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Monkeypox

Variole du singe. Transmission, vaccin : pour une stratégie sanitaire cohérente et transparente

Deux semaines après l’ouverture de la vaccination aux publics à risque, les créneaux de vaccination sont toujours difficiles à trouver. En cause : le manque de personnel soignant mais aussi l’opacité totale qu’entretient le gouvernement concernant les livraisons de doses, ainsi qu'une gestion impérialiste à l'origine d'un manque de connaissance sur la maladie.

Matthias Lecourbe

28 juillet 2022

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Depuis mai, la variole du singe, couramment appelée monkeypox, circule en Europe. Selon le gouvernement, ce virus se transmet lorsqu’une personne entre en contact avec un animal, un être humain ou des matériaux contaminés par le virus. La transmission interhumaine se produit à l’occasion d’un contact prolongé en face à face par des gouttelettes respiratoires ou par contact direct avec une personne infectée, à travers les fluides corporels, les lésions cutanées de la maladie ou les muqueuses internes comme la bouche, ainsi que de manière indirecte par des objets que le malade a contaminés, comme des vêtements ou du linge de lit. Si le virus n’est pas à ce jour considéré comme une maladie sexuellement transmissible (MST), les rapports sexuels semblent propices à sa propagation.

Alors que la vaccination préventive contre la variole du singe a été ouverte aux hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes et aux personnes trans multipartenaires ainsi qu’aux personnes vendant des services sexuels le 11 juillet dernier, ces usager.e.s du système de santé décrivent toujours une grande difficulté d’accès au vaccin. Il est toujours très difficile de trouver un créneau de vaccination faute de personnel soignant disponible pour vacciner, et en raison aussi de livraisons de doses défaillantes. Alors qu’hors île de France la vaccination n’a pu effectivement démarrer que le 18 juillet, l’ARS Auvergne Rhône Alpes était par exemple déjà en rupture de doses le 27 juillet. À l’heure actuelle selon le Ministère de la Santé 7000 personnes auraient été vaccinées et 42 000 doses de vaccin anti-variolique auraient été déstockées. Une goutte d’eau dans l’océan : dans son avis recommandant la vaccination préventive la HAS estimait que les populations à risque représentaient 250 000 personnes à vacciner. À l’heure actuelle, les stocks de vaccins anti-varioliques restent détenus par le ministère de la Défense pour faire face au risque d’attaque bioterroriste et sont toujours classés secret-défense. Il n’y a donc toujours aucune visibilité sur le nombre de doses disponibles au-delà des 42 000 doses transmises au ministère de la Santé.

Au delà de la question des doses, la campagne de vaccination est très largement ralentie par manque de personnel soignant. Une situation chronique qui ne fait que s’empirer l’été. Le ministre de la santé vient d’autoriser les étudiants en médecine et les médecins à la retraite à vacciner, et un bon nombre des médecins pratiquant la vaccination sont volontaires et bénévoles. Une situation qui fait une fois de plus retomber les conséquences de la négligence des pouvoirs publics en matière sanitaire sur le dévouement du personnel de santé. Cette situation n’est pas tenable compte tenu de leurs conditions de travail déjà fortement dégradées et risque de participer à terme au départ du personnel soignant du secteur public vers le secteur privé et à l’agonie du service public de santé. Le manque de personnel des ARS a aussi largement compromis le traçage des cas contact : après des semaines de dysfonctionnements l’ARS IDF a annoncé remettre la tâche de prévenir les cas contacts aux patients eux-mêmes, mais cette solution n’est pas tout à fait satisfaisante, il faudrait délivrer des arrêts-maladie sans délai de carence de façon systématique pour casser les chaînes de contamination ce que ne peuvent pas faire de simples patients.

La crise pâtit aussi d’une gestion très impérialiste de l’industrie pharmaceutique. Alors que la variole du singe est une maladie endémique en Afrique de l’Ouest depuis déjà des décennies et qu’elle touche là bas des enfants en bas âge contaminés par des rongeurs qui sont davantage à risque de complication que les personnes adultes majoritairement touchées en occident, la population locale n’a jamais pu bénéficier d’aucun vaccin. De plus, la maladie touche en Afrique principalement les milieux ruraux, et sa transmission n’a pratiquement pas été étudiée : avant ce printemps, la variole du singe était une maladie tropicale négligée. C’est aussi pourquoi le vaccin contre la variole humaine n’a fait l’objet d’aucun essai clinique d’efficacité chez l’homme contre la variole du singe. On estime simplement “au doigt mouillé” que le vaccin contre la variole humaine aurait par effet d’immunité croisée une efficacité de 85% contre la variole du singe. Cependant les vaccins actuellement utilisés semblent de permettre de produire une réponse immunitaire satisfaisant que deux semaines après une deuxième injection, quatre semaines après la première injection. En d’autres termes, une fois vacciné une première fois, il faut encore attendre 6 semaines avant de pouvoir s’estimer immunisé.

Dans un tel contexte de campagne vaccinale poussive, et en tenant compte du délai important avant de pouvoir développer une immunité face à la maladie, il y reste en effet peu d’autres alternatives de prévention que la recommandation de l’OMS de réduire son nombre de partenaires sexuels. Cela n’est toutefois pas toujours facile. Thierry, travailleur du sexe et porte-parole du STRASS témoignait cette semaine dans Libération ne pas avoir trouvé de créneau de vaccination avant septembre, ne plus voir que ses clients réguliers et avoir perdu déjà un tiers de ses revenus à cause de l’épidémie. Par ailleurs, les sexualités multipartenaires chez les hommes gays et bi ou chez les personnes trans sont une réponse à un contexte social de stigmatisation et de solitude, et alors la réduction du nombre de partenaires sexuels pourrait être difficilement tenable dans la durée.

Dans un tel contexte, l’épidémie a encore de beaux jours devant elle. Il est urgent d’investir dès maintenant dans le système public de santé, d’embaucher massivement des soignants pour faire face à cette épidémie et aux prochaines. La gestion capitaliste et impérialiste de l’industrie pharmaceutique a aussi permis l’émergence progressive de l’épidémie dans les milieux ruraux d’Afrique avant qu’elle ne touche les grands centres urbains de tous les pays occidentaux et ne devienne très difficile à contrôler : il nous faut une industrie pharmaceutique sous contrôle ouvrier à même de répondre aux besoins de toutes et tous au-delà des frontières. Alors que les épidémies sont appelées à se multiplier du fait du réchauffement climatique et des atteintes à l’environnement, il n’a jamais été aussi crucial de rebâtir un système de santé capable d’encaisser les crises sanitaires tout en garantissant des conditions de travail dignes pour les soignants.


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