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Un mouvement féministe en France divisé en parallèle d’une grève internationale

Trois manifestations pour les droits des femmes à Paris pour la semaine du 8 Mars

Nicolas-Marie Santonja La semaine dernière, à l’occasion de la Journée Internationale de Lutte pour les Droits des Femmes, se sont déroulées non pas une, ni deux mais trois manifestations en région parisienne. Cette journée du 8 mars 2017 avait ceci de spécial et unique : l'appel à une grève internationale des femmes. Une mobilisation coordonnée sous le signe de la solidarité entre les femmes du monde entier qui a été très suivie dans de nombreux pays notamment aux Etats-Unis (où l'arrivée au pouvoir de Trump menace les droits des femmes et des minorités de genre) ou au Mexique, au Brésil, en Argentine où un mouvement de masse avec le slogan "Ni Una Menos" est né suite aux féminicides et aux violences machistes que subissent brutalement les femmes en Amérique latine. Si les organisations syndicales, associatives et de jeunesse en en France ont répondu à cet appel, le féminisme en France, malheureusement aujourd’hui très éclaté et divisé, a finalement été peu audible de la rue cette année.

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Il y a d’abord eu le rassemblement place de la République, mercredi 8 mars, à 14h, suivi de la manifestation officielle, à 17h30, organisée par le Collectif National pour le Droit des Femmes (CNDF). C’est la manifestation dite « institutionnelle », c’est à dire organisée par les courants féministes rattachés pour la plupart au Parti socialiste. Cette année, sous la pression d’un appel à une grève à l’échelle internationale, à une « journée sans femmes », 35 organisations dont des syndicats tels que la CGT, FSU, Solidaires, se sont joints à la danse en appelant à une grève symbolique à l’heure de 15h40, heure où les femmes cesseraient d’être payées si on prend en compte les inégalités de salaire au travail. En réalité, peu de travailleurs et travailleuses ont finalement suivi cet appel mis en avant par les directions ​syndicales, qui ont malheureusement peu ou pas construit la mobilisation sur le terrain, dans les lieux de travail et d’étude, et ont limité le mouvement à l’échelle nationale, nous coupant de toutes les grèves parfois très suivies dans d’autres pays. Or, cet appel à « la grève pour l’égalité » ne pouvait être que symbolique, et ouvrait sur peu de perspectives stratégiques en matière d’auto-organisation des femmes sur leurs lieux de travail, et de visibilisation de la réalité des conditions de vie et de travail des femmes. De cette « double journée de travail » qui pèsent sur elles dans cette société ,les femmes étant celles qui sont assignées majoritairement au travail domestique, aux tâches ménagères ou encore à l’éducation des enfants, dans leur foyer (à travers le travail reproductif, le travail du « care », comme on désigne les tâches ménagères et familiales accomplies pour la plupart gratuitement - ce qu’on nomme parfois la « double journée de travail » de la femme). C’est finalement plusieurs milliers de personnes qui ont manifesté de République à Opéra ce mercredi en fin d’après-midi.

Puis, à 19h30, s’est déroulée une manifestation de nuit, rassemblant une frange du féminisme revendiquant un visage plus radical, sans direction ni organisation officielle néanmoins. Plus revendicative sur les questions peu ou pas prises en charge par la manifestation officielle, à propos notamment de la prostitution, des questions LGBTIAP*, ou encore à propos du voile, la manifestation est allée de Belleville à Opéra en passant par République, scandant notamment de très nombreux messages contre la répression et les violences policières (dans l’assemblée manifestaient d’ailleurs plusieurs militants et groupes autonomistes revendiquant l’affrontement direct avec les forces de l’ordre). On a ainsi pu entendre l’habituel « Flics, Porcs, Assassins », des rappels enflammés de la colère qu’a provoqué l’affaire Adama, ou l’affaire Théo, et le lapidaire « Un viol, une balle, justice sociale ! » Une convergence donc, peu habituelle, mais très juste, du mouvement féministe avec certaines des revendications des quartiers dits « populaires », malheureusement peu organisée et dédaignée des médias. Une convergence peu habituelle qui s’explique par le contexte de tensions importantes contre les violences policières et l’impunité de la police suite au viol de Théo et au meurtre d’Adama ces derniers mois. Une convergence juste d’une partie du mouvement féministe qui tient à afficher un profil anti-raciste, anti-impérialiste et à s’opposer aux politiques répressives de l’Etat français.

Finalement, une troisième manifestation a eu lieu, quelques jours plus tard, le samedi 11 mars, organisée par le collectif Femmes en Lutte 93, qui organisaient tous les ans un rassemblement, et qui se sont décidées cette année à doubler ce rassemblement d’une manifestation. Ce fut donc quelques centaines de personnes qui défilèrent dans les rues de Saint-Denis, le lieu étant volontairement choisi pour aborder d’emblée les revendications des quartiers populaires, des femmes migrantes et sans papiers, et la situation de prisonnières politiques d’autre pays. L’association de femmes musulmanes Lallab ouvrait le cortège avec fierté, revendiquant leur combat anti raciste et anti sexiste, donnant la parole à des femmes voilées qui ont habituellement peu la parole sur les questions féministes. C’est donc sur cette troisième manifestation que la semaine du 8 mars s’est conclut.

Nous ne pouvons qu’espérer que la prochaine Journée Internationale de la Lutte pour les Droits des Femmes et des minorités de genre saura faire émerger une convergence de tous ces fronts féministes en France, autour d’un appel à la grève concret et prometteur d’une réelle auto-organisation des femmes et des minorités de genre avec la classe ouvrière, d’une perspective de lutte révolutionnaire pour renverser le système patriarcal et capitaliste, convergence et perspectives si nécessaires en cette conjoncture politique où les attaques réactionnaires pleuvent chaque jour contre les droits et les libertés des femmes et des minorités de genre.


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