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International

Une vague de grèves historique au Royaume-Uni annonce un « hiver du mécontentement »

Après la grève historique des cheminots cet été, la contestation sociale reprend de plus belle au Royaume-Uni.

Wolfgang Mandelbaum

12 décembre 2022

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Face à une inflation galopante et des politiques de casse du travail mises en œuvre par le gouvernement conservateur, les travailleurs britanniques vont massivement réinvestir les piquets de grève cet hiver. Des préavis de grève parsemés ont été posés par la majorité des grands syndicats du pays pour le mois de décembre. Avec l’approche des fêtes, ces grèves promettent d’affecter tous les secteurs publics du pays et le gouvernement, par un opportunisme hypocrite, critique les grévistes qui vont empêcher les Britanniques de « profiter des fêtes » (comme si l’inaction de celui-ci face à l’explosion du coût de la vie n’avait rien à voir là-dedans). Les revendications portent sur les conditions de travail et les salaires qui s’effondrent face à l’inflation.

Les secteurs concernés sont donc principalement liés au secteur public. Les cheminots viennent de voter contre l’acceptation d’une offre de Network Rail d’une augmentation des salaires de 9 % étalée jusqu’à l’été 2023. Une telle augmentation serait en deçà de l’inflation actuelle qui dépasse les 11 %, et probablement bien inférieure à l’inflation à la fin du printemps prochain. Les premiers débrayages commencent le mardi 13 décembre, et sont étalés sur plusieurs jours jusqu’au 7 janvier. D’autres secteurs du transport seront de la partie et notamment les péagers, les conducteurs de bus de plusieurs grandes villes, ainsi que les bagagistes dans les aéroports.

Seront également concernés les travailleurs de la santé, qui subissent de plein fouet la casse de la NHS (National Health Service), principalement les infirmiers et les ambulanciers. Les infirmiers ont reçu une augmentation ridicule de 3 % suite à la pandémie, malgré les efforts qu’ils ont fournis. En Écosse, les syndicats Unite et Unison ont aujourd’hui accepté une augmentation moyenne des salaires de 7,5 % et ont révoqué leur préavis. Cette concession des syndicats à une très médiocre augmentation est loin de faire l’unanimité, puisque près de la moitié des votants ont rejeté l’offre du gouvernement écossais, et s’organisent en ce moment pour maintenir la grève dans plusieurs hôpitaux. Dans le reste du pays, les préavis sont à l’heure actuelle maintenus.

La réponse du gouvernement, au-delà des bien maigres concessions accordées, est de culpabiliser les grévistes, les accusant de vouloir désorganiser le pays à l’approche des fêtes, ou encore de « jouer le jeu de Poutine » (selon le chef des tories). Le premier ministre Rishi Sunak a d’ores-et-déjà annoncé une nouvelle restriction du droit de grève, après avoir la semaine dernière menacé de faire appel à l’armée pour prendre la place des travailleurs grévistes. Leur principal argument contre une augmentation des salaires est également une stratégie de culpabilisation des travailleurs, avec la fumeuse boucle « salaires-prix » mise en avant par le chancelier de l’échiquier Jeremy Hunt, selon laquelle une augmentation des salaires se répercuterait automatiquement sur les prix, alimentant ainsi l’inflation.

Du côté des travaillistes, pas question d’afficher une quelconque solidarité trop marquée avec les grévistes ; Keir Starmer préfère tirer profit de la situation pour gagner des points politiques à peu de frais en pointant la responsabilité du gouvernement dans le « désordre » à venir, sans pour autant soutenir les revendications des grévistes.

L’épisode de mécontentement social actuel n’est pas sans rappeler l’« hiver du mécontentement » de 1978-1979, quand une série de grèves avait touché la plupart des secteurs de l’économie et mobilisé plus de 1,5 million de travailleurs. L’intense épisode de grèves entamé cet été, particulièrement dans le secteur ferroviaire et les télécommunications, avait déjà été surnommé l’« été du mécontentement ». Désormais se profile un second « hiver du mécontentement », plus large et plus radical que l’épisode de cet été.

Au-delà d’un hiver du mécontentement 2.0, un nouveau mot d’ordre commence à pointer son nez dans le paysage syndical britannique, celui de la grève générale. La dernière (et unique) grève générale de l’histoire du pays remonte à 1926 quand, face à des annonces de baisses des salaires des mineurs, la Trade Union Congress (TUC) avait appelé à une grève générale. Cette grève fut un échec, et la bourgeoisie britannique répondit en rendant de tels appels illégaux. Une autre série de mesures anti-syndicales fut mise en place par Margaret Thatcher, arrivée au pouvoir après l’hiver du mécontentement, et dont le principal objectif fut de réprimer tout mouvement de contestation. Depuis le début de l’ère néolibérale inaugurée par Thatcher, les politiques de casse de droits sociaux se sont multipliées, notamment depuis l’avènement du New Labour de Tony Blair et ensuite sous David Cameron.

Quoi qu’il en soit, et malgré les politiques ultra-restrictives du Royaume-Uni à l’égard des droits syndicaux, les mouvements de contestation et de revendications d’augmentation salariales sont toujours bien vivants dans le pays, comme on le voit depuis cet été. L’hypothèse d’une grève de facto générale commence à devenir une éventualité sérieuse selon la presse bourgeoise. Reste à voir comment vont réagir les centrales syndicales, entre nécessité de répondre à la radicalité d’une grande partie de leur base et volonté de ne pas laisser le mouvement leur échapper et de maintenir des appels corporatistes.


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