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Transphobie d’État : le Conseil Constitutionnel confirme l’exclusion des hommes trans de la PMA

La loi relative à la bioéthique de 2021 qui a ouvert la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules est très critiquée par les associations LGBTI+, en particulier en ce qu’elle exclut la plupart des personnes trans de l’accès à la PMA. Une association pour les droits reproductifs des personnes LGBTI a saisi le Conseil constitutionnel pour contester l’exclusion des hommes trans ayant modifié leur sexe à l’état civil de l’accès à l’aide médicale à la procréation. Le Conseil a finalement décidé de consacrer l’inégalité dans la loi.

Matthias Lecourbe

8 juillet 2022

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Ce vendredi 8 juillet, le Conseil Constitutionnel vient de rendre une décision très attendue par les associations LGBTI+, mais malheureusement pas dans le sens espéré. Le GIAPS, une association LGBTI+ pour les droits reproductifs avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil à propos de la loi relative à la bioéthique de 2021. Cette loi, attendue pendant près de 10 ans, qui a finalement ouvert l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, était toutefois très critiquée en raison de reculs successifs au moment des discussions au Parlement qui a abouti à un texte assez décevant, ne tenant pas compte des revendications des intersexes et excluant totalement les hommes et les femmes trans ayant modifié leur état civil de l’accès à la PMA.

La loi bioéthique a donc fait l’objet d’une première question prioritaire de constitutionnalité concernant la discrimination opérée contre les hommes trans ayant modifié leur état civil quant à l’accès à la PMA. Face à cette question, le « Conseil des Sages » s’est contenté de constater que « la différence de situation entre les hommes et les femmes, au regard des règles de l’état civil, pouvait justifier une différence de traitement, en rapport avec l’objet de la loi, quant aux conditions d’accès à l’assistance médicale à la procréation ». En d’autres termes, le législateur était libre de discriminer entre les hommes et les femmes, sans que le Conseil ne juge seulement utile de développer la différence de situation objective qui justifierait une telle différence de traitement. Et pour cause, un tel examen aurait nécessairement mené au constat qu’un homme trans ayant fait modifier son état civil et disposant d’un utérus fonctionnel est tout à fait en mesure de bénéficier d’une aide médicale à la procréation, à ceci près que la loi l’interdit encore aujourd’hui.

Il faut rappeler que les personnes trans sont depuis longtemps la cible de politiques eugénistes de la part de l’État, qui a d’abord commencé par couper court à toutes les modifications d’état civil après un arrêt de la Cour de Cassation en 1975 en inventant un « principe de l’indisponibilité de l’état des personnes », puis, après une condamnation devant la Cour Européenne des droits de l’Homme en 1990, a fini par n’admettre les changements d’état civil qu’à la condition que les personnes trans demandant un changement de mention de sexe aient été stérilisées de façon irréversible.

Cette politique n’a pris fin qu’en 2017, là encore après une condamnation de la France devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour « traitement inhumains et dégradants », mais aucune disposition n’a été prise pour donner un régime légal à la filiation des personnes trans. Certaines personnes trans ayant changé d’état civil ont conçu des enfants « naturellement » - sans assistance médicale à la procréation - depuis 2017 mais, faute de cadre légal, certaines vivent un enfer juridique pour faire établir leur filiation.

Dans ce contexte, l’exclusion de la PMA d’une bonne partie des personnes trans – les femmes trans ayant modifié leur état civil ne peuvent pas non plus utiliser leurs gamètes pour participer à une PMA – s’inscrit dans la continuité de ces politiques transphobes qui relèveraient donc selon le juge constitutionnel de prétendues « raisons d’intérêt général ».

Cette décision montre toutes les limites d’un activisme juridique pour les droits des personnes trans, puisque les juridictions suprêmes ont montré à plusieurs reprises et viennent de montrer une nouvelle fois à quel point elles peuvent, en inventant ou en détournant des principes généraux du droit, perpétuer la transphobie d’État. Avant la loi de 2021, octroyant là encore la liberté au législateur de distribuer comme il l’entend les droits reproductifs et de filiation, le même Conseil Constitutionnel avait jugé que l’exclusion des lesbiennes de l’accès à la PMA n’était pas discriminatoire !

La question de déterminer ce qui constitue ou non une discrimination est une question politique. Même la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui a pu jouer historiquement pour un rôle moteur dans les droits trans en France, ne fait que censurer ponctuellement telle ou telle pratique, suivant toujours en dernière analyse, à l’issue d’une procédure excessivement longue, les revendications que les militants LGBTI+ avaient rendues incontournables. C’est avant tout par la lutte hors des institutions que se construit le rapport de force pour conquérir des droits, et cela d’autant plus que si l’exécutif macronien peut chercher à se donner une image LGBT-friendly comme il l’a fait en portant le projet de loi bioéthique un an avant les élections, il sera bien plus difficile de lui imposer des investissements pour rendre ces droits effectifs : bien des couples de femmes actuellement engagés dans un parcours de PMA en France doivent déchanter devant les délais des établissements de santé et devant les discriminations qui persistent.

Il n’y a par ailleurs aucune confiance à placer dans un gouvernement qui compte parmi ses rangs Gérald Darmanin qui a milité contre l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, ou encore Marlène Schiappa qui accepte de recevoir dans son cabinet des militantes transphobes. La PMA, c’est dans la rue qu’on l’aura !


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