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Arc-en-ciel à la poubelle, nettoyage esclavage !

Université Toulouse II. Une grève des agents de nettoyage pour la dignité !

Depuis le 11 février, les personnels de nettoyage se mobilisent contre la société sous-traitante Arc-en-Ciel, soutenus par les personnels de la fac et les étudiants. Ils dénoncent leurs conditions de travail inhumaines et ont décidé de relever la tête.

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L’université transpire la précarité par tous ses pores. Ce mardi 11 février, à l’université Toulouse II – Le Mirail, les enseignants du collectif précaire (vacataires, ATER, chargés de cours) organisaient une journée contre la précarité pour dénoncer le remplacement de postes de titulaires par des semblants de postes : contrats d’un an pas toujours renouvelés, salaire en dessous du SMIC horaire, paiement des heures effectuées plusieurs mois après etc. La grève spontanée des travailleuses et travailleurs du nettoyage de l’entreprise sous-traitante Arc-en-Ciel a dévoilé au grand jour comment l’université, d’une part est productrice de précarité, mais s’appuie même dessus, à tous les niveaux, pour son fonctionnement quotidien.

Les conditions du personnel de nettoyage sont catastrophiques. Des contrats qui ne correspondent pas aux heures effectuées (quand contrat il y a), des menaces permanentes pour signer ces contrats parfois contre le gré des employé.es, des prélèvements sur salaire pour une mutuelle dont tout le monde ne bénéficie pas au final, des manquements graves à la législation en termes d’accidents du travail, des salaires aléatoirement grevés de parfois plus de 100€ (on évoque ici des emplois à temps partiel, rarement rémunérés au-delà de 600€ par mois !), pas de matériel (plus de gants depuis le 26 janvier, les salariées doivent se les procurer par elles-mêmes, pas assez de produit, une charge de travail irréalisable)... Des schémas classiques mais particulièrement violent du despotisme patronal, malheureusement courant dans le nettoyage. La goutte d’eau qui a fait déborder ce vase déjà bien rempli a été l’attitude du responsable de site, amené par l’ancien prestataire Gimn’s et repris lors du changement de contrat. Petit tyran qui exploite plus durement le personnel, et garant d’une proposition au marché public qui serait près de 30 % moins cher que le prestataire précédent ! Un rouage essentiel du système de sous-traitance tant pour le client (l’université) que pour le prestataire.

« Concernant la précarité, l’UT2J travaille depuis plusieurs années à améliorer ce qui relève de son pouvoir »

mail de la Présidente Emmanuelle Garnier du 3 février 2020.

Les grévistes dénoncent une (ré)pression systématique, des menaces de licenciement, l’interdiction « de parler au client », des manipulations pour diviser les salariées de la part de la société Arc-en-Ciel. Des menaces qui s’appliquent sans ciller : un employé a été viré du jour au lendemain (naturellement prévenu en venant embaucher à 6h) pour avoir « parlé au client », c’est-à-dire à l’administration du nettoyage de l’université, chose absolument interdite pour ne pas briser la loi du silence. D’autant plus que ce salarié a révélé avoir un contrat de 3 heures alors qu’il en effectue 4... Toute l’équipe pense encore à cette injustice et parle d’un salarié que « tout le monde respectait, il n’y avait rien à dire sur son travail ». Victime d’un système qui veut briser les hommes et les femmes, les corps et la volonté ; lors de ce licenciement, l’équipe s’était mobilisée financièrement pour se cotiser et apporter une aide à cet homme en situation de grande précarité. Ils exigent naturellement aujourd’hui sa réintégration.

L’université aurait même été mise au courant d’une plainte pour harcèlement sexuel dans l’entreprise. Une travailleuse se serait vue proposer une chambre d’hôtel pour avoir un meilleur contrat. La direction de l’entreprise a assuré que le problème avait été réglé en interne, qu’elle avait menti pour causer du tort à un supérieur. La fac s’en est apparemment contentée. D’autant plus commode, que cette travailleuse n’est semble-t-il plus revenue. Un grand classique des sociétés de nettoyage comme dans le groupe ONET ou dans les hôtels parisiens dont les équipes de nettoyage se sont mises en grève lors de conflits durs !

