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Urgence sanitaire et alimentaire dans les résidences universitaires pour les étudiants précaires

À Bordeaux, les étudiants les plus précaires enfermés dans leur chambre du CROUS ne peuvent plus s‘alimenter. Les mesures de confinement ont aggravé la situation de précarité de ces jeunes. Si la solidarité est remarquable au sein de la communauté universitaire bordelaise, la situation est d’ampleur et nécessite des mesures à l’échelle nationale pour répondre à cette crise alimentaire, conséquence de la gestion de la crise sanitaire.

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Appel à l’aide des étudiants en résidence CROUS

Dans la jeunesse étudiante, une frange extrêmement précarisée survivant par des emplois précaires a vu sa condition aggravée par les mesures de confinement annoncées il y a près de 3 semaines maintenant. Perte de petits boulots qui sont souvent les uniques revenus qui permettent de se nourrir et de se loger, ou bien précarisation de la situation financière de la famille qui subvient aux besoins à distances de ses enfants partis faire leurs études, … dans les cités universitaires, le confinement a entraîné une exacerbation cruciale des inégalités sociales, plongeant les étudiants précaires dans des situations insoutenables, financièrement et moralement.

Ce sont des cris à l’aide qui résonnent dans ces cités où les étudiants sont isolés sans ressources. Le coût de la vie oblige certains d’entre eux à ne manger qu’un jour sur deux alors que déjà ils ne mangeaient qu’un repas sur deux. Dans leurs 15 mètres carrés et face à leur frigo vide qu’ils ne peuvent plus se permettre de remplir eux-mêmes, certains sont désemparés. Pour trop d’entre eux ce n’est ni le virus, ni les conditions de continuité scolaire qui les accablent mais la faim. Si Frédérique Vidal était si inquiète de la poursuite de l’année universitaire, de sa sélection et du maintien de tous les appareils d’évaluation qui font le prestige de l’université bourgeoise, il semble que la survie des étudiants précaires, déjà parqués dans des logements aux allures carcérales, ne soit pas à son ordre du jour. Mais c’est à cette réalité que se heurte une partie de la jeunesse estudiantine laissée de côté, comme le témoigne Ismael Guindo dans Sudouest, doctorant en droit à Bordeaux : “Je suis intérimaire et là je n’ai plus de missions, je fais avec le peu que j’ai”. Mais jusqu’où ira cette situation ?

Un réseau de solidarité pour pallier à l’inaction des autorités

Face à cette situation, un groupe d’étudiants, doctorants et enseignants-chercheurs de Bordeaux s’inquiétait des conséquences sur les étudiants les plus précaires. Une lucidité face à la précarité qu’ils côtoient déjà depuis des mois et des années dans les salles de cours et qui s’est traduit dans les manifestations, notamment dans le mouvement contre la réforme des retraites où la communauté universitaire bordelaise s’est mobilisée. Un problème perçu en amont qui a permis en peu de temps après les annonces d’un confinement strict de mettre en place un collectif « Solidarité-Continuité alimentaire Bordeaux » afin de venir en aide aux étudiants précaires. Une organisation remarquable d’une poignée de militants qui alimentent en nourriture et en produits de première nécessité les étudiants qui, pour certains, « n’avaient pas mangé depuis 48h » témoigne un des membres de l’association sur SudOuest. Ils se relaient, désinfectent tout pour protéger les étudiants, et se financent grâce à une cagnotte Leetchi qui collectait 36 000 euros jeudi dernier.

Une solidarité que nous pouvons tous saluer, à l’image d’autres initiatives pour venir en aide aux plus démunis, premiers touchés par le covid-19.

Face à la précarité étudiante, le CROUS et l’État ferment les yeux

Une situation désastreuse qui concerne des centaines de milliers d’étudiants. Les autorités et instances chargées de la vie universitaire n’ont donné aucune mesure pour répondre à cette détresse. Après des mois de mobilisation suite à l’immolation d’un étudiant lyonnais qui dénonçait la précarité étudiante, le CROUS et l’Etat continuent de fermer les yeux.

