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Plus loin que Le Pen

Valls ou la déchéance pour tous !

Damien Bernard Après moult tergiversations, Manuel Valls a finalement soumis aux députés, ce mercredi, une nouvelle version de son projet de constitutionnalisation de la déchéance de nationalité, visant les binationaux nés français. Pris dans la tourmente à gauche depuis l’annonce de cette mesure empruntée à l’extrême droite, le gouvernement tente de trouver la formule magique pour ne pas être désavoué, le vote nécessitant une majorité des 3/5 au congrès. Une pirouette gagnante ?

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Quelques heures après le remplacement de Christiane Taubira par Jean-Jacques Urvoas à la tête du ministère de la Justice, le premier ministre Manuel Valls, a tranché. « Aucune référence à la binationalité ne figurera dans le texte constitutionnel, ni a priori dans la loi ordinaire », répondant ainsi à une exigence de la gauche, et notamment du Parti socialiste. En effet, une partie de cette gauche, s’était émue du « risque de rupture d’égalité devant la loi », d’un projet qui inscrirait dans le marbre constitutionnel une « inégalité entre les Français », tout en « stigmatisant » les binationaux.

Calmer la gauche du PS …

Ainsi la révision du projet de constitutionnalisation ne fait plus de référence explicite aux binationaux nés français. Mais le gouvernement a le sens de la formule et raisonne cette fois-ci par exclusion. En effet, dans la foulée, le premier ministre s’est engagé à ce que la France ratifie la Convention de 1961 qui interdit la création d’apatrides. Par exclusion, les français non binationaux ne seraient pas susceptibles d’être déchus de leur nationalité, sous peine de devenir apatride. Si Valls affirme vouloir éviter de « stigmatiser » les binationaux, ils resteront les seuls exposés à cette mesure, à l’application concrète plus que limitée, et à forte visée xénophobe et raciste.

Du point de vue de la gauche du PS, froissée par la mesure, ce changement pourrait bien ne pas suffire. Tandis que d’un côté, la nouvelle formulation convient à Patrick Mennucci, député PS des Bouches-du-Rhône, qui avait exprimé son opposition à la mesure. Cette tambouille interne ne convainc pas tout le monde. Pour exemple, Sergio Coronado (écologiste), a expliqué en commission qu’il ne voterait pas davantage pour le projet de loi ainsi réécrit : « Vous ne faites plus référence aux binationaux mais, dans les faits, ceux qui seront affectés seront uniquement des binationaux ! », a-t-il lancé. Le député « frondeur » Christian Paul a lui dénoncé une « réécriture de maquillage » du nouveau texte.

…Pour mieux virer à droite

C’est une fois de plus à la droite et à l’extrême droite que le gouvernement donne des gages, droitisant toujours plus sa politique, sur fond d’état d’urgence. Ainsi, la déchéance de nationalité, une mesure qui leur est déjà empruntée, pourrait désormais aussi concerner les délits terroristes et non plus les seuls crimes. Cette extension aux « délits les plus graves » concerne notamment « l’association de malfaiteurs, le financement direct du terrorisme ou l’entreprise terroriste individuelle, tous punis d’une peine de 10 ans d’emprisonnement ». Elle répond de fait à une demande de la droite et des Républicains, et vise concrètement à grignoter des voix à droite, et à l’extrême droite. Cependant, ce n’est pas sans contradiction, car cette extension pourrait bien constituer une ligne rouge pour le PS.

De la déchéance de nationalité à la déchéance des droits civiques

Accentuant toujours plus sa droitisation, le gouvernement ajoute une ouverture supplémentaire : « La loi ordinaire comprendra un article instaurant un régime global concernant l’ensemble des personnes condamnées pour les atteintes graves aux intérêts fondamentaux de la Nation et couvrant à la fois la déchéance de nationalité et la déchéance de tout ou partie des droits attachés à la nationalité actuellement prévus par le code pénal. » En clair, on se dirige également vers une mesure de déchéance civique. Ainsi tous les français, y compris « mononationaux », pourront être, en cas de « délits très graves », déchus de certains droits civiques, comme le droit de vote ou l’emploi dans la fonction publique.

Pour sortir de l’impasse de ce cadeau empoisonné de la déchéance de nationalité, le gouvernement doit obtenir la majorité des 3/5 au congrès. Pour cela, il lui faut calmer sa gauche, bien que ce ne soit pas sans danger, moyennant reformulations et maquillages, tout en piochant à droite, accélérant ainsi une « lepénisation » déjà bien amorcée. Ainsi, ce ne sont pas une, mais deux déchéances que le texte prévoit : la déchéance de nationalité pour les binationaux et la déchéance des droits civiques, pour les « mononationaux », l’élargissant au passage aux « délits très graves », une dénomination floue pouvant glisser dangereusement contre tout militant s’opposant à l’ordre établi.


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