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Après la Grèce et l’Équateur

Venezuela. L’effondrement du dernier modèle international du Front de Gauche

Romain Lamel Après les capitulations de Tsípras et la dérive autoritaire de plus en plus marquée de Correa, le dernier gouvernement incarnant les espérances du Front de Gauche, celui de Nicolás Maduro au Venezuela, semble sur le point de s’effondrer : baisse des cours du pétrole, dévaluation de la monnaie, multiplication des cas de répression à l’encontre des classes populaires… Les successeurs d’Hugo Chávez ne semblent plus en position d’emporter des élections législatives décisives au mois de décembre prochain.

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L’été a été cruel pour les espérances du Front de Gauche : capitulations d’Aléxis Tsípras face aux institutions européennes et réouverture d’une ambassade étasunienne à La Havane, probable prélude à une restauration capitaliste à Cuba en juillet, convergence des luttes syndicales et indigènes contre le gouvernement au pays de la Révolution citoyenne, l’Équateur, cher à Jean-Luc Mélenchon en août. Le Venezuela de feu Hugo Chávez pourrait représenter le dernier bastion international d’une gauche réformiste moribonde. Il n’en est rien.

Dépendant de l’or noir qui représente l’essentiel de ses exportations, le Venezuela est affecté par une chute du cours du baril de pétrole qui a perdu la moitié de sa valeur en cinq mois depuis septembre 2014. Parallèlement, la monnaie vénézuélienne s’effondre depuis 2012. Alors que le taux de change officiel est toujours de 6,3 bolívars pour chaque dollar, ce dernier s’échange à plus de 700 bolívars au marché noir même si le gouvernement a instauré des taux intermédiaires.

Le contrôle des changes, instauré en 2003 au moment des tentatives de coup d’État par l’oligarchie, est détourné par les grandes entreprises avec la complicité de hauts dirigeants gouvernementaux, qui s’enrichissent par ce biais. Des économistes proches du chavisme ont estimé à plus de 250 milliards de dollars le manque à gagner pour l’État vénézuélien, par surfacturation d’importations ou demande de dollars subventionnée pour des importations non réalisées. Cet écroulement monétaire a des conséquences lourdes sur la population vénézuélienne, l’inflation atteint les 100 % durant la seule année 2015, grevant le pouvoir d’achat des classes populaires, les pénuries empêchant l’accès à des produits de première nécessité.

Face à ces difficultés économiques et sociales, le gouvernement tente de détourner l’attention des Vénézuéliens vers des conflits territoriaux. Ainsi, Nicolás Maduro a ressuscité la vieille revendication de rattachement de la Guyane Euséquibe, à l’origine annexée par la Grande-Bretagne mais représentant aujourd’hui la moitié du voisin pauvre, le Guyana.

La tension est plus importante avec la Colombie. Les distorsions du taux de change mènent un certain nombre de Vénézuéliens, nommés bachaqueros, à revendre les produits subventionnés par l’État de l’autre côté de la frontière, pour s’assurer des revenus complémentaires. Ceux-ci sont criminalisés par le gouvernement vénézuélien et considérés comme fascistes, portant atteinte au processus bolivarien. Pour lutter contre ce phénomène, Nicolás Maduro a décidé de fermer la frontière, à la fin de l’été et pendant plus d’un mois, et même d’expulser plus d’un millier de colombiens, alimentant ainsi les préjugés xénophobes à leur égard.

Cette orientation diplomatique révèle un tournant autoritaire. Nicolás Maduro a institué au mois d’août, l’Organisation de libération et de protection du peuple (OLP) pour restaurer l’ordre. Les organisations de défense des droits de l’homme font déjà état d’une cinquantaine de disparitions et de plusieurs milliers de personnes arrêtées. Ces pratiques répressives se retrouvent à l’intérieur des entreprises publiques. Le 15 septembre dernier, Bladimir Carvajal, syndicaliste revendicatif de l’entreprise pétrolière, a été expulsé du bus qui l’emmenait à son travail par la Garde Nationale et informé de son licenciement.

Dans un tel contexte, les élections législatives prévues le 6 décembre prochain s’annoncent incertaines pour le chavisme. Pour la première fois depuis plus de quinze ans, la plupart des sondages prévoient une victoire de l’opposition néolibérale. Un processus d’émancipation ne peut être pérenne en multipliant les tentatives de conciliation avec les élites économiques, que ce soit au Venezuela, comme en Grèce ou en Équateur.

15/10/2015


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