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Adaptation au PSOE

Triple élection en Espagne et triple revers pour Podemos

Élections européennes, municipales et autonomiques coïncidaient ce 26 mai en Espagne. Ces résultats consolident les législatives du 28 avril avec la victoire du parti socialiste (PSOE), la poussée des partis indépendantistes, l’émergence de l’extrême droite, et l’important échec de Podemos.

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Suite aux élections législatives du 28 avril dans l’État espagnol, plusieurs échéances électorales avaient lieu ce 26 mai : les élections européennes, les municipales et les autonomiques (régionales). Cette journée électorale chargée était particulièrement importante dans le pays puisque l’enjeu pour les différentes formations était de consolider les résultats des élections législatives et de définir les possibles alliances au niveau national. Dans un contexte marqué par le mouvement indépendantiste catalan, la crise du bipartisme et de la monarchie ainsi que par la récente motion de censure qui avait fait sortir le Parti Populaire (PP) du gouvernement, ces multiples échéances électorales venaient donc cristalliser et affirmer les nouvelles tendances politiques d’une période agitée.

Après les élections du 28 mai le PSOE réussissait à avoir 123 députés et 28,7% des voix. La motion de censure contre le gouvernement de Rajoy (PP), les quelques mesures sociales minimales, mais surtout le « vote utile » contre la montée de l’extrême-droite qu’incarne Vox ont permis au PSOE de surmonter la débâcle de 2016 où il n’avait obtenu que 85 députés. Bien plus qu’un soutien enthousiaste au projet de gouvernement néolibéral que représente le PSOE de Pedro Sánchez, le dépassement de la crise qui traversait le parti est la traduction de la forte mobilisation des électeurs qui ont voulu exprimer le rejet massif des idées racistes, machistes et réactionnaires que Vox incarne.

De son côté, aux législatives, Unidas Podemos (la formation de Pablo Iglesias) n’obtenait que 42 députés et 14,31% des voix, c’est-à-dire une chute de de 29 sièges et 7 points. Le soutien total de Unidas Podemos au PSOE au cours de ces derniers mois a été un atout précieux en faveur de la récupération du bipartisme mourant. Simultanément, il a accéléré l’épuisement de cette formation qui n’a cessé de trahir les espoirs qu’elle avait pu susciter dans un premier temps. Podemos, apparu il y a cinq ans et promettant l’assaut du ciel, la fin du régime du 78, de la monarchie et de la caste politique incarnée par le PP et le PSOE n’a pas su éviter de finir en béquille de gauche du parti social-libéral qu’est le PSOE et qu’il visait à remplacer.

Dans ce contexte, même si Pablo Iglesias souhaitait gouverner avec Pedro Sanchez et pariait sur les résultats des élections de ce 26 mai pour négocier une éventuelle alliance au niveau national, l’échec des législatives du 28 avril s’est confirmé et consolidé avec les résultats des élections européennes et municipales. Si ces dynamiques montrent la difficulté que rencontre Pablo Iglesias pour obtenir des positions au sein du gouvernement, elles sont aussi et surtout le reflet plus général de la crise profonde, à l’échelle européenne, des formations néo-réformistes. Des tendances qui se sont avérées autant en Grèce, avec la Chute de Tsipras, qu’avec l’échec de la FI aux européennes en France. Pour la formation de Pablo Iglesias, même s’il y a eu une légère remontée de deux points par rapport aux élections européennes de 2014, les résultats des élections municipales et autonomiques sont venus confirmer et accentuer la chute des législatives du 28 avril.

Podemos avait notamment émergé avec les élections municipales de 2015, montrant l’espace politique que pouvaient occuper les néoréformismes. Le parti de Pablo Iglesias, en alliance avec d’autres plateformes locales, avait réussi à emporter, entre autres, les mairies des principales villes du pays : Madrid – historiquement sous contrôle du PP – et Barcelone. Pour Podemos ces mairies étaient des places fortes à partir desquelles le parti visait à faire à petite échelle des démonstrations de sa politique pour concurrencer les grands partis nationaux. C’est pourquoi Podemos appelait ces mairies « los ayuntamientos de cambio » (les mairies du changement). Cependant cette perspective s’est effondrée. Les principaux « ayuntamientos del cambio » ne seront pas renouvelés. À Barcelone, la liste Barcelona en Comú cède le pas au parti indépendantiste Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), – bien que de très peu – et à Madrid, même si c’est la liste Más Madrid qui gagne les élections, la somme des partis de droite du PP, Ciudadanos (Cs) et Vox lui fait perdre la ville. La même chose se produit à Saragosse, à Santiago et à La Corogne, « los ayuntamientos del cambio » cèdent la place aux maires socialistes. Les seuls gouvernements municipaux associés à Podemos seront donc uniquement maintenus à Valence et à Cadiz.

La perte de ces municipalités a été un coup dur pour Podemos, notamment Madrid et Barcelone, qui étaient les places fortes et la vitrine du néo-réformisme en Espagne. Autant les mesures locales – qui ont continué à permettre les expulsions, les poursuites des jeunes migrants et à étouffer la lutte des travailleurs –, que leur position ambiguë devant le mouvement démocratique catalan – lorsqu’ils s’opposaient au droit à l’auto-détermination du peuple catalan -, sont venues saper une confiance déjà affaiblie par les positions de plus en plus modérées et conciliatrices que prenait Podemos au niveau national. En effet, Podemos qui avait gagné son influence en dénonçant notamment la « caste politicienne » garante des intérêts des oligarques, des capitalistes et de la monarchie, s’est mis à la remorque du néolibéral PSOE, principal parti du régime.

Podemos qui avait envisagé les élections legislatives du 28 avril avec une ambition modeste ne pensait même pas à gagner ou à incarner une opposition de gauche. Ce qu’il cherchait c’était simplement à constituer une coalition gouvernementale avec le social-libéralisme. Après l’échec du 28 avril, pour pousser à cette coalition, Podemos pariait encore sur les résultats des élections du 26 mai. Mais celles-ci n’ont fait que confirmer l’effondrement des législatives et l’épuisement du néo-réformisme. En outre, le fort rejet rencontré par la politique de Podemos aussi bien au niveau national qu’au niveau local avec « los ayuntamientos del cambio », ne s’est pas traduit par un virage à gauche, mais au contraire, par une adaptation encore plus forte de son programme au social-libéralisme du PSOE qui semble pourtant préférer gouverner en solitaire.


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