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le sultan Erdogan, en campagne

Turquie : Ordre, religion, patrie, c’est reparti pour un tour !

Après la démission de son premier ministre, en pleine offensive militaire contre le mouvement kurde, l'hyperprésident Erdogan repart en campagne pour mener à bien son projet de présidentialisation du régime. Sur fond d'une offensive nationaliste, en interne, comme en externe, Erdogan, le sultan, désormais seul aux commandes, va tout faire pour passer la réforme constitutionnelle à laquelle il s'accroche, tout autant qu'à son pouvoir, depuis 2015. Nina Kirmizi

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Il y a presque un an, aux élections du 7 juin 2015, la majorité parlementaire échappait pour la première fois depuis 2002, aux mains de l’AKP, mettant de fait en échec le projet d’Erdogan de faire passer une réforme constitutionnelle visant à renforcer ses propres pouvoirs, ceux du président. Pour la première fois également, le HDP, parti pro-kurde faisait son entrée au parlement. Cette défaite de l’AKP a été le point de départ d’une offensive à la fois politique et militaire pour décrédibiliser et criminaliser le mouvement kurde qui dure jusqu’à ce jour. Stratégie de la tension, guerre civile ouverte à l’encontre des bastions du PKK situés à l’Est de la Turquie, attentats couverts ou orchestrés contre la gauche, le boucher Erdogan s’est montré prêt à tout pour rester aux manettes. Débutée à l’été 2015, cette stratégie de la tension, ne s’est pas arrêtée avec la réélection d’une majorité parlementaire de l’AKP en septembre dernier.

Mais la démission d’Ahmet Davutoglu, reconduit en septembre dernier comme premier ministre, révèle à quel point Erdogan est parvenu à reprendre la main, y compris au sein même de son propre parti. Il a désormais les mains libres pour mener, ce qui était déjà sa principale bataille dans la campagne de 2015, et à laquelle une partie de l’AKP s’opposait : la réforme constitutionnelle et le passage d’un régime parlementaire en un régime présidentialiste, où il aurait alors des pouvoirs bien plus étendus. « A ce stade, il n’y aura pas de retour en arrière. Tout le monde devrait l’accepter désormais », a-t-il estimé.

Séduire les « frères kurdes, croyants, pieux et vertueux »

Le voilà donc reparti en campagne. Et c’est vers la population kurde, qu’étonnement, il s’est tourné durant ces derniers jours. Après les attaques à l’encontre des députés du HDP, les assimilations du mouvement voire de l’ensemble de la population kurde à des « terroristes » de Daech, Erdogan cherche à rejouer la carte de la religion pour semer la division au sein de la population kurde. De passage à Diyarbakir, ville à majorité kurde située au cœur du Sud-est de la Turquie, secouée depuis près d’un an par la reprise des combats entre l’armée turque et les militants du PKK, il a dénoncé « l’athéisme du PKK », invitant les « nos frères kurdes croyants, pieux et vertueux » à prendre leur place « dans cette lutte jusqu’à la fin » contre le PKK. Une stratégie assez semblable à celle menée lors du processus de paix, consistant à une cooptation des élites kurdes et une séduction de son électorat conservateur par l’AKP sous l’apanage d’un islam unificateur. Après un an de guerre et de stigmate envers la communauté kurde, la partie s’avère plus difficile.

La carte religieuse, ce n’est pas seulement vis à vis des kurdes qu’il la décline, mais bien face à l’ensemble de l’électorat turc dont il flatte tous les élans les plus réactionnaires. On connaissait son avis sur la fécondité – pas moins de trois enfants par femme -. Là non plus, le sujet n’est pas épargné par la surenchère du sultan Erdogan : « aucune famille musulmane ne peut accepter la contraception », appelant ainsi les mères à accroître leurs descendance et le nombre de turcs.

Nationalisme et conservatisme religieux, voilà en substance la synthèse qu’Erdogan donne à sa nouvelle campagne. Et pour convaincre une opinion qui subit de plein fouet la crise économique et sociale en cours actuellement en Turquie, face à une répression à l’extrême du mouvement ouvrier et de la gauche turque devenue inaudible, face à des médias condamnés à la censure ou à l’allégeance, Erdogan a toutes les clefs en mains.

Surenchère nationaliste face à l’UE

Les tractations entre l’Union Européenne et Ahmet Davutoglu, ex-premier ministre et incarnant une frange plus libérale et pro-européenne de la bourgeoisie turque, ont été freinées par les dernières rodomontades du président Erdogan et du gouvernement allemand. Ce dernier, hostile à Erdogan, a décidé de faire voter par le Bundestag allemand une reconnaissance du génocide arménien, considérée comme ultime provocation pour Erdogan. Faire-valoir nationaliste en interne, Erdogan s’en ai saisi pour convoquer l’ambassadeur allemand et rapatrier l’ambassadeur turc d’Allemagne en Turquie. En jeu, également la question des « hot spots », ces centres de rétention des migrants aux conditions indignes, et la menace d’Erdogan de remettre en cause l’accord scellé avec l’UE pour contenir l’afflux de réfugiés vers l’Europe.

Voilà le sultan Erdogan qui repart en conquête pour la présidentialisation, de nouveau en route pour le coup d’Etat, qu’il compte bien mener à grand renfort de manipulation de l’opinion.


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