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Culture du viol

Un robot sexuel… programmé pour être violé !

Pour 10 000 dollars, on peut désormais acquérir un robot sexuel, fait pour ressembler à une femme, doté d’intelligence artificielle et de plusieurs personnalités programmées. Si cette idée met mal à l’aise, elle est encore plus dérangeante quand on apprend que l’une de ces personnalités correspond à une femme « réservée et timide », programmée pour « ne pas apprécier » que l’on « touche ses parties intimes ».

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Truecompanion, une entreprise américaine commercialisant des robots sexuels fait scandale. Parmi d’autres possibilités (la femme mature, la poupée sado-maso…), l’une des « personnalités » programmée pour les robots correspond à une femme « timide et réservée » qui « n’apprécie pas » qu’on la touche… Les réactions à l’annonce de la commercialisation de ce robot ne se sont pas faites attendre, l’argument principal de celles et ceux critiquant le concept étant que ce type d’interaction avec un robot sexuel banalise le viol et le présente comme un fantasme parmi d’autres. Ce robot rend techniquement très facile la réalisation de ce « fantasme » qui n’en est pas un : le viol est un crime dont de nombreuses femmes sont victimes en permanence. À titre d’exemple, pour ce qui est de la France, en se basant seulement sur les viols déclarés à la police —qui ne constituent eux-mêmes que moins de 10% du total des viols perpétrés— on arrive à la statistique d’un viol toutes les 40 minutes.

Contrairement à ce que certains pourraient penser, ce genre de robots sexuels ne « soulage » pas, ne « soigne » pas des violeurs potentiels : il rend l’acte banal, et en suggérant également que des robots sexuels pourraient réduire le nombre de viols, cela suggère que la violence masculine est inévitable, innée, plutôt que ce qu’elle est réellement : une construction sociale. De plus, le site de l’entreprise justifie le principe des robots sexuels par l’argument suivant : puisque les femmes ont des sextoys, les hommes peuvent bien avoir des robots. En clair, le fait de simuler un viol est mis au même niveau que la masturbation.

La société qui commercialise « Frigide Farrah », le robot en question, répond à la polémique, et plus précisément à une tribune de la féministe américaine Laura Bates. L’entreprise Truecompanion dit « être totalement d’accord » avec Laura Bates en ce que « le viol ne devrait jamais être encouragé ou soutenu ». Truecompanion précise que le robot ne serait pas programmé pour être violé, puisque « Frigide Farrah donne son avis ou son ressenti » et qu’elle « vous dirait que vous essayez “d’avancer” trop vite ». Cette réponse de l’entreprise révèle là le principe même du viol, qui est de passer outre « l’avis » ou le « ressenti » (c’est-à-dire le consentement) de la victime ; et de présenter le robot comme ayant une « personnalité réservée et timide » ne vient que justifier que l’on passe outre l’avis de cette poupée « frigide » !

Et quand bien même cette poupée n’est pas « programmée pour être violée », cela n’efface pas le fond du problème. Les attitudes que les utilisateurs pourront se permettre d’avoir avec ce type de robots ne pourra qu’influencer ou renforcer les attitudes déjà machistes : certes ces robots sont des machines, mais ils sont voués à ressembler le plus fidèlement possible à de vraies femmes. Ces robots contribuent à flouter la frontière du consentement, déjà mal intégrée, en mettant les hommes dans des situations « plus vraies que nature » où les robots sont programmés pour accepter tous leurs désirs, et où même dans le cas où le robot exprimerait son « avis », quand il « n’apprécierait pas » qu’on le touche, aucune barrière n’est mise, et l’homme fait ce qu’il veut. À l’inverse de « soigner » les violeurs, cette façon d’envisager les robots sexuels ne fait que renforcer les constructions sociales qui conduisent au viol.

L’aspect profondément sexiste de ces poupées-robots est évident quand on regarde les autres modèles, de cette entreprise ou ailleurs : une fille « si jeune (à peine 18 ans), qui attend que vous lui appreniez des choses », une fille « soumise », une écolière en uniforme… Ainsi, on ne peut pas comprendre ces nouveaux robots sexuels à intelligence artificielle sans analyser la société sexiste dans laquelle nous vivons, et ce qu’elle produit : des modèles sociaux néfastes pour les femmes mais aussi pour les hommes, et une culture du viol qui banalise ce crime.


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