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La convergence se construit

Un "décembre noir" pour nos retraites ? Des secteurs en lutte débattent de comment faire face à Macron

Grévistes de la RATP, cheminots, enseignants, postiers, urgentistes, femmes de chambre, militants des quartiers populaires ou mobilisés pour le climat... ils ont partagé ce lundi une même tribune à la bourse du travail de St Denis pour échanger sur comment mettre sur pied une convergence des luttes à même de faire face à Macron.

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Le 6 décembre 2018, un meeting se tenait à la bourse du travail de Saint-Denis réunissant plusieurs collectifs et militants pour préparer l’acte IV des gilets jaunes et insister sur l’urgence de s’y joindre. Le 9 avril, une nouvelle rencontre avait lieu à la bourse du travail de Paris sur le thème « Les Gilets jaunes face à l’union européenne ». Après 45 actes de manifestation, ce sont une partie de ces mêmes collectifs, et de nouveaux venus comme le collectif Inter-urgences ou les Stylos Rouges du côté des enseignants, qui se sont réunis lundi 23 septembre pour un meeting de rentrée sous le signe de la lutte contre Macron et son monde, et de la nécessité de construire un tous ensemble pour défendre nos retraites et "faire s’effondrer le système".

Des ennemis communs : Macron, l’exploitation et le "capitalisme mondialisé"

Ce lundi 23 septembre, à la veille d’une journée de grève contre la réforme des retraites, environ 150 personnes étaient réunies à la bourse du travail du Saint-Denis face à une tribune fournie avec une quinzaine d’intervenants. Au même endroit où il y a un peu moins d’un an un certain nombres de collectifs présents hier soir, dont le collectif Intergares et le Collectif Justice et Vérité pour Adama, appeler à rejoindre les gilets jaunes. Ces gilets jaunes qui ont ouvert la plus grande crise politique connue par l’Etat français depuis 1968.

En réalité la crise ne s’est jamais totalement refermée, et si Macron parait à nouveau confiant en cette rentrée, notre camp social est venu encore surprendre le gouvernement. Ainsi, le 13 septembre dernier, ce sont les travailleurs de la RATP qui avec une grève suivie à plus de 90% ont bloqué pendant une journée l’ensemble de la région parisienne. Une grève, entre autres choses, qui a motivé les organisateurs à mettre sur pied ce meeting en quelques jours. Un meeting pour réunir tous celles et ceux qui sont vent debout contre le gouvernement ; et plus largement, comme l’ont montré les différentes interventions, contre le système capitaliste : des gilets jaunes qui se mobilisent depuis un an, aux divers collectifs nés entre 2018 et aujourd’hui chez les cheminots pendant la bataille du rail (l’Intergares), les enseignants (les stylos rouges), les hospitaliers (l’Inter-urgences), jusqu’au mouvement écologiste qui ne cesse de prendre de l’ampleur.

Le dénominateur commun entre deux enseignants, un porte parole des gilets noirs (collectif qui lutte pour la régularisation des sans-papiers, et a choisi de se nommer ainsi en référence aux gilets jaunes) et une femme de chambre de l’hôtel Ibis Batignolles en grève depuis deux mois contre une grande chaîne hôtelière ? La lutte contre un gouvernement ami des grands investisseurs, des chefs d’entreprise et des actionnaires, qui veut précariser les fonctionnaires, détruire les services publics, encourage la sous-traitance et l’exploitation des plus précaires, des moins protégés, comme les personnes immigrées. Un gouvernement qui pour rester une des plus grandes puissances économiques mondiales est déterminé à attaquer la majorité des salariés, les droits et acquis des travailleurs, leurs retraites et accentue dans le même temps ses activités de pillages notamment en Afrique. Adel, syndiqué à l’UNSA et gréviste à la RATP, a rappelé que notre ennemi n’est autre qu’un "capitalisme dur, sans pitié" qui va "faire très mal". Un capitalisme "mondialisé" a précisé Lena, une jeune militante de Youth For Climate, qui a clôt le meeting. "Nous devons faire s’effondrer ce système" a-t-elle conclu, très applaudie par la salle. Mais comment ?

Un objectif : construire le tous ensemble et la grève illimitée
 !

