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Mobilisations

Vent de révolte chez les lycéens : vers une tempête le 5 décembre ?

Depuis 10 jours, il ne se passe quasiment pas un jour sans qu’un lycée connaisse des mobilisations. Une insubordination de la jeunesse qui relève la tête à l’approche du 5 décembre.

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Crédit photo : Valérie Le Parc / Var Matin

Chaque jour dans les lycées, s’affirme un peu plus l’explosivité d’une jeunesse qui ne veut plus se laisser faire face aux attaques du gouvernement et d’une société injuste qui lui promet de broyer son avenir. Déjà en décembre dernier, les lycéens s’étaient massivement mobilisés autour de la réforme du bac et de la sélection à l’université avec Parcoursup, souvent en solidarité avec les profs. Depuis le mois de mars des dizaines de milliers de jeunes marchent pour le climat et dénoncent l’inaction des gouvernants.

Plus récemment, c’est une rentrée mouvementée qui a pris place sur les lycées où des mouvements de grève localisés et des mobilisations lycéennes dénoncent les premiers effets de la réforme du bac et du lycée.

Le contexte : une réforme du bac qui ne passe pas

Les lycéens et les profs dénoncent une situation où ils ne savent pas où ils vont. Alors que les premières évaluations qui vont compter pour le bac arrivent en janvier, de nombreux jeunes et enseignants ne savent toujours pas à quoi ressemblera l’examen. De nombreux profs alertent sur le fait qu’il devient très compliqué de suivre les élèves. Le lycée à la carte voulu par Blanquer où chacun compose avec les spécialités proposées par son lycée, aboutit en effet à ce qu’il n’y ait plus de classe et rend le suivi et les échanges entre les enseignants très compliqués. « Cette réforme renforce à fond l’individualisme » dénonce ainsi un professeur dans Libération.

Elle renforce également le stress des deux côtés de la classe. Pas uniquement du fait de la perspective du bac rendue floue par la réforme, mais aussi en raison d’un quotidien où les cours apparaissent trop chargés à tels point que certains doivent être travaillés individuellement chez soi, faute de temps. « Je me sens souvent submergé, le nouveau bac est ambitieux, même les profs et le proviseur le disent » déclare un lycéen à Libération. Les programmes et les rythmes d’enseignement sont complètement bouleversés. « J’en suis encore à rattraper les notions qui n’ont pas été abordées l’an dernier. C’est la première fois que je vois ça : ils ont changé les programmes de seconde et de première en même temps ! D’habitude, on modifie une année à la fois pour ne pénaliser personne. » témoigne un autre enseignant.
Par ailleurs, les emplois du temps sont particulièrement hachés à cause de la mise en place de spécialités à la carte, « on peut avoir cours de 8h à 18h et parfois commencer à 10h ou 13h et revenir juste pour un cours de 15h à 16h ! » témoigne une lycéenne sur Studyrama.

Ces spécialités sont une particularité de la réforme Blanquer qui permet la spécialisation des lycées et en fait de véritables vitrines, en fonction de la stratégie des proviseurs. Avec un nombre d’heures fixe il faut choisir entre une large palette pour offrir tous les choix possibles à ses élèves ou ajouter des heures dans une spécialité pour apparaître comme « le » lycée pour les maths : l’accomplissement de la sélection post bac où la sélection se fera selon le lycée d’origine en fonction de sa réputation dans telle ou telle matière.

D’ores et déjà de nombreux lycéens ont dû changer de spécialité ou de matières pour concilier des emplois du temps zébrés de coupures ou parce que le niveau, notamment en maths, a été adapté pour en faire un cursus d’élite, qui exclut une grande partie des élèves. C’est d’ailleurs le prétendu choix absolument libre des spécialités qui justifie, selon le ministère, que la réforme permettrait de hausser le niveau. Pourtant les lycées ne proposent pas toutes et de nombreuses sont prises par défaut, pour ne pas se fermer des portes plus tard. Car, en somme, ce qui est demandé à des élèves de 15 ou 16 ans, c’est d’établir un projet professionnel cohérent, de la seconde au master, sans faux pas, la moindre mauvaise note pouvant jouer pour une affectation sur ParcourSup.

