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Au 5 juillet, Santé Publique France a recensé 577 cas confirmés de variole du singe ou « monkeypox » sur le sol français, dont une large majorité en Île de France (près de 400 cas) et dans les grands centres urbains. Un nombre qui pèse peu en comparaison des taux d’incidence du Covid-19, mais qui représente tout de même une hausse de 15 % du nombre de cas en 5 jours, ce qui représente une évolution assez inquiétante. Les témoignages de malades commencent à se multiplier sur les réseaux sociaux et dans la presse.

La maladie est dans l’ensemble bénigne mais entraîne des symptômes grippaux avec de la fièvre qui peut nécessiter une hospitalisation des personnes fragiles, notamment des personnes immunodéprimées qui représentent 29 des cas actuellement recensés. La maladie se caractérise surtout par des éruptions de pustules qui peuvent être très douloureuses et nécessite la mise en quarantaine des patients jusqu’à disparition des pustules, qui peut prendre jusqu’à un mois.

Une particularité de l’épidémie telle qu’on l’observe est qu’elle touche dans l’écrasante majorité des cas un public qu’on dit « HSH » en santé sexuelle : les hommes gay ou bi cisgenres ou transgenres (qui représentent à eux seuls 97 % des cas, ou des femmes trans ayant des relations sexuelles avec des hommes. Seules trois femmes cis et deux enfants ont contracté la variole du singe en France pour le moment. Il ne s’agit pas d’une IST à proprement parler, la maladie se transmet par n’importe quel contact physique prolongé, mais aussi par l’environnement - en partageant par exemple des draps infectés – ou encore par les postillons.

Il s’agit d’une maladie connue contre laquelle on sait que les vaccins antivarioliques sont efficaces. Toutefois la variole classique ayant été éradiquée, ces vaccins ne sont plus produits que par un seul laboratoire pharmaceutique, Bavarian Nordic qui assure pouvoir honorer les commandes des pays devant nouvellement faire face à la variole du singe. Un médicament antivariolique produit par un autre laboratoire vient d’être homologué contre la variole du singe mais il ne sera pas largement disponible avant au moins plusieurs mois.

Alors que les associations de lutte contre le VIH ont tiré la sonnette d’alarme dès les premiers cas recensés hors d’Afrique de l’Ouest suite à une transmission d’homme à homme il y a presque deux mois, la Haute Autorité de Santé tarde à réagir à la hauteur des besoins de la population. L’OMS recommande le port du préservatif et la réduction du nombre de partenaires sexuels mais ces recommandations sont très insuffisantes : le port du préservatif ne protège pas d’une contamination, il permet juste de réduire les risques de développer des pustules sur les zones anale ou génitale où elles sont les plus douloureuses.

De plus, la recommandation de réduire le nombre de partenaires sexuels est difficilement applicable pour des publics très précaires comme les personnes vivant de la vente de services sexuels ; enfin comme il s’agit d’une maladie pouvant aussi se transmettre par le partage de draps contaminés on peut craindre beaucoup de contaminations dans certaines populations très précaires exposées à des conditions de vie insalubres comme les migrants, les SDF ou les détenus. Ces populations extrêmement précaires sont d’ailleurs souvent physiquement affaiblies et donc à risque de développer des formes graves et ont par ailleurs un faible accès aux soins.

Alors qu’on dispose de vaccins pour enrayer l’épidémie, la Haute Autorité de Santé ne recommande à l’heure actuelle la vaccination qu’en post-exposition. Une solution qui n’est pas satisfaisante selon Nathan Boumendil, militant à Aides qui explique que « les personnes contaminées ne savent pas par qui elles l’ont été, les cas ne sont pas toujours symptomatiques », ce qui empêche beaucoup de personnes exposées sans le savoir d’avoir accès à la vaccination qui pourrait éviter de développer des symptômes et de transmettre à leur tour le virus et complique le traçage des chaînes de contamination. Il précise que l’ARS Île de France a envoyé un premier signal de bonne volonté en ouvrant 9 centres de vaccination et de dépistage au lieu des deux centres habituels de Bichat et de la Pitié Salpêtrière. Mais cela reste insuffisant puisque certains témoignages rapportent des difficultés à se faire dépister faute de personnel, ou encore un traçage des cas contacts très tardif.

Alors que la Direction Générale de la Santé vient de recommander l’ouverture de la vaccination aux personnes à risque, il faut encore attendre l’aval de la HAS pour commencer à vacciner à titre préventif. Nathan Boumendil souligne le rôle des communautés HSH dans l’organisation d’une « autodéfense sanitaire » face au manque de prise en compte par les autorités de santé. Il reprend de façon critique les recommandations de l’OMS : « porter un préservatif mais sans se sentir hors de risque puisqu’il n’empêche pas une contamination, il faut aussi veiller à ne pas stigmatiser les prepeurs [NDLR : personnes sous traitement pré exposition au VIH qui permet d’avoir des rapports non protégés sans risque d’infection] et les HSH, réduire si possible son nombre de partenaires sexuels et prendre leurs coordonnées pour les contacter si on se découvre positif à la variole du singe pour tracer les chaînes de contamination » tout en reconnaissant qu’une ouverture de la vaccination préventive est essentielle. « Il y a la question des stocks de vaccins bien sûr, mais il y a aussi une question de volonté politique, le Québec par exemple a réagi dès les premiers cas en ouvrant la vaccination aux HSH. C’est à nous de faire pression sur les pouvoirs publics pour imposer l’ouverture de la vaccination ! ».

La question des stocks de vaccin est également une inconnue énorme. Alors que le laboratoire producteur affirme être en mesure d’honorer toutes les commandes, l’Observatoire de la Transparence du Médicament dénonce à la fois le silence du gouvernement et l’absence totale de transparence concernant les stocks de vaccins dont dispose la France et les mesures prises par le ministère de la santé pour renforcer ces stocks.

Alors que Macron a souhaité clore l’épisode de la pandémie de Covid-19 avant les élections et ce malgré une 7e vague dans le pays cet été, l’émergence d’une nouvelle épidémie ne semble pas préoccuper davantage le gouvernement qui veut vraisemblablement se concentrer sur d’autres dossiers au détriment de la santé de la population.

De fait, tandis que la variole du singe peut participer à stigmatiser les hommes gays et les autres groupes à risque, la politique du gouvernement à l’égard de ce nouveau risque sanitaire est dangereuse.

De plus, le système de santé - exsangue après des décennies de coupes budgétaires et deux ans de crise du Covid - n’est pas en mesure de faire face à une nouvelle épidémie qui peut rendre nécessaires des hospitalisations… Après la première expérience de la crise du VIH, la crise du Covid a de nouveau montré à quel point les autorités peuvent être amenées à mentir et à prendre - ou non - des mesures en suivant des intérêts qui n’ont rien à voir avec la santé publique. C’est à nous de nous auto-organiser pour défendre des stratégies de prévention, lutter contre les discriminations et imposer des moyens suffisants pour que le système de santé puisse réagir rapidement face aux épidémies.