Si les gilets jaunes avec leur spontanéité et leurs méthodes radicales ont fait peur au gouvernement jusqu’à lui faire envisager de fuir, et manifestent tous les samedis inlassablement, cela n’a pas suffit . Les 90% de grévistes de la RATP par la méthode de la grève dans un secteur clé de l’économie ont bloqué pendant toute une journée les transports en région parisienne, mais cela n’a pas suffit non plus. S’il y a bien quelque chose que les différents secteurs, collectifs, militants ont compris c’est que seul, chacun dans son coin, il n’est pas possible de gagner et de stopper le rouleau compresseur d’un ennemi mieux préparé que nous jusqu’à aujourd’hui. Pour Anasse, cheminot et militant du collectif Intergares, il est clair que pour l’acte II du quinquennat de Macron il va "falloir les faire chier" et pour ce faire, tirer les bilans des mouvements passés, de ce qui a marché et de ce qui n’a pas marché. C’est à dire, retenir qu’il est impossible de gagner seul, l’importance du blocage de l’économie et de l’unité dans l’action. "La force des travailleurs c’est la grève" ont rappelé les deux militants syndicaux et politiques que sont Anasse Kazib et Gaël Quirante, postier dans le 92 et figure d’une grève de 15 mois tirant le bilan qu’il y a un an face au mouvement des gilets jaunes, "c’était à nous de faire grève. C’était à nous de nous mêler au mouvement des gilets jaunes", eux les travailleurs organisés, dotés de la capacité de bloquer l’économie, alors que des milliers de salariés de tout un tas de secteurs, de petites entreprises, ne peuvent pas le faire. Et ici de pointer les responsables en premier chef de cette impossible jonction entre mouvement ouvrier et gilets jaunes : les directions syndicales. Celles là même qui sont restées silencieuses, n’ont proposé aucun plan de bataille, pire ont condamné les soit-disantes "violences" commises par les gilets jaunes tout en ne disant rien sur la répression sans précédent qui s’abattaient sur eux. Ces artisans de la défaite qui aujourd’hui proposent des journées de mobilisations isolées, des dates éclatées. Il y avait alors dans l’air ambiant de ce meeting une colère partagée contre les directions syndicales et les bureaucrates syndicaux. Une bonne nouvelle pour penser les plans de bataille de demain avec la base des syndiqués et des non syndiqués combatifs.

S’organiser et s’unir "à la base" contre la réforme des retraites et pour "faire s’effondrer le système"

Stratégie perdante de la "grève perlée", division des dates, silence radio sur les gilets jaunes et les questions de société comme l’écologie, le féminisme, le racisme ou encore la question migratoire... Les directions syndicales, leurs politiques et leurs stratégies font de plus en plus de mécontents chez les militants à la base des syndicats.. Ainsi du côté de nombreux militants syndicaux mais aussi de grévistes non syndiqués, comme les grévistes de la RATP présents hier soir, les urgentistes, les cheminots et les postiers, la question devient urgente de défendre une grève "illimitée", reconduite jour après jour, ainsi qu’une unité syndicale large à la base des syndicats pour faire pression sur les bureaucrates et proposer une stratégie de la victoire. Dans ce sens, Adel en a profité pour dénoncer les propos du dirigeant syndical de l’UNSA RATP qui selon lui "raconte des âneries, car peut être ça ne lui sert à rien de se battre mais nous on va se battre" et d’ajouter "le calendrier on a décidé de le prendre à notre compte". La grève, le blocage de l’économie, et une critique des directions syndicales, qui sont rentrés en écho aussi avec les interventions de Youcef Brakni du Comité pour Adama qui a souligné l’isolement du mouvement des quartiers populaires dont les revendications sont ignorées par toute une partie de la gauche dont les syndicats et leurs directions "pourquoi n’y a-t-il pas de grève quand un jeune meurt assassiné des mains de la police pour le simple fait qu’il est noir ou arabe ?". En effet, pour construire un mouvement d’ampleur, un tous ensemble, un mouvement qui ne se bat pas sur des revendications corporatistes ou partielles mais se donne pour objectif de "faire s’effondrer le système", de le changer en profondeur, ce dernier ne peut être qu’anti-raciste, anti-impérialiste, féministe, c’est à dire porter les revendications, défendre les plus opprimés de la société, qui quotidiennement souffrent de tout un ensemble de discriminations, de violences, pouvant aller jusqu’à entraîner la mort. Léna, engagée pour le mouvement écologique, a elle aussi exprimé sa conviction que la lutte contre la destruction de la planète et de l’humanité est inséparable d’une lutte contre le capitalisme. Appelant à une rébellion en octobre, elle a repris à son compte la proposition d’une grève illimitée qui va dans le sens de bloquer l’économie et la société capitaliste, loin des solutions réformistes qui, selon elle, sont désuètes.

Après plus de deux heures d’interventions, les intervenants ont poursuivi les discussions avec la salle informellement, se sont donnés rendez-vous le lendemain dans la rue pour la journée de grève contre la réforme des retraites et se sont promis de se retrouver autant de fois qu’il le faudrait, dès demain même à l’assemblée générale interprofessionnelle à la bourse du travail de Paris, pour construire ce tous ensemble à même de faire reculer Macron une bonne fois pour toutes, voire même plus, capable d’aspirer à une transformation radicale de la société dans son ensemble, une révolution, comme le scandent les gilets jaunes.


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