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Venezuela : à qui profite la rente ?

Christa Wolfe

Venezuela : à qui profite la rente ?

Christa Wolfe

La principale richesse du Venezuela se trouve du côté du pétrole : autour des puits d’extraction se sont structuré tous les enjeux politiques, à l’extérieur comme à l’intérieur du pays. Les entreprises européennes puis surtout étatsuniennes, attirées par la manne pétrolière et implantées dans le pays comme un Etat dans l’Etat, ont dirigé pendant des décennies la politique intérieure du Venezuela et ses choix économiques. Un pays asservi et forcé de s’aligner sur les intérêts des firmes étatsuniennes.

La logique du capitalisme parvenu à son ère tragi-grotesque a abouti ici à un drôle de paysage : un champ de désastre et de misère sociale dans lequel poussent les derricks qui feront la fortune des dictateurs au pouvoir et des entreprises d’Amérique du Nord. Considéré par les Etats Unis comme une réserve d’hydrocarbures, le Venezuela subit la même exploitation que les pays colonisés par l’Europe au tournant des XIX¬° et XX° siècle. La même violence sociale, la même misère économique, la même déprédation : les Etats-Unis se construisent des périphéries utiles à leurs intérêts, écrasant les populations.

C’est à cette économie de rente qui profitait essentiellement à la bourgeoisie vénézuélienne et états-unienne que Chavez s’est attaqué en nationalisant la production de pétrole et en redistribuant la manne pétrolière à la population. Les effets sont considérables – et doubles : d’un côté, une hausse du niveau de vie des catégories les plus basses jusqu’alors ignorées et abandonnées dans la plus sinistre misère, et des tensions géopolitiques de l’autre, avec une bourgeoisie vénézuélienne alliée aux intérêts nord-américains et prête à la revanche. Or si Chavez a bien profité d’une période favorable pour l’économie pétrolière, qui a servi sa politique de redistribution, il n’a modifié en rien le modèle économique.

Et en ne changeant pas son modèle d’économie rentière, le Venezuela est resté structurellement fragile, dépendant des cours du baril et soumis aux risques d’hyperinflation. Entré en crise depuis 2014, le pays attire désormais tous les rapaces, aussi bien Trump que Guaidó : pour la bourgeoisie transnationale, avec les moyens militaires dont elle dispose, la crise est une aubaine. La population, elle, reste toujours la grande perdante.

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