Face à la réforme du bac, des explosions de colères dans les lycées

C’est dans ce contexte que depuis le début de l’année, des explosions de colère sporadiques ont lieu dans les lycées. Depuis une dizaine de jours, à l’approche des bacs blancs (qui n’ont pas lieu dans certains lycées), avec la colère et la frustration qui s’accumule face à une réforme absurde et en réaction à une agitation sociale qui monte avec la perspective du 5 décembre pour s’opposer à la réforme des retraites, voire aux dramatiques tentatives de suicide d’un étudiant et d’une lycéenne, l’émotion et la colère ont été vives dans les établissements, d’autant que la réponse de l’Etat est toujours celle de la matraque et des lacrymos.

Une dynamique qui témoigne d’une politisation et d’une radicalisation d’une jeunesse, qui peut être très explosive et qui a de tout temps effrayé le pouvoir. Un pouvoir qui ne la comprend pas, à l’image de Ouest France à Quimper ou de BFM qui, à propos des lycéens qui ont bloqué dans l’Essonne, regrettent des revendications « pas très claires » ou « floues ».

Une rapide liste, non exhaustive, de l’agitation dans les lycées suffit à prendre conscience du malaise qui y règne. Le 14 novembre des lycéens rennais se sont mobilisés contre des expulsions de mineurs, le 15 au Mans en réaction à la tentative de suicide d’un étudiant lyonnais, à la vague de suicides qui touchent les profs et les directeurs et directrices d’écoles, contre ParcourSup et la réforme du bac. Le 18 à Hyères, des lycéens se sont faits gazer pour avoir bloqué leur lycée alors qu’ils se mobilisaient pour dénoncer la réforme du bac et la situation des redoublants en terminale. Les mêmes revendications, des revendications sur l’écologie et sur les bourses trois jours plus tard à Quimper. Le 25 des affrontements ont eu lieu entre lycéens et forces de répression dans l’Oise après des blocus, à Clermont-Ferrand aussi des lycées ont été bloqués contre la réforme du bac et face à l’ineptie des emplois du temps. Ce même jour, 7 lycéens de Raymond Naves à Toulouse se sont faits embarquer par la BAC alors que le lycée était bloqué contre la réforme des retraites, avec la réforme du bac bien en tête. Le lendemain c’est le lycée Stéphane Hessel à Toulouse qui a bloqué, en solidarité face à cette répression, sur les mêmes motifs et en réaction à la tentative de suicide de la lycéenne dionysienne. A Aubagne, ce sont les parents, les profs, les élèves qui se sont mobilisés pour dénoncer un manque de moyens, d’effectifs, le tout dans un lycée insalubre où pour pallier le manque de salle, on fait venir les lycéens le mercredi après-midi ou le samedi. Enfin, hier c’est à Strasbourg que les lycéens ont fait face à la répression lorsque trois lycéens ont été arrêtés par la police.

Cette vague de contestation et d’insubordination illustre un malaise qui est en train de surgir violemment dans la jeunesse, et qui d’une certaine manière peut s’observer dans des contextes différents à l’internationale. Face à une société qui ne propose aucun avenir enviable entre chômage de masse, crise écologique et précarité. Une situation à laquelle l’école made in Blanquer veut habituer les plus jeunes, mais qui ne passe pas sans résistance, à l’image des lycéens toulousains qui ont averti le gouvernement de leur opposition à la réforme des retraites et assuré de leur présence le 5 décembre.

Ce vent de révolte venu des lycées pourrait donner un essor et une radicalité considérable au large mouvement interprofessionnel et reconductible qui s’annonce.


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