplacée.

Mais pour ce faire, il est urgent de poursuivre la construction du rapport de force par la grève tout en cherchant à ce que les grévistes soient entourés de soutiens et que la lutte dépasse les portes du site de Montredon. A l’image du rassemblement de ce mercredi, aller chercher la solidarité ouvrière d’autres travailleurs, à commencer par les travailleurs des autres sites du groupe Latécoère qui doivent entrer dans la bataille sera central pour empêcher toutes les suppressions d’emplois.

Plus largement, la nationalisation sous contrôle ouvrier de Latécoère reste la seule mesure capable d’enrayer la machine à licencier. Le patronat, le gouvernement et les politiciens locaux sont évidemment ouverts à négocier toutes les modalités tant que ce sont les travailleurs qui paient la crise. A l’inverse, c’est au patronat de payer la crise et aux travailleurs de reprendre leurs affaires en main !


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