A 9h ou 10h, la plupart des femmes qui travaillent à l’université s’en vont une à une. Elles prennent les transports en commun (qu’Arc-en-ciel ne leur rembourse pas comme loi l’y oblige) pour rejoindre un autre poste, avec d’autres sociétés. Un véritable rallye parfois semé d’embûches. En effet, le directeur de site d’Arc-en-Ciel, n’hésite pas à bouleverser leur planning et les envoyer, quand l’université est en vacances par exemple, ou que la présidence ferme boutique pour éviter un mouvement de grève (comme les 5 et 6 décembre dernier), sur d’autres sites (sans forcément que la rémunération trouve son chemin pour s’y rendre aussi...) ! Ainsi, la fac paye cette entreprise pour qu’elle envoie son personnel sur d’autres lieux qui ne sont pas concernés par le marché. Il semblerait même que l’entreprise utilise l’université et certaines de ses annexes comme des lieux de stockage pour du matériel utilisés avec d’autres donneurs d’ordre.

Toutes ces brimades, cet autoritarisme, cette souffrance au travail, tant psychologique, que physique (certains accidents graves, liés à des chutes ou à l’utilisation des produits chimiques, ne sont pas reconnus), le harcèlement de la direction : c’est le quotidien de ces grévistes qui laissent leurs enfants à 4h30 le matin pour aller travailler, d’autres rentrent trop tard pour les voir le soir. « Le matin quand on va au travail, on pleure et on a le cœur qui pleure » lance une gréviste à la face d’un directeur régional venu sauver les meubles mercredi matin. « On a mal au dos » confient d’autres dans des dsicussions, « je ne peux plus tendre le bras comme ça » nous montre une femme d’une quarantaine d’années.

L’exploitation capitaliste laisse des marques dans les chairs et dans les consciences. Cependant, elle « accumule la colère, sèche les fagots, entasse les bûches, prépare la matière inflammable » Au point que ces souffrances quotidiennes soient érigées en symbole de ces luttes pour la dignité : « Frottez, frottez, il faut payer ! J’ai mal au dos, il faut payer, j’ai mal aux mains, il faut payer ! » scandaient les grévistes d’ONET à Saint-Denis, elles aussi "petites mains invisibles" du quotidien, mais héroïnes ouvrières de la lutte !

Ici, personne ne sait rien

La direction de la fac est tombée des nues. Enfin presque. La présidente a refusé de répondre aux sollicitations des grévistes. Certains responsables ont été visiblement honnêtement bousculés par la réalité des conditions de travail de ces femmes et de ces hommes. Mais la naïveté du chercheur dans sa tour d’ivoire laisse place au mépris comme nous y a déjà habitué le vice-président. Ce dernier semblait en effet plus préoccupé par l’ordre du jour de sa réunion de CHSCT (Conseil Hygiène Sécurité et Conditions de Travail – un cadre pourtant bien indiqué) que par les témoignages des grévistes, après s’être assuré que c’était bien l’administration précédente qui avait signé le contrat. Ouf, les honneurs sont saufs !

Pourtant, qui aujourd’hui imagine qu’il existe de bonnes conditions de travail (y compris quand la loi est passablement respectée) dans la sous-traitance, et en particulier dans le nettoyage ? Les multiples cas de grève ces dernières années, de la grève victorieuse des femmes et des hommes qui nettoient les gares de Saint-Denis contre H. Reinier-Onet et la SNCF, aux grèves dans les hôtels (Ibis, Hyatt, NH, Concorde, Holiday Inn) sont venues le prouver.

Si la fac ne savait rien, alors la hiérarchie de l’entreprise Arc-en-Ciel était au courant. Pourtant l’entreprise a envoyé un directeur régional de Bordeaux, aussi ingénu qu’un enfant de bon chrétien le jour de sa première communion ! A moitié étonné, sans même faire semblant d’être choqué (ce qui en dit long sur le management de cette entreprise), ce cadre sup’ dynamique est venu écouter les doléances, un peu bousculé tout de même par les soutiens (personnels d’université et étudiants) venus en nombre pour appuyer les grévistes. Mr. le directeur ne savait rien. Alors qu’à Auchan on licencie des caissiers pour une pause aux toilettes, ou pour un bon d’achat de 50ct, que la RATP vire des gens pour faits de grève et être proche des grévistes, qu’à Amazon on se fait mettre à la porte pour avoir été Gilet jaune, chez Arc-en-Ciel, on ne sait rien des agissements d’un contremaître local ! Bien pratique pour temporiser et voir les suites à donner, s’il faut céder ou au contraire contre-attaquer.

Étudiants et personnels : solidarité avec les agentes de nettoyage !

