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États-Unis

Trump banni par Twitter ? Les grands capitalistes ne seront jamais des alliés contre l’extrême-droite !

Si les réseaux sociaux ont toujours servi de tribune au discours réactionnaire de Trump, les mesures prises par les capitalistes sous couvert de lutte contre l'extrême-droite se retournent toujours contre le mouvement social et les classes populaires.

Mahdi Adi

13 janvier 2021

Facebook Twitter

Le 8 janvier, le compte de Donald Trump se retrouvait bloqué sur Twitter, à l’instar de ses comptes Facebook, Instagram et Youtube. Une mesure prise par Twitter suite à l’attaque du Capitole deux jours plus tôt. En effet, le 6 janvier à l’appel du président américain, des manifestants pro-Trump prenaient d’assaut le siège du Congrès américain au moment où les parlementaires devaient officialiser l’investiture de Joe Biden.

Dans un communiqué, Twitter a donc expliqué avoir bloqué le compte @realDonaldTrump pour l’empêcher d’« inciter à la violence ». Avant que le Washington Post, dont la ligne éditoriale est proche de l’appareil du Parti Démocrate, justifie cette mesure par le risque d’une nouvelle attaque « contre le Capitole et les installations gouvernementales, le week-end prochain ». Pourtant comme le souligne le média américain d’extrême-gauche Left Voice, Donald Trump n’a fondamentalement pas modifié ni le contenu ni la forme de sa communication, foncièrement raciste, sexiste et réactionnaire, qu’il déverse sur les réseaux sociaux depuis le début de son mandat.

Qu’est-ce que la fermeture du compte Twitter de Trump par le géant du numérique signifie pour le régime américain ?

En somme, la passe d’arme entre Twitter et le président américain exprime les contradictions qui s’exacerbent entre deux ailes de la bourgeoisie impérialiste américaine. L’une d’avantage protectionniste et tenante de méthodes plus dures pour défendre les intérêt de la première puissance mondiale, incarnée par la slogan de Donald Trump « America First », et l’autre plus encline à une gouvernance de type soft power à coups de grands discours hypocrites sur la défense de la démocratie pour rétablir l’hégémonie américaine dans le monde. Ni Trump ni Biden ne représentent à ce titre les intérêts des travailleurs et des classes populaires.

D’un côté le bilan de Donald Trump à la Maison Blanche peut se résumer à la répression extrêmement brutale du mouvement Black Lives Matter, l’appauvrissement des travailleurs et des classes populaires avec une crise économique mondiale historique, l’absence d’investissement dans le système de santé public qui fait des États-Unis un des pays les plus durement touché par la pandémie de Covid-19, ainsi qu’une politique résolument sexiste, anti-immigrés, et anti-écologique avec la déréglementation de l’exploitation du gaz de schiste pour les grandes entreprises de l’énergie, ou encore le soutien à Jair Bolsonaro au Brésil et à Juan Guaido au Venezuela. De l’autre, l’élection de Joe Biden ne présage rien de bon non plus pour notre camp social, vu la proximité du nouvel élu avec Wall Street et la réintégration à l’appareil d’Etat des fonctionnaires ayant servi sous la présidence de Barack Obama ou de Bill Clinton afin de restaurer le statu quo.

Lutte contre « la haine » : carte blanche aux plateformes du numérique pour censurer sur internet

Toutefois la décision du réseau social de censurer le président américain inquiète. Non pour le sort réservé au compte de Donald Trump en tant que tel, qui a maintes fois tenu des propos racistes et sexistes via ce canal, mais pour ce qu’il présage vis-à-vis de la censure des militants des mouvements sociaux, de la gauche et de l’extrême-gauche. En effet, rappelons que Twitter compte plus de 326 millions d’utilisateurs et est devenu un des leaders mondiaux dans son secteur. Avec un résultat net de 1,47 milliards de dollars en 2019, l’entreprise fait partie d’un oligopole aux côtés de Facebook et Google qui a la main mise sur le partage et la diffusion d’information sur internet.

Si aujourd’hui Twitter a recours à la censure contre le président américain, qui défend en dernière instance les intérêts des grandes entreprises capitalistes, en prétendant lutter « contre la haine », qu’en sera-t-il des militants anti-racistes qui ont manifesté dans le cadre du mouvement Black Lives Matter contre les violences policières et le racisme d’État ? Les règles fixées par les multinationales du numérique sont d’ailleurs déjà à géométrie variable. Les personnes LGBT, racisées et issues de groupes opprimés sont bien souvent victime de véritables campagnes de harcèlement sur les réseaux sociaux, tandis que la dénonciation du patriarcat ou du racisme sont bien souvent qualifiées de « discours haineux » passible de censure par la plateforme.

De la même manière, les posts de soutien au président turc Recep Tayyip Eerdogan sont autorisés alors que ceux qui défendent le peuple kurde sont censurés sur les réseaux sociaux. En ce qui concerne Facebook, Mark Zuckerberg a pendant longtemps autorisé les propos négationniste concernant l’holocauste, avant de les interdire subitement sans donner plus d’explication. Ces règles fixées en toute opacité sont par ailleurs appliquées par des dizaines de milliers de « modérateurs », exploités dans des ateliers numériques bien gardés, qui ne bénéficie guère du droit du travail. En fin de compte, laisser la possibilité aux grandes entreprises du numérique de censurer les contenus partagés revient à donner carte blanche à une minorité de grands patrons pour décider ce qui peut être publié ou non en fonction de leurs intérêts économiques, politiques et idéologiques.

