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Sous tension extrême

Venezuela : le 1er mai des travailleurs volé par le gouvernement et l’opposition

Au Venezuela, le 1er mai ne sera pas une démonstration de force des travailleurs. Les centrales syndicales ont décidé de se placer derrière le gouvernement et l’opposition qui s’affronte depuis un mois. Cette polarisation s’accentue avec des conséquences tragiques pour les classes populaires sur fond de crise économique profonde et de fin de cycle des gouvernements de gauche en Amérique du Sud.

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Comme depuis plusieurs années, les travailleurs vénézuéliens ne pourront pas défiler de manière autonome des dirigeants politiques. La centrale syndicale d’opposition (la Confédération des Travailleurs du Venezuela) appelle à manifester du côté de la MUD (Table de l’Unité Démocratique, coalition hétérogène d’opposition) et revendiquer la tenue d’élections générales immédiates. La centrale syndicale favorable au gouvernement (la Centrale Bolivarienne Socialiste des Travailleurs de la Ville, des Champs et de la Pêche, CBST-CCP) mobilise en faveur de la marche du gouvernement pour le défendre contre les tentatives de déstabilisation.

Depuis un mois, le Venezuela est le théâtre de manifestations de l’opposition et de contre-manifestations de soutiens du gouvernement suivie d’affrontements violents à l’origine de la mort de 26 personnes (par les forces de l’ordre mais aussi par des groupes armés favorable et défavorable au gouvernement). Le point de départ de ces mobilisations a été le 30 mars dernier la décision du Tribunal Suprême de Justice (acquis à Nicolás Maduro) de déposséder l’Assemblée Nationale (aux mains de l’opposition) de ses prérogatives et de lever l’immunité des parlementaires. Les autorités vénézuéliennes ont fait marche arrière sur cette initiative mais ont condamné le candidat de l’opposition aux deux dernières élections présidentielles, Henrique Capriles, à quinze ans d’inéligibilité. Les élections régionales sont reportées sine die.

Cette dérive autoritaire du gouvernement Maduro ne touche pas seulement les élites politiques opposantes. Dans l’entreprise sidérurgique, SIDOR, ou dans l’entreprise pétrolière, PDVSA, les élections syndicales sont également reportées sine die. Des « organisations de libération du peuple » (OLP), chargé de rétablir la sécurité dans les quartiers populaires, sont accusées de plusieurs dizaines d’assassinats par les organisations de défense des droits de l’homme. Les organisations tierces, comme Marea Socialista ou le Parti Communiste Vénézuélien, indépendantes du PSUV, le parti de Nicolás Maduro, et de la coalition d’opposition, sont désormais invitées à se plier à des conditions draconiennes pour avoir une existence légale.

L’opposition n’est pas non plus une perspective politique. Elle est dirigée par des néolibéraux au niveau économique, lié aux Etats-Unis au niveau international, qui n’ont jamais accepté la présence d’un dirigeant aux origines modestes soutenu par les classes populaires, Hugo Chávez puis Nicolás Maduro, au pouvoir. Depuis près de deux décennies, sa base sociale demeure davantage centrée sur les classes possédantes. Au niveau des libertés publiques, rien ne permet d’établir qu’elle serait moins autoritaire. Lors du coup d’État avorté d’avril 2002, les opposants avaient destitué immédiatement toutes les autorités et exercé une répression immédiate sur la population. En février 1989, l’application orthodoxe d’un plan d’ajustement du FMI avait déclenché une révolte réprimée au prix d’un millier de morts.

Que Nicolás Maduro se maintienne au pouvoir ou s’en aille, qu’un gouvernement d’union nationale soit mis en place ou pas, la situation des classes populaires vénézuéliennes demeure préoccupante. L’économie du pays est rentière, dépendante du pétrole qui représente plus de 95 % des exportations du pays. Si Hugo Chávez a redistribué une partie des richesses aux plus modestes, il n’a pas diversifié les sources de revenus. Prisonnière de cet extractivisme, l’économie vénézuélienne subit de plein fouet la chute des cours du pétrole depuis l’été 2014. Dans une fuite en avant désespérée, le gouvernement accélère le projet de l’Arc Minier de l’Orénoque, qui confierait 12 % du territoire national à des dizaines de multinationales étrangères dont la Gold Reserve canadienne, dérogeant au droit du travail, au mépris des communautés indigènes.

Un autre phénomène concourt à cette crise économique, l’effondrement de la monnaie. Depuis près de quinze ans, les grandes entreprises détournent le contrôle des changes avec la complicité de hauts fonctionnaires gouvernementaux par des surfacturations d’importation ou des demandes de dollars subventionnés pour des importations non réalisées. Des économistes font état d’une fuite de plusieurs centaines de milliards par ce biais. Aujourd’hui, la différence entre les taux de change officiel et officieux est de 1 à 420. Cet écart limite les importations y compris de produits de première nécessité. Depuis plus d’un an, les Vénézuéliens sont confrontés à des pénuries de nourriture et de médicaments.

Le gouvernement Maduro est non seulement affaibli par une crise politique et économique mais aussi par l’arrivée au pouvoir de coalitions conservatrices dans les autres pays latino-américains. Durant une quinzaine d’années, des gouvernements progressistes ont été élus grâce au soutien actif des mouvements sociaux et bénéficiant d’un haut cours des matières premières. Alors qu’Hugo Chávez avait bénéficié du soutien de ces homologues continentaux lors des conjonctures critiques, un retournement de conjoncture s’est opéré depuis l’automne 2015 en Amérique du Sud. L’élection d’un président libéral en Argentine et au Pérou, le coup d’État institutionnel au Brésil constituent autant de mauvaises nouvelles pour Nicolás Maduro. Ces pays qui ont récemment basculé à droite, mettent la pression sur le gouvernement Maduro pour qu’il accepte les revendications de l’opposition.

Les classes populaires vénézuéliennes n’ont rien à gagner de la dérive autoritaire du gouvernement ni de la tentation insurrectionnelle de l’opposition. Nous affirmons notre solidarité dans ces conditions difficiles à toutes les forces anticapitalistes du pays qui essaient de se frayer un chemin indépendant du gouvernement et de l’opposition.


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