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Le sexisme décomplexé du Figaro et de JC Decaux

Une pub anti-avortement dans les pages d’un quotidien national et dans les rues de la capitale

Il y a quelques jours, les lecteurs, et en particulier les lectrices, du Figaro ont eu la surprise de trouver une publicité anti-IVG entre les pages du journal. Cet encart publicitaire est une initiative du collectif « En marche pour la vie », qui appelle notamment à marcher contre l'avortement le 22 janvier prochain. Évènement des plus réactionnaires, relayé en premier lieu par Égalité et Réconciliation, le site d'Alain Soral. Léonie Piscator

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À la onzième page de l’édition du 12 janvier du Figaro, on pouvait trouver une publicité des plus étonnantes. Sur une photographie en noir et blanc qui représente un homme de trois quarts faisant face à une jeune femme, à qui il sert la main, on peut lire le message suivant : « Félicitations », puis entre parenthèses, en dessous, « Vous venez de perdre votre emploi ». Ces quelques mots, peu évocateurs au premier abord, prennent tout leur sens lorsqu’on s’arrête sur ce qui est écrit en bas de l’encart publicitaire. Il s’agit d’une publicité du collectif « En marche sur la vie », accompagnée du logo « IVG tous concernés ». Sur le site dudit collectif, en dessous de l’affiche concernée, on peut lire ce qui ressemble à un témoignage : «  Aujourd’hui, j’annonce à mon boss que je suis enceinte. Et alors ? De quoi, j’ai peur ? Cet enfant, je le garde mais je dois avouer que cela n’a pas été une évidence. Je travaille dans le pôle lancement de projets de mon entreprise. J’aime travailler et depuis peu, j’aime tout autant l’idée de fonder un foyer […] En fait, je ne suis pas prête à affronter mon boss. […] Il n’est pas sensé me faire changer d’avis mais je sens que je vais devoir prendre sur moi, que je vais ravaler ma culpabilité ».

Derrière cette campagne de désinformation, qui fait passer les femmes pour des êtres incapables de prendre une décision par elles-mêmes, qui condamne l’avortement plutôt que le sexisme au travail, se cacheraient plusieurs groupes anti-IVG : l’AOCPA Choisir la vie (association pour l’objection de conscience à l’avortement), mais aussi la fondation Lejeune ou encore les Survivants. Et l’image parue dans Le Figaron’en est qu’une parmi d’autres, mettant toutes en scène les réactions de l’entourage d’une jeune femme enceinte : médecin, amie, conjoint… Cette série de publicités, qui appelle à « Marcher pour la vie » le 22 janvier, a été relayée tout d’abord par des médias dont la ligne réactionnaire n’est plus à prouver : sur le site du très misogyne Alain Soral, en quatrième de couverture du magazine Famille chrétienne, ou encore entre les pages de Valeurs actuelles.

Ce qui est plus étonnant, et qui a provoqué un petit tollé médiatique, c’est que cet encart se retrouve également publié par Le Figaro, journal le plus vendu de France. Si la ligne conservatrice dudit quotidien, et son appartenance au groupe Dassault, ne sont pas diamétralement opposés aux idées réactionnaires véhiculées par ces publicités, le quotidien avait rarement affiché de manière aussi évidente et décomplexée sa ligne rétrograde en matière de droits des femmes. A tel point que même Laurence Rossignol, ministre des Droits des Femmes, s’est fendue d’un tweet indigné : « Les anti-IVG à l’offensive ! Jusque dans les pubs d’un grand journal comme @Le_Figaro ! Inquiétant. » Alors, provocation volontaire ou erreur du chef de pub ? Les responsables des publications n’ont pas exprimé de regrets quant à cette publicité malheureuse jusqu’à aujourd’hui.

En revanche, « La marche pour la vie » semble avoir frappé un grand coup, car ces mêmes visuels sont affichés depuis ce lundi dans de multiples panneaux publicitaires appartenant au groupe JC Decaux, dans les rues de la capitale. Rappelons que cette même société avait récemment accepté de retirer des affiches de campagne de prévention au VIH, à la demande de maires Les Républicains. Suite au nouveau « bad buzz » que connaît ce leader français du mobilier urbain publicitaire, JC Decaux a annoncé avoir été victime d’un « piratage » et vouloir porter plainte. Réel vandalisme ou rétropédalage de la société ? Car ce genre d’affichage, s’il est probablement très bien rémunéré par toutes les associations « pro-vie », peut tout de même valoir cher : empêcher de pratiquer et d’informer sur l’interruption volontaire de grossesse est passible de 2 ans de prison et 30.000 euros d’amende. Si on doute que cette loi sera appliquée envers les véritables responsables, ces événements nous rappellent avec beaucoup d’acuité à quel point la lutte pour le droit à l’avortement est nécessaire et actuelle.


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