Légiférer pour mieux censurer : lorsque les gouvernements veulent avoir leur mot à dire et mettre les réseaux sociaux au service de leur politique autoritaire

Suite à la fermeture du compte Twitter de Trump par la plateforme, plusieurs responsables politiques ont pris la parole. Angela Merkel a par exemple jugé « problématique » la mesure prise par Twitter et les différents réseaux sociaux ayant banni le président américain. Le porte-parole de la chancelière allemande, Stefen Seibert, a expliqué qu’« il est possible d’interférer dans la liberté d’expression, mais selon les limites définies par le législateur, et non par la décision d’une direction d’entreprise », avant d’ajouter que si les plateformes « ont une très grande responsabilité » et « ne doivent pas rester sans agir » face aux contenus appelant à la haine ou à la violence, il reviendrait à l’État de « définir un cadre dans lequel la communication sur les réseaux sociaux puisse se faire ».

En France plusieurs ministres du gouvernement sont montés au créneau avec la même ligne. Sur FranceInfo, la ministre de la transition écologique a indiqué « comprendre » la décision de Twitter et des réseaux sociaux de fermer le compte de Donald Trump pour « dire stop », mais a affirmé : « on doit avoir des processus démocratiques pour réguler le fonctionnement des plateformes et des réseaux sociaux, et ça, ça doit faire l’objet de débats politiques. (...) La norme ne peut pas être qu’un réseau social décide de lui-même de couper tout seul ». De son côté, le ministre de l’économie s’est montré plus ferme en déclarant sur FranceInter que « la régulation des géants du numérique ne peut pas se faire par l’oligarchie numérique elle-même », ajoutant « elle doit se faire par le peuple souverain, par les États et par la justice ».

Sous couvert d’un discours de défense de la démocratie face au pouvoir des plateformes numériques, les gouvernements et en particulier la macronie en France, cherche à justifier les lois liberticides qu’ils veulent mettre en place pour contrôler la diffusion et la partage d’information sur internet. Ainsi la loi Avia adoptée le 13 mai dernier par l’assemblée nationale prévoyait de permettre à la police d’intervenir pour supprimer des contenus jugés « haineux » sur internet. Un cadre juridique flou qui permettrait d’amplifier la censure contre l’opposition au gouvernement sous couvert de « lutte contre la haine en ligne ».

La Quadrature du Net expliquait ainsi que « ce pouvoir « de fait » de la police a déjà été dévoyé à des fins de censure politique. Dernier exemple en date : en réponse à une demande CADA de La Quadrature du Net, la police a expliqué avoir signalé à Google le 13 janvier 2019 une image caricaturant Emmanuel Macron sous les traites du dictateur Pinochet. Dans les documents transmis, le signalement est enregistré dans la catégorie « injures et diffamations xénophobes ou discriminatoires ». Cette qualification, en plus d’être une aberration juridique, entre exactement dans le champ des infractions que la PPL Avia imposera de retirer en 24h ».

Face au tollé provoqué par de telles dispositions, le conseil constitutionnel avait finalement décidé de retoquer la loi le 18 juin en retirant les mesures phares telles que l’obligation des médias sociaux à réagir aux demandes de suppressions émanant de la police, à une heure pour les contenus relatifs au terrorisme, et 24h pour les cas d’appels à la haine ou de harcèlement. Mais loin de s’arrêter là, le gouvernement a décidé en décembre d’intégrer un certain nombre de ces mesures à la loi « contre les séparatismes », rebaptisée projet de loi « confortant le respect des principes de la République ». Sous prétexte de lutte contre le terrorisme au lendemain de l’assassinat de Samuel Paty, le texte de loi prévoit notamment la création d’un « délit de mise en danger de la vie d’autrui via la divulgation d’informations personnelles sur Internet », une modification du Code de procédure pénale afin de juger plus rapidement les auteurs de contenus jugés « haineux », ainsi que le contenu initialement intégré à l’article 24 de la loi Sécurité Globale qui vise à pénaliser la diffusion sur internet de « l’image du visage ou tout autre élément d’identification » de policier en intervention.

Face à l’extrême-droite, aucune confiance pour les grandes entreprises du numérique et les gouvernements : c’est à notre camp social de construire la riposte dans la rue !

Aux États-Unis comme en France, les grandes entreprises du numérique et les gouvernements prétendent lutter contre l’extrême-droite quand cela les arrange. Pourtant, c’est bien la politique néo-libérale du Parti Démocrate qui a permis à Trump d’accéder au pouvoir et d’encourager le développement des idées réactionnaires portées par les manifestants qui ont pénétré dans le Capitole la semaine dernière. Tandis que dans l’hexagone Macron joue délibérément sur le terrain de l’extrême-droite en stigmatisant les personnes musulmanes ou présumées telles sous prétexte de lutte contre le terrorisme, afin de se projeter dans un second tour face à Marine Le Pen aux présidentielles de 2022.

Par ailleurs, les entreprises qui détiennent les grandes plateformes de réseaux sociaux sont quant à elle incitées dans le cadre de leur course aux profits, à promouvoir les contenus complotistes et d’extrême-droite à destination de leurs utilisateurs. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas faire confiance à une poignée de grands capitalistes pour réguler les contenus postés sur internet, et que ces médias devraient être socialisés sous contrôle des travailleurs et de la population.

De plus, l’histoire montre que laissés entre les mains des capitalistes sous prétexte de lutte contre l’extrême-droite, la censure et les mesures autoritaires finissent toujours pas se retourner contre les travailleurs, les classes populaires et les opprimés. Pour lutter véritablement contre l’extrême-droite, le racisme et le sexisme, c’est en faisant front dans la rue avec toutes les organisations se revendiquant du mouvement ouvrier et des quartiers populaires qu’il faudra construire la riposte, en toute indépendance des grands capitalistes et contre les politiques liberticides de Macron qui s’attaquent au droit de manifester et aux militants du mouvement social, et contre les politiques anti-sociales de Biden aux États-Unis.


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