Les fermetures par le CROUS des restaus U comme de simples démarches administratives mécaniques à la suite ont pourtant de lourdes conséquences pour les plus précaires. Le confinement imposé, avec l’invitation des étudiants à rejoindre leur famille et quitter leur logement universitaire, ont entraîné comme un levier la fermeture logique des restaurants CROUS, cafet’Crous, etc. Pas un seul instant leur préoccupation n’a été celle des étudiants eux-mêmes : ils voient ainsi leur approvisionnement diminuer et se rendre plus difficile pour ceux qui sont loin des villes, et subissent la réduction des transports. "Le Crous n’a pas abandonné les étudiants, on se met en ordre de marche et on invente au jour le jour” ose pourtant déclarer le directeur général Nouvelle-Aquitaine, Jean-Pierre Ferré. Celui-ci évoque dans Sud Ouest ce vendredi les 70 000 euros d’aides "sur évaluation sociale" attribuées depuis le confinement à 500 étudiants, auxquelles s’ajoutent 60 000 euros en bons d’achats. 500 étudiants pour le CROUS alors que les bénévoles bordelais engagés contre la précarité étudiante ont déjà récolté plus de 750 demandes, et répondu à 600 d’entre elles. Mais comment peut-on croire qu’une réaction dérisoire 20 jours après l’annonce du confinement et le début de la panique, et de la crise alimentaire pour les universitaires, suffise ? Comment oser encore nous convaincre de la bonne volonté de ces directions qui chaque année reviennent sur les bourses et les financements destinés aux plus précaires ? La crédulité n’est pas au rendez-vous face à cette preuve d’irresponsabilité.

Face à cette situation la direction nationale du CROUS a quand même décidé de suspendre les loyers pour ceux qui les ont libérés. En revanche pour les plus précaires, même quand ils n’ont pas les moyens de rentrer dans leurs familles, les loyers sont maintenus. Cette situation alarmante relayée à Bordeaux par le collectif qui s’est monté est le cas dans bien des résidences en France et pas seulement dans les résidences du CROUS qui, pour ces dernières, selon Le Monde, comptent encore 40% de leurs locataires, les plus précaires d’entre eux, ceux qui n’ont pas d’autre choix que de rester.

Selon Le Monde, Frédérique Vidal engageait 10 millions pour aider les étudiants le 31 mars, la situation étant déjà trop dégradée, et cette mesure paraît comme une dépense dérisoire et insuffisante au vu du prolongement du confinement et dont on ne voit toujours pas la couleur. Ce même gouvernement et ses prédécesseurs qui depuis des années au travers de réformes néo libérales détruisent les services publics, dégradant toujours plus la situation des plus précaires. Une carence de personnel et de moyens qui en pleine crise sanitaire empêche de porter des soins et d’évaluer les réels besoins massifs du milieu estudiantin précaire

Il est donc évident que la problématique des étudiants les plus précaires, comme pour celles de l’ensemble de la société désarmé contre le COVID 19 n’a jamais été, et ne l’est toujours pas, la priorité du gouvernement. Parmi toutes les annonces de confinements où l’on salue hypocritement les soignants après avoir détruit l’hôpital public, où l’on invite à respecter un confinement en même temps que des salariés continuent de travailler dans des secteurs non essentiels, où l’on prévient de sauvetage économique des grandes entreprises, aucune pour la protection des plus vulnérables dans cette crise d’ampleur.

Après des années de casse des services publics, les gouvernements successifs ont engendré par ces politiques une précarisation de plus en plus forte de nombreux secteurs, dont les jeunes : baisse des APL, sélection, augmentation des frais d’inscription, logements Crous insalubres, perte de bourse... Une grande partie est ainsi contrainte à travailler en même temps que ses études, en enchaînant des jobs précaires, mal rémunérés. Une fracture sociale, produit de réformes néo libérales sans cesse plus agressives, qui se dévoile à son paroxysme en cette période de crise sanitaire.


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