Mais la situation est particulière, car de nombreux personnels d’université et des étudiants sont aux côtés des salariées d’Arc-en-Ciel ! Les personnels administratifs ont exprimé leur « honte » face à une telle exploitation et leur « détermination » à soutenir vaille que vaille les agent.es. Il faut que l’ensemble des profs, des personnels, des étudiants prennent bien conscience que si l’université tourne au quotidien, c’est avant tout grâce à celles et ceux qui nettoient chaque matin et chaque soir les salles, les amphis, les tables, les tableaux etc. Toute personne qui travaille dans une université est un travailleur de l’Enseignement ! Même si la sous-traitance est là pour le faire oublier, pour fractionner les communautés d’intérêt, pour briser les solidarités, les capacités de résistance, et au final exploiter plus lourdement.

Mercredi 12 février, le directeur régional, après avoir rencontré les grévistes, s’est réuni avec la présidence de l’université. Pour l’occasion plus d’une centaine de personnes s’étaient rassemblées sous les fenêtres de la présidence. A priori, l’université devrait dénoncer le marché public et faire appel à une nouvelle entreprise. Mais cela ne donne pas garantie que toutes les revendications des agent.es soient obtenues. D’autant que les entreprises concurrentes sur le marché usent de procédés semblables pour faire baisser les « coûts ».

Les revendications sont les suivantes :

  •  de ne plus avoir à travailler avec le responsable de site
  •  des contrats de travail en bonne et due forme
  •  le paiement des salaires, la couverture maladie qu’ils payent, la reconnaissance des accidents du travail, le remboursement des frais de transport dû par l’entreprise
  •  des conditions de travail dignes (ne pas avoir à acheter ses gants, ne pas avoir à retourner les sacs poubelles, une charge de travail raisonnable pour les heures qui leur sont payées – aujourd’hui six amphis doivent être nettoyés en deux heures)
  •  une augmentation des effectifs (40 personnes font actuellement un travail qui en requerrait 60)

    Dans le cas où l’entreprise changerait, il faudrait s’assurer que dans la période de transition, chaque agent.e conserve son poste. Pour cela, s’il le faut, la fac devra les embaucher en CDD durant la transition
    Il serait par ailleurs intéressant que les documents soient publiés quant à ce que coûterait d’internaliser les travailleuses et travailleurs du nettoyage en regard de ce que le fac donne à une entreprise criminelle comme Arc-en-Ciel pour les exploiter.

    A Berlin, un cas similaire a eu lieu. Dans une école de gauche bon teint (la Alice Salomon Hochschule), qui n’hésite pas à pourfendre les inégalités, les oppressions et la précarité, un collectif étudiant s’est rendu compte à l’occasion d’une grève des agentes de nettoyage que le ménage était sous-traité. Ce qui a été l’occasion d’une grande campagne contre la direction de la fac et d’une mobilisation importante des étudiants pour l’embauche directe par l’université. Ces étudiants appelaient à « porter le combat contre l’oppression et l’exploitation dans les universités ». Preuve que la sous-traitance est un visage du capitalisme contemporain à l’international. L’externalisation a toujours été un outil vers la privatisation des services publics en restreignant une activité à son cœur absolu (de plus en plus à la fac, la recherche, au détriment de l’enseignement).

    A partir de ce constat, il est une tâche centrale pour les étudiants que de se mobiliser en soutien à ces agent.es et de se battre pour leurs revendications. Certains étudiants connaissent également ce genre de boulots, en espérant de leur côté qu’il s’agisse d’une phase de galère justifiée par la jeunesse. Certaines agentes ont aussi leurs enfants à la fac, c’est pour eux qu’elles triment pour un patron voyou.

    En tant qu’étudiants en science sociale, il faut se poser la question de la finalité de nos études et de la recherche. Accepterons-nous une intégration plus grande des intérêts privés dans les universités pour que la recherche soit financée uniquement quand cela intéresse une poignée de businessman ? Un diplôme de socio ou de psycho doit-il servir le dialogue social dans l’entreprise pour permettre aux patrons de faire passer la pilule en cas de restructurations ou de plans de licenciement ? Les masters de géographie sont-ils des viviers de main-d’œuvre gratuite pour Airbus ou Thalès ? Ou, au contraire, devons-nous nous battre pour mettre l’enseignement et la recherche au service des luttes sociales et des intérêts de ceux qui font tourner la société au quotidien ? L’étonnement candide de certains responsables de la fac doit interroger sur la déconnexion d’une fac qui se soucie plus aujourd’hui de mettre les sciences sociales au service de grands projets d’excellence aux titres tapageurs en « anglais commercial » plutôt que de mettre la recherche au service de la population laborieuse. La lutte pour une université ouverte à toutes et tous et au service du plus grand nombre passe aujourd’hui par un soutien sans faille aux agentes d’Arc-en-Ciel pour soutenir leurs revendications !


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